Dies academicus 1999

 

Discours du professeur Bernard Testa,

président du Sénat de l'Université

 

Bienvenue au Dies Academicus, comme si chaque jour qui passe n'était pas une "journée académique" pour les membres de la communauté universitaire. Vous êtes ici, Mesdames et Messieurs, pour diverses raisons toutes fort honorables : parce qu'on vous y a invités, parce que vous aimez voir et être vus, parce qu'à défaut de Halloween vous venez admirer les noires robes académiques. Ou, plus sérieusement, parce que vous êtes inquiets pour l'avenir de notre belle Université, et que vous espérez trouver une once de réconfort dans les discours qui vont suivre.

C'est un truisme de dire que l' Université de Lausanne est à un tournant. Un Rectorat vient de terminer son mandat, et il convient de lui rendre hommage pour son action. Un nouveau Rectorat est entré en fonction, dont nous attendons beaucoup pour que notre Université reste digne de ce nom, universelle et ouverte. Ce n'est pas être utopiste que de souhaiter une institution dotée de moyens humains et matériels décents, permettant ainsi au personnel administratif et technique de bien remplir sa mission de service, aux étudiants de se former et de s'épanouir dans un environnement fécond, et au corps enseignant de poursuivre un enseignement et une recherche dont je doute fort qu'ils soient appréciés à leur juste valeur.

Et maintenant, Mesdames et Messieurs, je vais sembler sauter du coq à l'âne, mais sembler seulement, en vous demandant si vous connaissez Procuste. Selon la légende, Procuste était un brigand de l'antiquité grecque. Non content de dépouiller ses victimes, il les attachait sur un lit de fer et les ramenait à la même longueur en coupant des pieds ou en étirant des corps. Procuste est ainsi le symbole de ceux qui, au lieu de se baser sur la totalité des faits, partent d'une conviction ou d'un préjugé pour privilégier certains données et en écarter d'autres jusqu'à les oublier. Dans les sciences naturelles, une telle pratique est immanquablement vouée à l'échec, puisque ces sciences dites "dures" progressent par induction, déduction et validation croisée. Un bel exemple nous a été donné il y a dix ans par la fameuse découverte (entre guillemets) de la pseudo fusion froide. Ici, la réalité a vite repris le pas sur l'illusion. Le danger d'une attitude à la Procuste devient net dans certaines disciplines plus subjectives où la part de l'expérimentation est nulle ou faible, et où la distinction entre invariant et contingent est elle-même objet de débat.

Là où le symbole de Procuste doit être conjuré avec le plus de vigueur, c'est évidemment dans les média et la politique. Existe-t-il des articles de journaux et des émissions qui ne filtrent et ne colorient pas les faits selon la vision de la rédaction ? Et dans les décisions financières et structurelles qui pèsent si lourdement sur l'avenir de notre Université, a-t-on vraiment tenu compte de toutes les données ? Est-on sûr par exemple de ne pas fermer les yeux sur le manque criant d'encadrement dans les sciences humaines ? Un projet triangulaire qui privilégie certains axes est-il un lit de Procuste ? Et que dire de toutes les données tenues secrètes ? Les réponses que nous attendons ne laisseront personne indifférent, même si on devine que ces réponses ne seront que partielles.

Mesdames et Messieurs, le Dies academicus est sans doute une manifestation traditionnelle et conventionnelle. Mais c'est aussi une porte que nous ouvrons pour que la cité entende notre débat.

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