Le journal littéraire "le persil" consacre un numéro entier à l'écrivain Jean-Luc Benoziglio, disparu en décembre 2013. Un bel hommage à l'attachant auteur de "Cabinet-portrait", expert de l'autodérision et... diplômé en droit de l'UNIL.
La dernière édition du persil n'a de glacé que le papier. C'est en effet l'admiration et l'amitié qui traversent les articles de ce numéro entièrement consacrée à Jean-Luc Benoziglio (1941-2013). Né à Monthey, cet écrivain a obtenu une licence en droit, mention droit suisse, dans nos murs. Auteur d'une dizaine de romans, il a passé la majeure partie de sa vie à Paris.
L'aventure a démarré à Bienne fin janvier 2014, à l'occasion d'une rencontre entre connaissances de «Beno». Directeur du Centre de recherches sur les lettres romandes, Daniel Maggetti raconte que «dans une ambiance informelle, nous avons évoqué sa personne et échangé des souvenirs.» Egalement présent, l'écrivain Ivan Farron se remémore une envie collective de «faire quelque chose». Moins d'un an plus tard, ce numéro spécial du persil, «mû par l'affection», concrétise cette soirée.
Plusieurs chercheurs de l'UNIL figurent parmi les contributeurs. Le sommaire propose également des photographies personnelles issues de la collection de Laurence Krafft, compagne de l'auteur, ainsi qu'un inédit de Jean-Luc Benoziglio. Autre document étonnant : le fac-similé d'un texte de «Beno» rédigé pour le journal estudantin lausannois Spécial entraide, sorti en 1975.
L'élan de l'émotion
Pour Ivan Farron, cette édition du persil est «un objet vivant, réalisé rapidement avec l'élan de l'émotion.» Soit tout le contraire d'une statufication, une notion de toute manière étrangère au principal concerné par cet hommage. Le but consiste également à faire lire ou relire Jean-Luc Benoziglio, Prix Médicis 1980 pour Cabinet-portrait. Ce «Parisien qui n'a jamais renié ses origines» pouvait compter sur un public de fidèles, notamment en Suisse.
Mais pourquoi se plonger dans ses livres ? «Déjà pour sa posture générale, faite d'humour et d'auto-ironie», relève Daniel Maggetti, qui apprécie également «son ton inimitable et son écriture ample, habile et ciselée.»
Burlesque et mélancolique
A la frontière de l'autofiction et de la fiction, «Beno» traitait de la «lancinante et passionnante question de la constitution du sujet contemporain, de sa difficulté à parvenir à l'unité», relève le directeur du Centre de recherches sur les lettres romandes. Le judaïsme (le père de l'auteur était un Juif d'origine turque, directeur d'une clinique à Monthey), la Shoah, la maladie et la mort sont également des thèmes récurrents. Mais attention : nulle lourdeur à craindre. Sa manière de parler des «petits accidents de la vie quotidienne est très drôle et humaine» note Ivan Farron, qui résume ainsi l'écriture de Jean-Luc Benoziglio : «burlesque et mélancolique, avec beaucoup de tenue.»
Dans sa contribution, Daniel Maggetti raconte la remise du Grand Prix Ramuz à «Beno», en 2010. Le brillant et savoureux discours de remerciements de ce dernier est d'ailleurs reproduit. La cérémonie a connu quelques couacs absurdes, que l'auteur a pris avec bonne humeur. «Ce pince-sans-rire aimable, qui fumait une éternelle cigarette, avait parfois l'air de se demander avec le sourire: "Mais qu'est-ce que je fais là ?",» se rappelle le chercheur. A la lecture de l'hommage, on en vient à regretter de n'avoir pas rencontré cette personnalité si attachante.
Que lire de Jean-Luc Benoziglio ? Outre Cabinet-portrait, Daniel Maggetti conseille le plus personnel Peinture avec pistolet, ainsi que Louis Capet, suite et fin, la fin helvétique et cocasse de la carrière de Louis XVI.