L'équipe du Prof. Romano Regazzi, du Département des neurosciences fondamentales (DNF) de l'UNIL, en collaboration avec plusieurs groupes de recherche dont celui du Prof. Bernard Thorens, du Centre intégratif de génomique (CIG), a identifié de nouveaux mécanismes pouvant prévenir le développement du diabète gestationnel chez la femme enceinte et du diabète sucré chez les individus obèses. L'étude, publiée dans l'édition en ligne du 10 septembre 2012 de la revue Journal of Clinical Investigation, ouvre la voie au développement d'outils thérapeutiques inédits.
Perte de sensibilité à l'insuline dans les tissus
Le diabète sucré est une maladie métabolique caractérisée par une hausse chronique du taux de glucose sanguin. Cette augmentation a pour résultat une perte de fonction et éventuellement de la masse des cellules bêta pancréatiques des îlots de Langerhans. Ces cellules libèrent de l'insuline, une hormone qui joue un rôle majeur dans le contrôle de l'homéostasie glucidique.
Grossesse et obésité sont communément associées à une perte de sensibilité à l'insuline des muscles, du foie et du tissu adipeux. Les besoins accrus en insuline qui en résultent sont normalement compensés par une expansion de la masse des cellules bêta et une augmentation de leur capacité à sécréter de l'insuline. Lorsque ces phénomènes compensatoires sont déficients, comme cela peut être le cas chez la femme enceinte ou les personnes obèses, la quantité d'insuline produite devient insuffisante pour couvrir les besoins de l'organisme, débouchant sur l'apparition d'un diabète gestationnel ou d'un diabète de type 2. A ce jour, le décryptage des voies de signalisation qui conduisent à la mise en place de ces processus adaptatifs est encore incomplet.
Les microARNs: acteurs-clés de divers processus pathologiques
Dans son laboratoire, l'équipe lausannoise s'est intéressée au rôle joué par une nouvelle classe de régulateurs de l'expression génique, les microARNs, dans le contrôle des fonctions des cellules bêta. Ces petites molécules d'ARN, qui agissent en se liant à des ARN messagers, sont maintenant reconnues comme des acteurs-clés dans de nombreux processus physiologiques et pathologiques. «Dans notre nouvelle étude, nous avons découvert que l'expansion de la masse des cellules bêta au cours de la grossesse est associée à des changements d'expression de plusieurs microARNs. Nous avons identifié un microARN en particulier dont les niveaux d'expression sont diminués non seulement dans les îlots de rates en gestation, mais aussi chez des souris obèses qui présentent une augmentation de la masse des cellules bêta», relève Romano Regazzi.
Dans le détail, les chercheurs ont été capables de reproduire la diminution d'expression de ce microARN en activant un récepteur à l'oestrogène qui est induit dans la cellule bêta au cours de la grossesse, ou en incubant les îlots de Langerhans avec un analogue de l'hormone GLP1, actuellement utilisé pour le traitement du diabète. «Nous avons également pu démontrer que des molécules inhibitrices spécifiques aux microARNs d'intérêt permettent d'augmenter le nombre de cellules bêta aussi bien in vitro qu'in vivo et de favoriser leur survie, tout en préservant leur capacité à sécréter de l'insuline», complémente le professeur.
Vers de nouveaux traitements du diabète chez la femme enceinte et le sujet obèse
Les recherches des scientifiques romands ont ainsi permis d'identifier de nouveaux mécanismes qui régissent les processus adaptatifs de la masse des cellules bêta. «Ces résultats pourraient ouvrir la voie à l'élaboration d'outils thérapeutiques inédits destinés aux femmes enceintes développant une intolérance au glucose au cours de leur grossesse. Plus largement, la modulation de ces mêmes mécanismes pourrait être extrapolée à des sujets obèses résistants à l'insuline qui ont un manque ou un défaut de compensation des cellules bêta conduisant au développement d'un diabète de type 2», projette Romano Regazzi. Le professeur va même plus loin: «la mise au point d'outils thérapeutiques visant à potentialiser la masse de cellules bêta d'îlots pancréatiques in vitro pourrait en outre permettre d'optimiser le devenir et la fonctionnalité des îlots transplantés afin de traiter des diabétiques de type 1».