Umberto Simeoni prendra ses fonctions à la tête du Service de pédiatrie du CHUV et en tant que professeur ordinaire à la FBM dès le 1er juillet 2014. Portrait.
«Dès mes stages d'étudiant, j'ai été frappé par la situation paradoxale de l'enfant, au centre de tant de projets, mais finalement si peu respecté en tant que personne et si vulnérable. Comme la personne âgée finalement, il est totalement dépendant de ses parents, des autres adultes, de nous tous, à fortiori lorsqu'il est malade.» Le Prof. Umberto Simeoni bénéficie d'une expérience marquée par la polyvalence: il a effectué sa spécialisation de médecine en pédiatrie et soins intensifs pédiatriques et néonatals, avec une orientation particulière en néphrologie et nutrition périnatales. Après avoir été nommé en 1993 professeur de pédiatrie à Strasbourg, il a occupé dès 2002 le poste de chef de service, puis de chef du Pôle de médecine et réanimation néonatale aux Hôpitaux de Marseille (AP-HM).
L'origine précoce des maladies chroniques de l'adulte
«J'ai très vite eu le sentiment que lorsqu'on soigne un enfant, poursuit-il, on peut lui donner un nouvel élan pour toute sa vie. A la différence des malades à l'âge adulte, où l'on arrive parfois trop tard pour réellement les guérir, le domaine de l'enfant est celui de la prévention pour le futur.» Son activité de recherche s'est ainsi concentrée notamment sur la nutrition et l'«origine développementale de la santé et des maladies» (DOHaD en anglais), recherche pour laquelle il a bénéficié d'une affiliation à l'INSERM.
Ce concept a révélé que la période foetale, voire même la période précédant et entourant la conception de l'enfant, et les toutes premières années après la naissance constituent des phases critiques en matière de programmation des principales fonctions biologiques pour la vie. La plupart des maladies chroniques non transmissibles observées chez l'adulte - maladies cardio-vasculaires, liées à la reproduction, diabète, obésité -, dites «maladies de civilisation», prennent en réalité leur origine durant les toutes premières périodes de la vie: «Depuis 15-20 ans, des études ont montré que la nutrition, les comportements de la mère, le stress, l'exposition aux polluants, l'environnement dans son ensemble, ont un impact à long terme sur le foetus et le nouveau-né, explique le Pr. Simeoni. Ce sont des mécanismes épigénétiques, agissant sur le niveau d'expression de certains gênes-clés, qui sont en jeu. Le bébé programme en quelque sorte les régulations métaboliques et physiologiques qui lui permettent de s'adapter aux conditions que l'environnement précoce lui impose, au prix d'une «programmation» pour la vie. Et si cet environnement, notamment le mode de vie, les apports nutritionnels, change plus tard, cela entraîne un conflit entre ses capacités physiologiques et les nouvelles contraintes de l'environnement à l'état adulte, et un risque accru de développer les principales maladies dites non transmissibles.»
Prévenir en amont, voire avant la conception
«Notre rôle est d'étudier les mécanismes sous-jacents et d'identifier, si possible, des marqueurs qui permettraient de repérer, voire de traiter tôt les personnes à risque du fait de leur «mauvaise programmation», résume le professeur, en particulier dans le domaine des biomarqueurs épigénétiques. Cela permettrait d'orienter les campagnes de prévention bien en amont, auprès des enfants en bas âge, des mères, voire des couples avec un projet d'enfant!» Outre la recherche déjà pratiquée dans le Service de pédiatrie, Umberto Simeoni envisage de poursuivre à Lausanne les travaux de recherche translationnelle entrepris à Marseille dans un laboratoire dédié à cette nouvelle thématique.
Encourager l'éthique médicale
Le Prof. Simeoni a par ailleurs été amené à s'intéresser depuis de nombreuses années au domaine de l'éthique médicale autour de l'enfant. Les responsabilités collectives qu'il a occupées dans ce domaine l'ont amené notamment à prendre une part active au débat actuellement en cours en France sur la question de la fin de vie.
Depuis une dizaine d'années, il a participé à la publication de différentes réflexions et lignes de conduite dans ce domaine, qui portent sur les limites de la réanimation pédiatrique et néonatale, les soins palliatifs, les abstentions de soins ou encore la place de l'enfant ou des parents dans les prises de décisions médicales. «Nous avons proposé des principes et des lignes de conduite dans les prises de décision affectant la vie d'un enfant, souligne le professeur, mais nous avons également beaucoup appris. La philosophie, les humanités représentent un aspect fondamental de la médecine. Et si je peux les encourager, les développer, alors certainement!»