Les réalités que l'on dit mystérieuses ne demandent souvent qu'à se révéler, telle est en fait l'expérience de ceux qui ne perdent pas coeur sur le chemin de leur désir profond. Mais qu'en est-il justement de ce désir ? L'homme a toujours été tenté de vivre indéfiniment à la surface de lui-même. Son goût pour la glisse est significatif et le pousse aujourd'hui à surfer sur toute chose, sur le bitume comme sur les amours, sur les vagues de souhaits inconsistants comme sur ses convictions. En fait sa propre intériorité l'inquiète et son grand souci est de colmater les brèches par lesquelles pourraient se manifester les données essentielles de son existence. Les chrétiens entre autres redoutent un Dieu qui pourrait les envahir par des exigences qui ne sont pas celles de la conformité mais de l'amour : ils ont peur d'être ressuscités de leur vivant par-delà les mille morts d'une vie ordinaire. Mais alors, pourquoi de nouveaux pèlerins de Compostelle battent-ils aujourd'hui des records de marche à pied ? N'est-ce pas pour descendre en eux-mêmes ? Les uns retrouveront le Christ, d'autres, Dieu sait qui ou quoi, mais tous (ou presque) trouveront la force de commencer ou d'aboutir leur voyage intérieur qui mène à « la vérité du fond du coeur ». Pourquoi bâtit-on encore des églises et des cathédrales, ces Maisons-Dieu qui ont un dedans et un dehors consacrés par la foi, des lieux gardiens du mystère ? Pourquoi, par goût du silence, des hommes et des femmes, croyants ou mécréants, vont-ils s'asseoir sur des coussins, à l'orée de leur propre conscience ? Pourquoi, à l'heure où l'image s'évanouit, quelques peintures révèlent-elles une dimension métaphysique ? Pourquoi certaines musiques conduisent-elles l'esprit au coeur de la souffrance, du bonheur ou de la présence de Dieu ?
Maurice Cocagnac, in Sacré et secret, Méditer pour entrer dans la profondeur des textes