Programme
13h15-14h45
Stéphane Ghiotti (Art-Dev, UMR 5281, Montpellier): Entre Icare et Prométhée. Le bassin versant face aux enjeux contemporains de la gestion de l'eau.
Malgré son ancienneté, son immense célébrité et sa très large diffusion, l'approche par bassin versant est-elle encore adaptée pour répondre aux enjeux et défis qui se posent aux sociétés contemporaines et futures pour la gestion de leurs ressources en eau ?
Au delà de la simple provocation, permettant échanges et débats, la question mérite cependant d'être posée. Certains éléments, pris en France et en Europe, que nous considérons comme évocateurs, en attestent. En France, les rapports successifs de la Cours des Comptes et du Conseil d'État pointent du doigt de manière récurrente les limites, voire les impasses, de la politique de l'eau en France (acteurs, financement, organisation...). Dans bon nombre de pays européens, l'application et la mise en oeuvre de la DCE témoignent de difficultés rencontrées pour atteindre les objectifs de bon état des masses d'eau. Enfin, la réforme territoriale initiée ces dernières années en France (mais aussi en Italie et en Espagne) réorganise les modalités, les échelles et les financements de l'action publique territorialisée, processus auxquels la gestion l'eau n'échappe pas.
De quoi cette relative « fébrilité » du modèle de gestion par bassin est-elle le signe ? Selon nous, de processus beaucoup plus globaux, que sont notamment : l'évolution des référentiels (durabilité, sécurisation...) ; le rôle de l'Etat dans sa volonté de gouverner et de contrôler cette ressource ; enfin, l'évolution des rapports société/eau.
Stéphane Ghiotti est docteur en géographie, chargé de recherches au CNRS au sein du Laboratoire Acteurs, ressources et territoires dans le développement (Art-Dev UMR 5281) à Montpellier. Ses recherches portent sur l'évolution des rapports entre sociétés et nature et leurs conséquences en termes d'organisation, d'aménagement et de développement du territoire. Il étudie la politique de l'eau et ses enjeux territoriaux en Méditerranée, notamment au Liban et en France.
15h15-16h45
Arnaud Buchs (IGD, UNIL, Lausanne): La mise en oeuvre de la gestion intégrée par bassin en Suisse. Inception et variations autour de la norme.
Promue par les autorités fédérales suisses depuis le début des années 2000, la gestion intégrée par bassin (GIB) est présentée comme un impératif pour un usage de l'eau soutenable. Cependant, la fragmentation institutionnelle caractéristique de la gestion de l'eau en Suisse se traduit par des défis à la fois pratiques et conceptuels, auxquels la grande plasticité du concept de gestion intégrée serait censée être en mesure de répondre.
Au delà du projet, louable, de refonte de la gestion de l'eau en Suisse, quelles en sont les concrétisations ? Plus précisément, parmi l'ensemble des réalisations, quelle est l'ampleur des variations autour de la norme ?
La présentation du cas du renouvellement de la loi sur l'eau dans le Canton de Fribourg, visant à généraliser une gestion intégrée par bassin, permet d'illustrer le processus (parfois long) de recherche d'un compromis nécessaire à la mise en place d'une GIB. Au final, il en ressort que le bassin versant en tant qu'échelle de référence est un espace négocié.
Arnaud Buchs est docteur en économie. Il analyse les politiques de gestion des ressources en eau et d'aménagement territorial dans une perspective historique et critique. Après une thèse portant sur la pénurie en eau comme un phénomène social contingent (et non pas seulement comme un phénomène physique) il est actuellement Chargé de recherche à l'Institut de géographie et durabilité de l'Université de Lausanne et mène une recherche qui porte un regard réflexif sur les injonctions en faveur d'une gestion intégrée par bassin en Suisse.