Une étude prédit une redistribution des poissons dans les océans arctiques selon différents scénarios climatiques. Des espèces pourraient migrer d'un océan à l'autre et remodeler les écosystèmes marins, soulignent Olivier Brönnimann et Antoine Guisan à la Faculté de biologie et de médecine.
Trois équipes internationales dont celle du professeur Antoine Guisan, à l'UNIL (Département d'écologie et évolution DEE et Institut des Dynamiques de la surface terrestre IDYST), ont étudié l'effet de différents scénarios de changement climatique (réchauffement prévu plus ou moins fort) sur la distribution des poissons arctiques qui depuis environ 2 millions d'années se partageaient d'une manière quasi étanche le Pacifique Nord et l'Atlantique Est et Ouest.
Le rétrécissement estival de la banquise dans les océans arctiques est très net depuis le début du siècle et a déjà permis à quelques espèces de poissons de passer d'un océan à l'autre. Les analyses réalisées par Olivier Brönnimann grâce au puissant réseau d'ordinateurs de la plateforme Vital-It, du Swiss Institute of Bioinformatics, offrent une modélisation de 515 espèces selon quatre scénarios climatiques, prédisant leur distribution tous les cinq ans jusqu'en 2100.
Ainsi le poisson-loup cantonné jusqu'ici à l'Atlantique pourrait bien migrer vers le nord-ouest, dans le Pacifique, où la température lui sera devenue favorable. Plusieurs éléments sont pris en compte dans les modèles tels que la salinité, la température en surface et en profondeur. Il a fallu dans un premier temps mettre en évidence les conditions hydrologiques favorables pour chaque espèce, puis prédire les distributions de ces poissons dans le futur en fonction des différents scénarios climatiques.
«Les plus grands changements, impliquant une migration d'un océan à l'autre, pourraient se produire pour une quarantaine d'espèces, dont quelques prédateurs comme la morue atlantique», explique Olivier Brönnimann. Parmi elles, dix espèces commercialisées sont concernées. Ces migrations auront des conséquences pour la pêche, la faune indigène, conséquences dont il est difficile aujourd'hui de prédire les contours exacts.
En soi, ce basculement d'un océan à l'autre de nombreuses populations piscicoles qui pourraient désormais migrer vers le nord où elles trouveraient des conditions adéquates à leur survie, voire à leur prolifération, représente un événement majeur sur le plan climatique, écologique et économique. L'importance de cette étude internationale n'a pas échappé au journal Nature Climate Change qui vient d'en publier les résultats.