Tristan Gianora, étudiant de Master en droit international et comparé, séjourne au Japon où il a effectué son mémoire. Il raconte sa rencontre d'une autre culture et son expérience universitaire.
Etudiant de Master en droit international et comparé à la Faculté de droit de l'UNIL, Tristan Gianora, 26 ans, effectue un semestre d'échange au Japon à l'université de Kyoto. Kyodai de son surnom japonais est la 2e université du pays et 23e des rankings internationaux. Tristan Gianora y a rédigé un mémoire sous la supervision du professeur Shotaro Hamamoto de l'Université de Kyoto, un expert renommé en matière de droit international public. L'étudiant lausannois s'est attaché à comparer les traités internationaux en vigueur en Suisse et au Japon, en utilisant ses connaissances en droit international public et privé. Son professeur au Japon, Shotaro Hamamoto, sera à l'UNIL pour une conférence, jeudi 21 mars.
Pourquoi avoir choisi le Japon comme point de comparaison avec la Suisse?
Je dois dire que c'est le Japon qui m'a choisi lorsque j'y ai effectué mon premier voyage en 2010. J'étais déjà attiré par ce pays et sa culture mais dès que j'y ai posé le pied, je me suis senti chez moi. Après ce premier voyage, j'y suis retourné régulièrement en vacances et afin d'apprendre la langue avant de me lancer dans ce semestre d'échange.
Sur le plan du droit, la législation japonaise est assez proche de celle de la Suisse. La Constitution japonaise, établie par les Américains à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, est similaire à celle de la Suisse. La Confédération helvétique s'est inspirée du modèle américain, qui reste la première Constitution d'un Etat fédéral. L'Allemagne et la France, au travers de son code Napoléonien, ont aussi fortement influencé la Suisse comme le Japon. A la bibliothèque de Kyoto, j'ai trouvé énormément de livres en allemand et en français, ce n'était pas très dépaysant au premier abord ! Mais par la suite, j'ai aussi eu accès à des documents que je n'aurais pas pu trouver en Suisse. Le Japon et la Suisse se ressemblent aussi car ils font tous deux parties des pays ayant un système dit de "civil law", où le principe législatif domine. Tout y est basé sur des codes que les tribunaux peuvent ensuite interpréter. Au contraire des Etats-Unis ou de l'Angleterre qui sont bâtis sur le système de "common law", soit un droit basé essentiellement sur la jurisprudence où les tribunaux font le droit.
Y a-t-il également des différences importantes en terme de lois entre les deux pays?
Les différences proviennent surtout de différences culturelles, par exemple en ce qui concerne la conception de la famille. Au Japon, les enfants illégitimes ont un droit moindre sur l'héritage, ce qui n'existe plus en Suisse. Un droit tout de même sur le point de changer au Japon. Au niveau du fonctionnement du gouvernement, c'est là où l'on perçoit les plus grandes différences. Le Japon est dirigé par un Premier ministre et son cabinet qui détiennent le pouvoir exécutif, l'empereur n'ayant qu'un rôle symbolique. Puis le Parlement se compose de deux chambres, comme en Suisse, mais à la différence qu'elles ne sont pas à égalité lorsqu'il s'agit de rendre une décision (ce que l'on nomme techniquement le bicaméralisme imparfait). Au Japon, il est très difficile de réviser la Constitution. Celle-ci interdit par exemple aux Japonais de posséder une armée. Sans violer la Constitution, ils ont toutefois réussi à se doter d'une « force d'autodéfense ».
Avez-vous aussi constaté des différences au niveau de l'organisation de l'Université?
L'Université de Kyoto est immense. Il y a 3 campus pour plus de 22'000 étudiants. Il est parfois plus difficile d'avoir accès aux professeurs par exemple. Et contrairement à ce qu'on pourrait croire, peu de gens parlent anglais ! Pour toutes les questions administratives ça peut être compliqué. L'UNIL est à taille humaine, c'est plus agréable. Je sais que si je vais trois fois au secrétariat de la Faculté, la secrétaire se souviendra de moi. A Kyoto, c'est différent. Il y a aussi culturellement plus de distance entre les gens. Mais le Kansaï, où se trouve la préfecture de Kyoto, est une région très accueillante en comparaison de Tokyo que j'ai trouvé beaucoup plus froid. La vie universitaire y est très animée en tout cas. Il y a plusieurs festivals où tout le monde se rassemble pour manger ou participer à des clubs liés à ses intérêts.
Quels sont vos plans pour votre futur professionnel?
Pour l'instant, je compte rester au Japon pour me perfectionner au niveau de la langue. Si je peux tenir une conversation, l'écriture et la lecture restent difficiles. J'aimerais beaucoup trouver un travail au Japon ayant un lien avec le droit. Travailler dans une organisation internationale ou pour une grande entreprise me plairait. J'ai la chance de parler plusieurs langues, ce qui est clairement un avantage au Japon mais les places à la sortie de l'Université ne sont pas plus faciles à trouver qu'en Suisse. J'envisage éventuellement de continuer dans une carrière académique et de me lancer dans un doctorat. Mais je reste aussi en lien avec la Suisse et l'UNIL, qui m'ont toutes deux formé à un esprit d'ouverture au monde et aux autres.