Plus de 5 millions d'individus, principalement des enfants, meurent chaque année de malnutrition. Combien seront-ils en 2050, lorsque la population mondiale aura atteint 9 milliards ? Notre planète aura-t-elle assez de ressources pour alimenter équitablement l'humanité ? Il est urgent d'inventer une nouvelle agriculture qui doit répondre au double défi de nourrir toutes les bouches et de préserver l'environnement, car, à l'heure des «émeutes de la faim», ces questions ne peuvent plus être ignorées.
A l'Université de Lausanne, le Prof. Ian Sanders et son équipe au Département d'écologie et évolution ont développé une approche très prometteuse pour accroître fortement la productivité de plantes comme le manioc, reconnu comme essentiel pour la sécurité alimentaire de la planète, tout en diminuant de façon importante l'utilisation d'engrais phosphatés. Le secret réside dans l'utilisation d'un champignon microscopique, dit "mycorhizien", qui établit une symbiose avec les racines des plantes, les aidant ainsi à extraire du sol les éléments nutritifs qui leur sont essentiels.
Jusqu'à récemment, ces champignons étaient difficiles à produire à grande échelle, avant d'être concentrés dans de petits volumes pour une utilisation pratique en plein champ. Ce problème désormais résolu, les chercheurs lausannois ont fait équipe avec le Prof. Alia Rodriguez de l'Université nationale de Colombie pour des expérimentations en conditions réelles. Ils ont ainsi pu démontrer que la symbiose avec le champignon augmente la production du manioc de 20% tout en n'utilisant que 50% des engrais phosphatés utilisés habituellement par les fermiers. Les résultats sont d'autant plus remarquables qu'ils sont reproductibles sur deux types de sols, d'écosystèmes et de variétés de manioc très différents, indiquant ainsi que cette technologie pourrait être applicable très largement dans toutes les régions tropicales. Actuellement, quelque 105 pays cultivent cette racine et l'enjeu est d'importance au vu du milliard de personnes qui s'en nourrissent au quotidien.
Pour le Prof. Ian Sanders, l'utilisation à large échelle de ces champignons symbiotiques dans l'agriculture est envisageable à court terme. «L'avantage de notre technique est qu'elle est totalement naturelle. Nous sommes dans une approche durable de l'agriculture, respectueuse des écosystèmes. Elle offre en outre une solution de choix à la problématique de l'utilisation massive de phosphates. Un bénéfice notable non seulement en termes de coûts, mais également d'empreinte écologique», souligne le professeur. Une technique développée à l'UNIL en 2010 tire bénéfice de la variabilité génétique naturelle de ces champignons, sans avoir recours à des OGM. «L'étape suivante consiste à produire de nouvelles souches de champignons mycorhiziens, encore plus performantes pour le manioc, et à étendre cette technologie très prometteuse à différents pays d'Afrique tropicale où cette plante est produite par de nombreux petits fermiers qui nourrissent des millions de personnes», conclut le professeur.
Ces travaux ont fait l'objet d'une publication dans la revue scientifique Plos One (édition online du 7.8.2013).
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