C'est dans l'ordre des choses: avec le vieillissement survient la sénescence, soit la dégradation des fonctions de l'organisme. Mais comment un tel processus a-t-il pu évoluer alors que la sélection naturelle favorise les individus sur la base de leur survie et de leur succès reproducteur? John Pannell, professeur ordinaire au Département d'écologie et évolution de l'UNIL, en collaboration avec des chercheurs du CNRS, lève le voile sur ce paradoxe chez la plante. Cette étude est à découvrir dans l'édition du 13 mars 2014 de la revue «Current Biology».
Vivre pour se reproduire
Pour les scientifiques, l'évolution de la sénescence constitue un paradoxe car elle est synonyme d'échec de la sélection naturelle à privilégier la survie et les performances reproductrices des organismes. Cette contradiction peut aisément être levée si l'on part du principe que l'emprise de la sélection naturelle diminue avec l'âge étant donné que la disparition des individus s'étant déjà reproduits n'a que peu d'effet sur leur succès reproducteur.
De nombreuses études empiriques ont confirmé cette explication chez les animaux, qui transmettent leurs gènes à leur descendance via une lignée germinale immortelle. Il existe d'ailleurs de nombreux exemples d'espèces animales qui meurent très vite après la reproduction, voire meurent pour mieux se reproduire. Mais qu'en est-il chez les plantes, dépourvues de lignée germinale et dont la reproduction est diffuse et modulaire à travers le soma, soit l'ensemble des lignées cellulaires non sexuelles de l'organisme?
La sénescence des plantes est héritable
C'est précisément là le coeur de la recherche menée sur des plantes de l'espèce Silene latifolia par le Département d'écologie et évolution de l'UNIL et le Laboratoire évolution & diversité biologique du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), à Toulouse. «Grâce à une étude expérimentale de génétique quantitative, nous avons mis en évidence que la sénescence des plantes était héritable et que la variation génétique correspondante confirmait un manque d'emprise de la sélection chez les plantes les plus âgées. Ces résultats remettent en question un dogme fondamental de la biologie végétale, à savoir que le vieillissement des plantes ne touche que certains de leurs organes et ne s'inscrit pas dans l'évolution», relève le Prof. John Pannell. Les conclusions de cette étude étendent donc aux plantes les preuves de l'évolution du vieillissement.