Le projet « Pédiatrie et maladies chroniques: anthropologie hospitalière des enfants » soumis au FNS par Ilario Rossi, professeur d'anthropologie membre de THEMA (avec comme co-requérants Mario Gehri - Médecin-chef de l'Hôpital de l'Enfance, et Eliane Roulet-Perez - Médecin-cheffe de l'Unité de Neuropédiatrie et de Neuroréhabilitation pédiatrique du CHUV) est financé à hauteur de 344'439.00 CHF sur trois ans (01.06.2016 - 31.05.2019). THEMA compte donc depuis le 1er juin deux jeunes chercheures de plus: Sarah Bonnard et Margaux Bressan, qui s'engagent toutes les deux dans une thèse de doctorat dans le cadre de cette recherche.
Aujourd'hui, les progrès de la médecine, les progrès technologiques et la possibilité de sauvegarder la vie de certains enfants malades participent éminemment à une transformation du paysage épidémiologique : les maladies chroniques constituent désormais les pathologies dominantes. Le terme chronique indique que le travail médical n'est plus celui de traiter au sens de guérir, mais de gérer la maladie dans la durée, en limitant son développement et en contrôlant du mieux possible les troubles et les symptômes qu'elle provoque. En Suisse, malgré la garantie de systèmes de santé de haute qualité, le cumul des maladies fait que les enfants représentent toujours une part importante des patients des services hospitaliers. Ils y bénéficient de soins, y souffrent, s'y interrogent, y subissent parfois des gestes douloureux. A l'hôpital et à domicile, ils doivent aussi affronter la maladie, respecter des précautions, et malgré les contraintes qu'elle impose, tenir leur place dans la famille ou parmi leurs pairs. En dépit de ce constat, peu d'études en sciences sociales prennent en compte le point de vue des enfants sur leur expérience de la maladie, qu'elle soit ponctuelle ou chronique. Partant du nouveau paradigme de l'enfant qui le définit comme un acteur et un partenaire dans sa socialisation, cette recherche porte une attention particulière à son appréhension de la maladie et interroge la prise en charge des enfants, question d'ailleurs prioritaire pour le domaine de la santé publique.
Les deux volets de recherche faisant l'objet d'une thèse de doctorat ont été déterminés en accord avec les pédiatres travaillant à l'Hôpital de l'Enfance de Lausanne et à l'Unité de Neuropédiatrie et Neuroéhabilitation pédiatrique, tous deux intégrés au Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV). Pour le premier volet, Sarah Bonnard investiguera la pédiatrie générale. Plus particulièrement, elle s'intéressera aux enfants touchés par la drépanocytose, l'asthme ou une malformation congénitale orthopédique. Pour le second volet, Margaux Bressan s'intéressera à la pédiatrie spécialisée. Plus spécifiquement, elle enquêtera auprès d'enfants atteints d'épilepsie et de retard mental. Elle a déjà eu l'occasion de présenter dans le cadre de la réunion annuelle de la Société Suisse de Neuropédiatrie (SSNP) en octobre 2015 à Sierre, en collaboration avec la Dre Claudia Poloni (neuropédiatre du CHUV), ce qui est aujourd'hui son projet de thèse. A cette occasion elles ont remporté le Prix Anna Mueller Grocholski 2015, qui vise à récompenser un travail scientifique ou un projet en vue d'améliorer la prévention ou la formation continue en neuropédiatrie.
La posture adoptée pour ce projet de recherche, qui se situe à l'interface de l'anthropologie de la santé et de l'anthropologie de l'enfance, promeut une anthropologie hospitalière des enfants. Elle définit la clinique non seulement comme un espace thérapeutique, mais qui plus est comme un espace social et relationnel au sein duquel normes, valeurs, modèles professionnels, sociaux et culturels et implications politiques et économiques sont en constantes interactions. Suivant une démarche de type inductif, les deux chercheures effectueront des observations au sein des deux sites hospitaliers et mènerons des entretiens avec les enfants, leur famille et les professionnels de la santé les accompagnant. Les résultats seront discutés avec les professionnels de la santé impliqués dans la recherche, avec comme retombée potentielle l'amélioration de la prise en charge des enfants. Sur un plan scientifique plus large, il s'agira de favoriser le dialogue pluridisciplinaire entre sciences sociales et sciences médicales et de valoriser la collaboration interprofessionnelle dans le sens voulu par les politiques de santé publique actuelles.