Dans les régions de montagne, certaines espèces de bourdons pourraient perdre jusqu'à 80% de leur habitat, entraînant des extinctions locales si le changement climatique se poursuit. Telle est la conclusion d'une étude menée par Jean-Nicolas Pradervand, doctorant et assistant diplômé au Département d'écologie et évolution de l'UNIL. Les résultats sont à découvrir dans la revue scientifique «Climate Change Responses».
Trois scénarios à la base de l'étude
En règle générale, les changements climatiques génèrent des mouvements d'espèces vers des altitudes plus élevées: certaines espèces gagnent du terrain alors que d'autres en perdent. Mais comment ces variations affectent-elles la structure des communautés de bourdons? Des chercheurs du groupe «Ecologie Spatiale» ECOSPAT à l'UNIL ont utilisé différents scénarios de changements climatiques ainsi que des modèles statistiques pour étudier la réponse potentielle de ces pollinisateurs au climat du 21e siècle.
«Nous sommes partis de modèles simulant la distribution des espèces que nous avons projetés dans le futur. Le but était de reconstruire les communautés en se basant sur trois scénarios du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) pour la fin du siècle», explique Jean-Nicolas Pradervand, doctorant au Département d'écologie et évolution de l'UNIL et coauteur de l'étude.
Une perte de 80% d'habitat pour au moins cinq espèces
L'étude publiée dans le magazine Climate Change Responses a montré que la variation entre communautés de bourdons de moyenne et de haute altitude serait atténuée par le réchauffement climatique, diminuant ainsi la diversité de ce groupe important parmi les pollinisateurs dans nos régions alpines.
Dans le détail, les travaux du groupe ECOSPAT ont révélé qu'au moins cinq espèces de bourdons pourraient perdre jusqu'à 80% d'habitat favorable d'ici 2085. De quoi les mettre en danger d'extinction si le changement climatique actuel continue à évoluer dans la même direction. En parallèle, les espèces adaptées aux climats plus chauds - et donc aux altitudes plus basses - devraient pouvoir monter en altitude et voir leur distribution s'étendre. Il pourrait en résulter une homogénéisation des communautés le long du gradient d'altitude suite à la perte de la faune alpine et à la dominance de certaines espèces plus tolérantes.
Vers un déclin des espèces de haute altitude
Les bourdons présents en basse et moyenne altitude ont en général un proboscis (leur langue) plus long. Ils sont de ce fait capables de polliniser des fleurs à morphologie plus complexe que les bourdons de haute altitude. Ayant accès à des altitudes plus élevées, ces bourdons pourraient dès lors faciliter à leur tour la colonisation de plantes jusqu'alors présentes uniquement en basse altitude en leur fournissant un service de pollinisation efficace.
«Notre étude révèle qu'en plus d'entraîner un déclin des espèces de haute altitude, les changements climatiques pourraient altérer la structure des communautés de bourdons et donc leur fonctionnement», poursuit Jean-Nicolas Pradervand. «Cela pourrait promouvoir certaines espèces jusqu'alors absentes des hautes altitudes en raison de l'absence de pollinisateur adéquat.»
Les auteurs suggèrent que les études futures se focalisent davantage sur l'impact du changement climatique sur les interactions entre espèces afin de mieux comprendre les implications pour les écosystèmes dans leur ensemble.