Une équipe de chercheurs impliquant notamment Pedro Marques-Vidal, PD à la FBM et chef de clinique adjoint à l'Institut universitaire de médecine sociale et préventive (IUMSP), a analysé les tendances suisses de l'offre alimentaire de 1961 à 2007. La stabilité est de rigueur, contrairement aux autres pays européens, où l'offre a augmenté. Les résultats de cette étude ont été publiés dans la revue European Journal of Clinical Nutrition.
Les maladies liées au régime alimentaire augmentent partout dans le monde. L'abandon du régime méditerranéen peut en partie expliquer cette hausse. En Suisse, la prévalence du surpoids et de l'obésité est faible, même si elle augmente régulièrement.
Interview de Pedro Marques-Vidal:
Pourquoi en Suisse, au contraire des autres pays européens, l'offre en calories est restée à peu près stable durant plus de 40 ans?
Il y a plusieurs hypothèses, mais aucune ne peut être vérifiée. En premier lieu, une politique agricole différente de celle de l'Union Européenne, qui tend à la surproduction et donc à une surabondance de l'offre. Les Suisses sont peut-être également un peu plus traditionalistes que leurs voisins, et auraient davantage gardé les habitudes alimentaires de leurs aïeuls. On ne peut pas exclure non plus que l'offre alimentaire en Suisse ait été déjà très élevée dans les années '60. Et donc difficile à augmenter à cause d'un «effet plafond».
Comment expliquer la faible prévalence de l'obésité en Suisse?
La prévalence de l'obésité est assez faible en Suisse par rapport aux autres voisins européens. Il n'existe pas d'études internationales ayant comparé les habitudes alimentaires des Suisses à celles des habitants des autres pays. En fait, on dispose de très peu de données. Mais je dirais qu'une meilleure alimentation et un peu plus d'activité physique peuvent expliquer cette différence. La seule étude que je connaisse a été publiée il y a dix ans et comparait les Genevois aux Américains, mais les différences étaient faibles.
Qu'est-ce qui explique la baisse de consommation des fruits suisses?
Il existe une assez bonne association entre la production, l'offre de fruits indigènes (pommes, poires), et la surface agricole qui y est consacrée. On pourrait aussi citer l'évolution des prix, mais là aussi les données dont on dispose sont très parcellaires. La compétition des fruits tropicaux, les bananes surtout, peut aussi intervenir. Une étude effectuée à l'IUMSP a montré que les jeunes (15-24 ans) ont une faible consommation de fruits et légumes. Ceci pourrait expliquer en partie la baisse, les nouvelles générations consommant moins de fruits et légumes que les anciennes.
Quels sont les éléments qui, au vu de vos résultats, posent problème?
Ces résultats ont été obtenus selon des estimations basées sur la production agricole, les importations/exportations, etc. Il s'agit donc d'une estimation de ce qui est disponible auprès du consommateur, mais pas de ce qui est effectivement consommé. Il faudrait avancer sur une étude nationale de la consommation alimentaire individuelle si on veut affiner les résultats. A ma connaissance, seule l'étude Bus Santé de Genève est à même de fournir ce genre d'informations. Cependant, d'autres études montrent que la consommation alimentaire des jeunes (6-14 ans) contient trop de graisse. Il faudra effectuer une surveillance afin que le profil nutritionnel de la population suisse ne change pas défavorablement.