Spécialiste de la structure et de l'organisation spatiale de la chromatine et directrice du Friedrich Miescher Institute for Biomedical Research (FMI) à Bâle, Susan Gasser a gardé des liens étroits avec la région de Lausanne où elle a vécu et travaillé de nombreuses années. Ce sont ses qualités exceptionnelles de chercheuse à l'interface entre biologie et médecine et de mentorat qui lui ont valu le titre honorifique de Dr honoris causa. Cette distinction lui a été décernée par l'UNIL, sur proposition de la FBM, le 23 mai 2014 lors de la cérémonie du Dies Academicus.
Susan Gasser donnera une conférence à l'occasion du FBM-Day qui se tiendra le mardi 24 juin 2014, 13h30-18h00, Génopode C, UNIL-Sorge.
Originaire des Etats-Unis, Susan Gasser étudie la biologie puis la biophysique à l'Université de Chicago, avant d'obtenir en 1982 son doctorat en biochimie sous la direction du Prof. Gottfried Schatz de l'Université de Bâle. En 1983, elle rejoint le groupe d'Ulrich Laemmli à l'Université de Genève pour un post-doctorat sur la structure et l'organisation des chromosomes humains. Entre 1986 et 2001, Susan Gasser dirige son propre groupe de recherche à l'Institut suisse de recherche expérimentale sur le cancer (ISREC) à Epalinges, aux portes de Lausanne. Elle y étudie le rôle fonctionnel de l'organisation de la chromatine chez la levure et développe des méthodes pour visualiser les chromosomes dans les cellules vivantes. Devenue professeure de biologie moléculaire de l'Université de Genève en 2001, elle poursuit ses recherches sur le mouvement et le positionnement des gènes dans le noyau, en collaboration avec des statisticiens et experts en analyse d'images du Département de mathématiques appliquées de l'UNIL et de l'EPFL. Grâce aux outils génétiques, Susan Gasser a pu mettre en lumière l'importance de la structure du génome dans son expression et sa réparation lors d'erreurs de réplication. En décembre 2004, la scientifique prend la direction du FMI à Bâle, véritable interface entre science fondamentale et application médicale, où ses recherches sur le noyau s'étendent aux organismes multicellulaires. Susan Gasser est également professeure de biologie moléculaire à l'Université de Bâle.
Une recherche à l'interface entre biologie, biophysique et médecine
Susan Gasser se distingue par ses qualités exceptionnelles de chercheuse à la croisée entre biologie et médecine, mais également pour sa vision globale à l'interface entre mathématiques, biophysique et génomique. «J'ai toujours voulu travailler sur des questions essentielles de biologie, au coeur de la génomique, tout en combinant une approche quantitative, structurelle et génétique, relate la scientifique. Notre recherche consiste à identifier les molécules et mécanismes qui positionnent les gènes dans le noyau. Dans un deuxième temps, nous essayons de déterminer comment l'organisation tridimensionnelle contribue à l'intégrité fonctionnelle de la cellule. Nous utilisons pour cela divers modèles d'étude, comme la levure, le ver C. elegans, les mouches et les souris, dans lesquels on peut introduire des mutations qui entraînent une mauvaise organisation du noyau, mimant ainsi des maladies rares chez l'homme». En effet, la perte des mécanismes qui contrôlent l'intégrité du génome est impliquée dans le vieillissement et les cancers. Des modifications plus subtiles mènent, quant à elles, à d'autres maladies comme les myopathies.
Les contributions principales de Susan Gasser portent sur l'organisation des télomères (extrémités des chromosomes) et celle des domaines génomiques répétitifs et silencieux, également appelés «hétérochromatine». La chercheuse a publié à une fréquence régulière dans diverses revues scientifiques de référence dont Science, Nature, Cell et Genes & Development. Son travail a été récompensé par de nombreux prix, notamment les Prix Latsis (1991), Friedrich Miescher (1994) et Otto Naegeli pour la recherche biomédicale (2006), le Nucleic Acid Award of the Royal Academy of Chemistry (2009), le Prix international de l'INSERM (2011), l'EMBO/FEBS Women in Science Award (2012) et le Woman in Science Award de l'Institut Weismann en Israël (2013). Susan Gasser est membre de plusieurs sociétés savantes et instances scientifiques européennes dont l'EMBO Council, l'Académie de France et le Conseil consultatif des sciences et de la technologie du Président de la commission européenne. Elle a participé à la gestion du Fonds national suisse et est l'un des membres fondateurs du Scientific Advisory Board du Centre intégratif de génomique (CIG) de l'UNIL. Elle a récemment été nommée présidente de la Commission d'égalité du Fonds national suisse (FNS).
Des collaborations translationnelles entre recherche académique et industrie
Le FMI, dont Susan Gasser est la directrice, est dédié à la recherche biomédicale. Les recherches qui y sont menées, dont le but est de mieux comprendre les mécanismes moléculaires à l'origine de maladies dans les domaines de l'épigénétique, la neurobiologie et l'oncologie, sont communiquées et brevetées afin de faciliter leur application médicale. Susan Gasser est donc fortement impliquée dans des collaborations entre monde académique et milieux économiques. Un exemple récent est la découverte de l'implication d'une kinase (TORC2) dans la réparation de l'ADN endommagé suite au criblage d'un million de molécules chimiques provenant de Novartis. «La recherche académique considère souvent l'industrie pharmaceutique exclusivement comme une source de financement, relève Susan Gasser. La recherche privée a cependant bien plus à apporter notamment à l'interface entre chimie et biologie: elle a développé des outils d'analyse et des bases de données de pointe incroyablement avancés et possède les ressources nécessaires pour développer un nouveau médicament. Il est donc important de trouver les moyens pour que la recherche académique et non académique contribuent, ensemble, aux progrès dans le domaine biomédical».
Des liens étroits avec l'UNIL et des qualités de mentorat unanimement reconnues
Susan Gasser entretient des liens privilégiés avec l'UNIL, ayant passé quinze années de sa carrière à l'ISREC. Elle a également formé dans son laboratoire plusieurs chercheurs devenus eux-mêmes chefs de groupe, comme Sophie Martin, professeure associée au Département de microbiologie fondamentale de l'UNIL et Vincent Dion, professeur assistant boursier FNS au Centre intégratif de génomique de l'UNIL. Tout le monde s'accorde à relever ses qualités de mentorat incroyables. «J'ai le souvenir d'une énergie et d'un enthousiasme pour la science très communicatifs, se souvient Sophie Martin. Susan Gasser se préoccupe beaucoup de la suite de la carrière des membres de son laboratoire et a réussi à forger des liens forts entre eux, même à travers les générations, grâce à l'organisation de réunions régulières d'alumni et par l'envoi annuel d'une newsletter nous informant des développements de chacun». «Ce qui me frappe chez Susan, c'est sa curiosité et sa passion insatiables pour la science. Elle est un mentor dévoué et prend le succès des membres de son laboratoire très à coeur», ajoute Vincent Dion. Et Susan Gasser de souligner: «J'ai toujours considéré les membres de mon équipe comme une deuxième famille. Si je recrute quelqu'un, je me sens responsable de sa carrière scientifique et je me dois ainsi d'être un bon mentor». C'est donc tout naturellement que la FBM a proposé de décerner le titre honorifique de Doctorat ès sciences de la vie honoris causa à Susan Gasser.