Une plante perçoit la lumière et se courbe pour exposer ses feuilles à cette source. Les groupes des professeurs Christian Fankhauser et Sven Bergmann déterminent la zone exacte de cette perception lumineuse au niveau de la tige. Leur article est publié dans la revue Current Biology.
Le phototropisme est le mouvement qui permet à la tige de s'étirer du côté de la lumière pour optimiser la photosynthèse, autrement dit la transformation de l'énergie solaire en énergie chimique (sucre). Charles Darwin explorait déjà le sujet dans son livre « The power of movement in plants » (1881). Travaillant sur des céréales - plantes à monocotylédon donc une seule feuille embryonnaire - il a suggéré que le site de perception de la lumière ne se situe pas là où croissent les cellules au niveau de la tige, mais que la lumière est perçue à la pointe de la plante, depuis laquelle un signal induit des cellules plus bas dans la tige à pousser de manière asymétrique : celles qui sont positionnées derrière la source de lumière croissent plus vite que celles qui sont mieux exposées, faisant ainsi pencher la tige du bon côté, vers le soleil.
Au Centre intégratif de génomique, les chercheurs ont découvert un autre modèle dans les plantes à double cotylédon (les arbres notamment). Première étape de cette démonstration réalisée sur l'Arabidopsis : dans l'obscurité, toutes les cellules de la tige conservent une taille identique et dès lors la plante ne penche pas. Deuxième étape : on rétablit la lumière et on constate qu'une croissance cellulaire asymétrique, donc plus importante pour les cellules situées à l'ombre que pour leurs cousines faisant face au soleil, permet à la tige de se courber en direction de la lumière ; en outre, les chercheurs ont montré que ce phototropisme se réalisait même en privant la plante de ses feuilles (zone en rouge sur la photo).
Contrairement à l'avoine de Darwin, le signal de réception de la lumière coïncide dans l'Arabidopsis avec la zone d'élongation dans la tige, qui est dès lors autosuffisante pour déclencher le phototropisme. Cette zone n'a pas besoin d'une information en provenance des feuilles ; de même, si l'on coupe le bas de la plante, au lieu d'enlever le haut, la tige en cet endroit stratégique se courbe aussi vers la lumière. Le photorécepteur est donc bien nécessaire à ce seul endroit.
Troisième étape de la démonstration : la tige est composée d'une couche cellulaire épidermique, de deux couches cellulaires dites du cortex et d'une couche plus profonde contenant les cellules de l'endoderme. « On pouvait penser que le photorécepteur se trouvait plutôt dans la couche épidermique. Or il peut être partout mais, surtout, il peut envoyer un signal rapide même lorsqu'il se trouve uniquement dans les cellules de l'endoderme. A partir de ce petit endroit bien caché, le signal de la lumière est perçu en dix minutes dans toute la tige », conclut Christian Fankhauser.
Ses travaux se poursuivent pour déterminer la nature du signal émis par ces quelques cellules. Ce simple signal qui mène à une croissance coordonnée de toutes les cellules de la tige pour permettre à la plante d'orienter ses feuilles vers le soleil.