Le cancer du sein touche chaque année quelque 1.7 millions de femmes dans le monde, dont près de 6'000 en Suisse. Une étude menée par Giovanni Ciriello, professeur assistant au Département de génétique médicale de la Faculté de biologie et de médecine de l'UNIL, avec Michael L. Gatza et Charles M. Perou de l'Université de Caroline du Nord, a permis de réaliser l'analyse génomique la plus complète à ce jour de l'une des formes les plus fréquentes de ce type de cancer. Leurs résultats sont à découvrir dans l'édition du 8 octobre 2015 de la revue «Cell».
Le cancer du sein peut s'exprimer sous diverses formes: le type dit «ductal», le plus répandu qui touche 80% des patientes et qui se développe dans les canaux transportant le lait, et celui dit «lobulaire», second type de cancer du sein le plus commun avec une fréquence de 10 à 15% et qui se développe dans les lobules produisant le lait.
Dans cette étude, plus de 800 échantillons de patientes, collectés par le consortium The Cancer Genome Atlas, atteints par un carcinome du sein infiltrant, c'est-à-dire se propageant au-delà des canaux et des lobules pour envahir des tissus environnants, ont été analysés non seulement au niveau de leur ADN, mais également de leur ARN et protéome - soit l'ensemble des gènes et protéines exprimées dans une cellule.
«Ce travail représente à ce jour l'analyse génomique du cancer du sein la plus complète et comprend notamment la plus grande collecte de carcinome lobulaire jamais réalisée», souligne Giovanni Ciriello, professeur assistant en prétitularisation conditionnelle au Département de génétique médicale de l'UNIL et premier auteur de l'étude réalisée en étroite collaboration avec Michael L. Gatza et Charles M. Perou de l'Université de Caroline du Nord, à Chapel Hill, et le consortium The Cancer Genome Atlas.
Vers de nouvelles perspectives thérapeutiques
Dans le détail, les scientifiques sont parvenus à démontrer dans quelle mesure le cancer du sein lobulaire se distingue d'un point de vue génétique de sa forme ductale. Au-delà de certaines différences génétiques connues, telles que la perte de la protéine appelée E-cadhérine qui confère la morphologie caractéristique de ce type de tumeur, ils ont découvert des altérations encore méconnues et spécifiques au carcinome lobulaire comme des mutations récurrentes de la protéine FOXA1 importante pour la prolifération du cancer du sein. «Ces mutations ont également été observées dans une étude parallèle de tumeurs de cancer de la prostate, mettant en avant des similarités entre ces types de cancers», commente Giovanni Ciriello. «En outre, les tumeurs lobulaires présentent une importante activité d'une protéine nommée AKT, dont le rôle est fondamental pour la croissance et la survie des cellules cancéreuses, et pour laquelle il existe des médicaments sélectifs».
L'activité inattendue de cette protéine, pour un tel cancer à récepteurs d'oestrogènes positifs (ER+), offre de nouvelles perspectives de traitements pour les femmes atteintes de cancer du sein de type lobulaire.
«Grâce à l'analyse des caractéristiques génétiques de ces tumeurs, nous montrons qu'une grande majorité des tumeurs dites mixtes, c'est-à-dire présentant à la fois des composantes lobulaires et ductales, semblent être d'un point de vue moléculaire plutôt soit de type lobulaire soit de type ductal», résume Giovanni Ciriello. Ce genre d'analyse génétique, en complément de la classification réalisée par les pathologistes, pourrait apporter plus d'information sur le type de tumeur et améliorer ainsi la prise de décisions thérapeutiques pour les patientes.