Les paradoxes de l'égalité
Les paradoxes de l'égalité sont abordés à travers quatre axes de recherche thématiques détaillés ci-après. Plusieurs modules de recherche sont rattachés aux axes thématiques.
Les paradoxes de l'égalité sont abordés à travers quatre axes de recherche thématiques détaillés ci-après. Plusieurs modules de recherche sont rattachés aux axes thématiques.
1) L’intersectionnalité des catégories de sexe, race, classe
Quels que soient ses ancrages disciplinaires, théoriques et thématiques, la recherche menée dans une perspective de genre a largement démontré que les modes de fonctionnement des diverses sociétés et de leurs institutions, les pratiques quotidiennes et les rapports sociaux sont organisés selon un principe de division hiérarchique à partir duquel les êtres humains sont désignés comme étant soit des femmes, soit des hommes. Le sexe constitue donc un critère de catégorisation sociale qui donne corps au système de genre et à l’hétéronormativité. D’autres critères de division fondent d’autres systèmes de domination, en particulier la classe et la race. Le modèle de l’ « intersectionnalité » permet de penser la manière dont s’articulent les rapports sociaux de sexe, de classe et de race. Dans quelle mesure les différents systèmes de domination sont-ils autonomes les uns par rapport aux autres et fonctionnent-ils avec des mécanismes spécifiques à chacun d’eux ? De quelle manière s’appuient-ils les uns sur les autres ? Par exemple, l’expérience de la domination que vit une employée non qualifiée noire a-t-elle quelque chose à voir avec celle que vit une femme blanche PDG ou un ouvrier kosovar qualifié ?
Consulter le module de recherche « intersectionnalité »
2) Migrations, mobilité, circulation
La manière d’appréhender la mobilité des personnes s’est considérablement renouvelée durant les dernières décennies. Différents courants de recherche optent aujourd’hui pour des perspectives moins unilatérales que dans les premières études sur les migrations, largement focalisées sur les migrants mâles et avant tout sédentarisés. Les études sur la migration classique considèrent ainsi aujourd’hui les femmes migrantes comme des actrices économiques et sociales à part entière et montrent comment les conditions de vie des migrantes sont influencées par l’articulation de catégories sociales telles que le genre, la classe et l’ethnicité. Un second courant de recherche porte sur les nouvelles formes de mobilité qui se distinguent de la migration de travail classique et du regroupement familial par le type de demandes auxquelles elles répondent et par leurs effets. Avec la participation croissante des femmes des pays dits « du Nord » au travail salarié, on assiste à la délégation d’une partie du travail de reproduction sociale aux femmes migrantes. Cette division sexuelle et ethnique du travail à l’échelle internationale se traduit par le cloisonnement des migrantes dans des activités dévalorisées, peu qualifiées et proches du travail domestique. Un troisième axe d’investigation porte son attention sur des formes de mobilités circulaires et durables qui diffèrent fortement de la migration a caractère définitif et sédentaire. Dans cette optique, la mobilité devient partie intégrante du projet stratégique des individus : ces derniers tendent à rester mobiles pour améliorer ou maintenir leur qualité de vie. En ce qu’il influence la configuration de phénomènes de mobilité, le rôle du genre se retrouve au centre de ces différents axes de recherche.
3) Travail, emploi, chômage
Deux tendances caractérisent l’évolution du travail et de l'emploi féminin depuis l’après-guerre comparé à celui des hommes : convergence et divergence. D’un côté, la position des femmes se rapproche de celle des hommes en ce qui concerne le taux d’activité, le statut de salarié·e, le niveau de formation, l’accès aux postes d’encadrement intermédiaire et aux professions libérales. De l’autre, les femmes n’occupent pas les mêmes emplois que les hommes, sont beaucoup moins nombreuses au sommet de la hiérarchie, travaillent à temps partiel et dans des postes précaires. Elles sont plus souvent chômeuses et/ou en situation de sous-emploi. Elles sont discriminées au niveau salarial et assument la plus grande partie des charges domestiques. Cette situation paradoxale qui voit les femmes gagner sur certains plans et perdre sur d’autres a des implications dans plusieurs domaines. Ainsi, l’assignation traditionnelle des femmes à la sphère de la reproduction perdure sous des formes réactualisées, dont l’une a trait au brouillage des frontières entre emploi salarié, inactivité, activités domestiques et familiales, associatives et bénévoles. Ce flou se manifeste notamment par la prolifération de stages censés favoriser l’accès des jeunes à l’emploi. Ajoutons à cela que les deux dernières décennies ont vu se creuser les différences entre femmes : entre celles qui récupèrent sur le marché du travail les fruits de leur réussite scolaire et universitaire en accédant à des postes qualifiés et bien rémunérés et celles, bien plus nombreuses, qui occupent les emplois non qualifiés et souvent précaires du salariat d'exécution.
4) Corps, sexualités, procréation
« On ne naît pas femme, on le devient » : c’est à partir de cette déclaration presque programmatique de Simone de Beauvoir que s’est enclenchée toute une réflexion féministe et/ou queer sur les corps, les identités et les sexualités. Cette réflexion vise, par l’analyse des pratiques médicales, scientifiques mais aussi profanes, à dénaturaliser les corps et les identités, et à comprendre par quels processus sociaux les corps sont genrés et hétérosexualisés, mais aussi défaits, refaits, mal faits, entre subversion et consolidation. Tout comme les corps, les sexualités sont socialement construites et canalisées d’un sexe vers l’autre. Le désir est à la fois ce qui oppose les catégories de sexe (selon un schéma asymétrique) et ce qui les lie (à travers l’engagement affectif et sexuel) par l’injonction à l’hétérosexualité sans cesse véhiculée dans la socialisation. Objets de luttes et vecteurs d’égalité avec les célèbres slogans « Mon corps m’appartient » ou « Un enfant si je veux quand je veux », les corps, les sexualités et la procréation nous conduisent au cœur de ce qui constitue les paradoxes de l’égalité. Situées à l’articulation de changements structurels et des expériences les plus intimes, ces réalités vécues permettent de prendre toute la mesure de la complexité d’un monde social composé d’individus incarnés, sujets de désirs, à la fois acteurs et objets de soumission et de résistance, de reproduction et de rupture.