Dies academicus 1999

 

Discours de M. Gilles Pierrehumbert

Secrétaire général de la Fédération des Associations d'étudiantEs (FAE)

 

Il est régulièrement reproché à la FAE, comme à bien d'autres forces d'opposition dans ce pays, de ne pas être aussi une force de proposition.

Or la FAE a pris l'année passée le temps pour poser sur la quarantaine de pages de cette brochure ses réflexions sur l'évolution du système universitaire suisse et pour aboutir à un certain nombre de propositions.

Je me propose de vous les présenter aujourd'hui à l'occasion de la publication de ce texte. Dans l'optique d'un accès plus démocratique à l'université, il convient d'assouplir les conditions imposées aux non titulaires de maturité (notamment pas l'introduction d'entretiens de motivations). Je note au passage que les dites conditions sont en passe d'être justement rendues plus restrictives avec le projet de chapitre de loi commun entre les Universités de Lausanne et de Genève.

Les taxes d'inscriptions doivent être supprimées. Seulement, comme le coût des études dépasse de loin le seul montant de ces prélèvements, il convient de développer le système de bourses d'études pour toute personne en ayant le besoin.

De façon à ne pas discriminer les étudiantes et les étudiants parents, les crèches doivent être agrandies pour répondre aux besoins largement supérieurs à l'offre actuelle.

De manière plus générale, les plans d'études doivent être assouplis pour permettre à toutes et tous de concilier vie professionnelle, vie privée et études. Dans le même sens, la formation continue doit être développée avec pour objectif principal une ouverture d'esprit et de sens critique, et pas uniquement de perfectionnement professionnel.

Pour véritablement répondre aux besoins de formation, les décisions concernant l'avenir de l'université (de la construction des bâtiments au développement de nouveaux enseignements en passant par les plans financiers) doivent être prises le plus démocratiquement possible : c'est-à-dire en partant de l'établissement des besoins par les salariées, les salariés, les usagères et usagers de l'Université, pour aboutir à un débat au sein des parlements concernés. Cette optique s'inscrit à l'envers complet de la Nouvelle gestion publique qui prescrit que les autorités politiques (quand ce n'est pas les entreprises privées) définissent les objectifs et que l'université se contente de gérer son fonctionnement.

Cela ne signifie pas pour autant que les chercheuses et les chercheurs doivent rester dans une «tour d'ivoire». L'université doit créer les conditions d'un examen public, éthique et permanent de la recherche scientifique. Ceci dans le but que cette institution contribue véritablement à penser les problèmes sociaux et leur trouver les solutions, et non pas à accroître ceux-ci en se soumettant par trop aux pressions des milieux économiques. Penser les problèmes sociaux nécessite de se mettre constamment à l'écoute de la société entière, et pas seulement de ses seulEs représentantes et représentants, ou de celles et ceux qui se présentent comme telLEs.

Ce type de propositions nécessite incontestablement des moyens financiers importants. Ceux-ci doivent être en très grande partie publics.

En guise de réflexion générale, je ne pourrais mieux m'exprimer que les auteurEs du texte dont je vous parle. Permettez-moi donc de citer :

«L'Université n'est pas un monde à part, libre de toute pression extérieure. L'Université contribue à la reproduction des inégalités sociales en ne les problématisant pas comme telles.

»L'Université est donc étroitement imbriquée dans la société, en l'influençant et en étant influencée par certaines forces sociales. C'est pourquoi il s'agit d'être particulièrement vigilantE aux transformations qui s'accomplissent actuellement en son sein, c'est-à-dire qu'il faut réfléchir à la provenance de ces transformations et surtout à leurs effets.

»Nous voulons une Université qui soit accessible à toutEs, gratuite et financée essentiellement par l'État, participative dans son fonctionnement, et ouverte sur le monde.

»Elle doit stimuler le débat démocratique notamment sur les orientations et les utilisations de la science afin non seulement de maîtriser le progrès mais également de diffuser à l'ensemble de la société les savoirs élaborés en son sein.

»L'Université doit donc contribuer à trouver des éléments de réponse face aux crises et aux questionnements de la société actuelle. Elle doit avoir pour objectif de participer à la satisfaction de l'ensemble des besoins sociaux et ne pourra remplir ce rôle que si elle donne à touTEs les moyens de s'investir dans la communauté et d'agir sur le destin de celle-ci. C'est dans ces termes que nous concevons le combat pour une Université qui doit contribuer largement à l'élaboration d'une société solidaire, équitable et démocratique.»

Ceci dit, j'entends déjà dans les minutes et les heures qui vont suivre, autour de l'apéritif, des discours du type: «oui, oui, très bien le discours du petit représentant des étudiants, mais enfin, on en est plus là, c'est dépassé, ces propositions sont d'un autre temps, et qui plus est inapplicables dans le climat politique actuel et étant donné l'état dramatique et néanmoins table-rondesque des finances publiques. Tout ça ressemble par trop à de l'utopie, même à de l'idéologie, et de gauche en plus. Quelle horreur !»

C'est peut-être par là qu'il faudrait commencer. La définition de l'université, de son rôle, des ses buts, n'est pas une question technique, soluble dans des théories économiques un tantinet foireuses dont nous gratifient les responsables politiques, économiques et les médias chaque jour un peu plus, et chaque jour un peu plus unanimement.

C'est pourtant bien une question politique qui dépend de notre vision du monde et des problèmes concrets auxquels les étudiantEs sont confrontéEs. La FAE a choisi son camp et ses positions en découlent. Elles s'opposent à une pensée politique et idéologique qui ne s'affiche pas comme telle et dont les défenseurs prétendent qu'elle est la seule possible. Le rapport de forces est pour l'instant très nettement défavorable aux positions défendues par la FAE, mais jusqu'à quand...

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