Contrairement aux plantes et aux animaux, la diversité des communautés fongiques des sols est plus grande en altitude, comme l'indique une collaboration entre l'UNIL, l'Institut universitaire romand de santé au travail et la plateforme Vital-IT.
Jusqu'ici, nos connaissances sur la distribution géographique et les exigences écologiques des micro-organismes des sols restaient limitées, et cela particulièrement pour les champignons. Une question non résolue était notamment de savoir si ceux-ci montraient des préférences écologiques marquées ou si au contraire la plupart des espèces pouvaient s'observer un peu partout. Une vaste étude qui vient d'être publiée dans le journal Molecular Ecology par une équipe mixte de l'UNIL montre que ces micro-organismes, invisibles à l'oeil nu, sont bien soumis à un fort déterminisme environnemental. Comme le résume le biologiste Antoine Guisan: «Les champignons aussi ont une niche écologique».
Par ailleurs, sur les 205 sites non forestiers explorés dans les Alpes vaudoises - allant du plateau aux plus hautes altitudes - les chercheurs ont observé que les diversités taxonomiques (nombre de familles, de genres ou d'espèces diverses) et phylogénétiques (degré d'affiliation de ces différentes unités taxonomiques) sont plus élevées dans les milieux froids et humides de haute altitude.
Cette étude résulte d'une collaboration étroite entre quatre entités: deux instituts de l'UNIL - le DEE à la Faculté de biologie et de médecine et l'IDYST à la Faculté des géosciences et de l'environnement - l'Institut universitaire romand de santé au travail (IST) et la plateforme Vital-IT de l'Institut suisse de bioinformatique (SIB) située à l'UNIL.
Un travail en quatre étapes
L'étude a nécessité quatre étapes. La première, réalisée par le groupe d'Antoine Guisan (DEE-IDYST), a permis de récolter sur 205 sites différents des échantillons de sols acheminés le jour même à l'UNIL. La deuxième étape, réalisée par Hélène Niculita-Hirzel (IST), a consisté dans l'extraction de l'ADN à partir de ces échantillons et la génération de millions de séquences propres à divers organismes fongiques (principe du 'barecoding'). La troisième étape, effectuée par Marco Pagni et ses collègues de Vital-IT au SIB, en collaboration avec Jérôme Goudet (DEE-SIB), a permis de générer des clusters de séquences similaires (Operational Taxonomic Unit, OTU) et de les assigner à un taxon fongique. Ainsi, des caractéristiques biologiques et écologiques ont pu être associées à la plupart des OTUs, opération réalisée par Ian Sanders (DEE). Enfin, la dernière étape, effectuée par Loïc Pellissier et Antoine Guisan, en collaboration avec Jérôme Goudet, a permis d'étudier les préférences environnementales de ces OTUs sur un gradient de 2'000 m d'altitude à l'échelle de toute une région.
Les résultats ont montré qu'une plus grande richesse taxonomique prévaut en haute altitude et que celle-ci est également associée à une plus grande diversité phylogénétique, mais également que les différents facteurs environnementaux considérés conjointement dans l'étude (les sols, le climat et les végétaux associés), jouent un rôle important dans la structuration de ces communautés fongiques. Loin de se disperser au hasard, les champignons des sols dans les Alpes vaudoises sont donc les champions des hautes altitudes. Il sera maintenant intéressant de vérifier si les mêmes tendances sont observées dans d'autres régions du monde.