Dans le règne animal, quel est le prix à payer pour élever une famille nombreuse? Tous les modèles théoriques utilisés en biologie évolutive tiennent compte d'un coût lié à la reproduction. Ce coût se traduit notamment par une baisse de fécondité future ou une survie réduite de l'individu. Toutefois, les mécanismes impliqués dans de tels processus sont relativement mal connus.
Une étude réalisée par les Drs Philippe Christe et Luca Fumagalli, tous deux chefs de groupe au Département d'écologie et évolution de l'UNIL, en collaboration avec le Dr Olivier Glaizot du Musée cantonal de zoologie, lève une partie du voile sur les mécanismes liés à la dégradation des organismes après un intense effort reproducteur. Les résultats sont publiés dans l'édition électronique du 14 septembre 2011 de la revue Proceedings of the Royal Society B.
Susceptibilité aux parasites accrue et accélération du vieillissement
Ces recherches ont été réalisées en conditions naturelles sur des populations de mésanges charbonnières (Parus major) nichant dans la forêt de Dorigny, sur le site de l'UNIL, ainsi que dans le marais des Monod (Vaud). Ces populations sont infectées à plus de 90% par la malaria aviaire. Les scientifiques lausannois démontrent dans leur étude que le nombre de parasites responsables de la malaria est environ six fois plus important chez les mâles élevant une famille nombreuse (8-10 petits), ceux-ci fournissant un effort accrû de nourrissage. Une étude précédente a montré que le coût de l'effort reproducteur des femelles, en termes de susceptibilité parasitaire, est lié au nombre d'oeufs pondus.
Parallèlement, les chercheurs ont pu établir que mâles et femelles en charge de famille nombreuse résistent moins bien aux attaques de radicaux libres, responsables du stress oxydatif. Une diminution de la résistance au stress oxydatif est connue pour accélérer le processus de vieillissement. Une plus grande susceptibilité aux attaques parasitaires et une accélération du vieillissement semblent donc être deux mécanismes importants liés au coût de la reproduction.
«Nos recherches se poursuivent actuellement sur le lien entre la production de radicaux libres et la réaction immunitaire due aux attaques de la malaria, ainsi que sur l'évolution de la virulence des deux espèces principales de Plasmodium présentes dans nos populations de mésanges, détaille Philippe Christe. Un volet de nos recherches porte également sur le rôle joué par les vecteurs de la malaria dans l'épidémiologie de cette maladie chez les animaux sauvages.»