Colloque international organisé par Raphaël Baroni, professeur associé à l'Ecole de français langue étrangère de l'UNIL et membre du Réseau Romand de Narratologie (RRN), et Samuel Estier, assistant diplômé à la Section de français de l'UNIL.
Ce colloque réunit quatorze chercheurs internationaux et lausannois pour mener une réflexion sur les « voix » de Michel Houellebecq, dans toutes les nuances et toutes les acceptions que cette notion peut recouvrir dans la critique et la théorie littéraire contemporaine.
Le potentiel polémique et la complexité énonciative de l'oeuvre de Michel Houellebecq soulèvent en effet des questions nombreuses et complexes. Il est souvent question de la portée éthique ou politique de l'oeuvre et de la responsabilité morale de l'écrivain, qui s'est d'ailleurs vu assigner plusieurs procès au cours de sa carrière. Or, ainsi que le remarque Mieke Bal, « pour rendre compte que le récit ne vient pas de nulle part et que quelqu'un en est responsable, le concept [de voix] paraît indispensable ». Liesbeth Korthals Altes ajoute que les remous provoqués par les romans de Houellebecq ont « ceci de piquant que la question de la position de l'auteur, sinon de ses intentions et de sa morale, si soigneusement évacués par la théorie littéraire dominante, [reprennent] tous [leurs] droits ». Le ton des romans, qui oscillent entre l'ironie, la provocation, la sincérité et le registre de l'essai (que l'auteur invite d'ailleurs parfois à lire « au premier degré ») invitent à des lectures divergentes, qui clivent le public. En outre, la posture de Houellebecq - qui reprend parfois à son compte certains propos tenus par ses personnages - contribue à brouiller les pistes, tout en rendant poreuses les frontières qui séparent le texte des opinions de l'auteur. Il est tout aussi frappant de constater qu'à la parution de son dernier roman, sa posture s'est pratiquement inversée, puisque l'auteur sépare désormais catégoriquement ses propres opinions (jugées sans importance d'un point de vue littéraire) des propos tenus par ses personnages, tout en continuant d'exposer sa vision personnelle du monde dans différents médias. Même sa présence médiatique apparaît intermittente, oscillant entre l'omniprésence et le retrait stratégique. La voix de l'auteur se décline ainsi sur une vaste gamme médiatique, qui couvre, outre le roman, l'essai et la poésie, ses performances d'homme public, de réalisateur, de curateur, de parolier, de chanteur ou d'acteur. Cette multitude de canaux, loin de réduire la complexité des voix de l'auteur, en multiplie au contraire les modulations, les hybridations et la diversité des registres.
Ces « voix », si difficiles à cerner, apparaissent en même temps idéalement contemporaines, car elles rejoignent une esthétique réengagée dans notre « litige avec le monde » (pour utiliser une expression de Julien Gracq) et elles font également écho à une critique littéraire qui redécouvre le statut discursif des énoncés fictionnels, leurs dimensions éthique, sociale, politique et leurs liens indissociables avec la posture publique de l'écrivain. L'interprète ne saurait échapper aux voix de Michel Houellebecq sans réduire considérablement la portée ou l'intérêt de sa lecture.
L'entrée est libre.