Un projet de mentoring collectif
Le LIEGE est un projet qui a pris forme en automne 1998 grâce à l'engagement d'un groupe de travail réunissant des membres des facultés de théologie, des lettres et des sciences sociales et politiques de l'Université de Lausanne. Le Laboratoire s'est concrétisé à l'automne 2000 avec la création d'un poste de professeure en études genre dans cette université.
Au printemps 2001, le LIEGE a été accepté comme projet de mentoring soutenu par le Programme fédéral « Egalité des chances » qui vise à favoriser l'égalité entre les femmes et les hommes dans les carrières universitaires. Le mentoring est une structure destinée à soutenir et à mettre en réseau les diplômantes, doctorantes et habilitantes. Le système de mentoring du LIEGE se distingue d'une conception classique du mentoring (relation privilégiée entre deux personnes) en offrant un soutien sous forme de « mentoring collectif ». Le projet mentoring du LIEGE a été soutenu par le Programme fédéral « Egalité des chances » et financé de 2001 à 2007 par la Conférence universitaire suisse (CUS) et par le Rectorat de l'Université de Lausanne.
Philosophie et organisation
Le LIEGE vise essentiellement à soutenir et développer les études genre en Suisse. L'objectif du mentoring est de soutenir les jeunes chercheuses et chercheurs en études genre des universités suisses. Les personnes qui s'inscrivent dans le réseau s'engagent dans un soutien mutuel allant de conseils pratiques à un éclairage intellectuel en fonction des besoins des membres. Il s'agit d'un échange de savoirs et de savoir-faire, échange qui se fait sur initiative des membres. Celles-ci et ceux-ci disposent d'un appui logistique de la part de la coordination, qui assure également la récolte et la diffusion d'informations dans le domaine. Ce système peut fonctionner également par le fait que les membres du réseau partagent un point commun dans leurs recherches, même si elles ou ils travaillent dans des disciplines ou contextes divers : leur intérêt pour la perspective de genre.
Une conception du mentoring comme collectif
Le LIEGE est parti d'une démarche particulière, un peu utopique, qui consiste à développer un réseau et des relations horizontales, c'est-à-dire de tenter d'instaurer des rapports sociaux les plus égalitaires possibles, que ce soit entre statuts divers ou entre femmes et hommes. Selon le descriptif initial du projet : « Ce réseau consistera en une structure égalitaire et mixte, génératrice de savoir-faire (comment devenir un·e scientifique) au travers de la production de savoirs (connaissances scientifiques). Composé de femmes et d'hommes, le réseau doit permettre d'établir entre elles et eux des rapports de travail non hiérarchisés. » Sur la base de cette démarche, le réseau est mixte et ouvert à toutes les personnes intéressées ou travaillant en Etudes Genre, plus ou moins expérimentées (étudiant·e·s, doctorant·e·s, chercheur·e·s) et issues de différentes disciplines ou milieux professionnels. Les personnes qui rejoignent le réseau s'intéressent aussi aux différents aspects des inégalités entre femmes et hommes, y réfléchissent et souhaitent « aménager des conditions de travail, d'étude et de recherche pouvant favoriser le parcours professionnel des femmes au sein de l'université comme lieu de formation et de travail ».
L'élaboration d'un réseau, la progression personnelle ainsi que l'échange et la constitution de savoirs et de savoir-faire liés à la carrière, importants dans les projets de mentoring en général, sont centraux dans le LIEGE. Par contre, celui-ci est basé sur un système autre que le mentoring classique, qui insiste finalement sur la différence de statut entre les deux partenaires. En ce qui concerne le mentoring LIEGE, l'échange et l'apprentissage sont considérés comme réciproques, et comme ne dépendant pas de la position des personnes. Chaque personne inscrite dans le réseau indique ses centres d'intérêts, ses domaines de recherche, et si elle le souhaite ses insertions dans des associations, institutions ou groupes. Ces informations sont mises à la disposition de l'ensemble des membres, qui peuvent prendre des contacts directs avec d'autres membres en fonction de leurs besoins, et ce quel que soit leur statut. Dans la pratique et dans les groupes de travail ou rencontres, les rapports ne sont certainement pas complètement horizontaux ou transparents, mais le contexte essaie de les atténuer. Le LIEGE a aussi la particularité d'offrir un espace d'échanges et d'information très ouvert, et à usage variable. Il intègre un grand nombre de membres (plus de 600 en 2007) qui peuvent utiliser le réseau de manière passive (réception des informations), ponctuelle (demandes à des personnes ciblées en fonction des besoins, ou à l'ensemble du réseau, participation à des manifestations), ou s'investir beaucoup plus, en participant à des démarches en petits groupes.
Le LIEGE pose des questions fondamentales sur l'organisation du monde académique, sur la discrimination des femmes inscrite dans sa structure, ainsi que sur la notion de carrière véhiculée par l'institution. La plupart des mesures prises en faveur des femmes dans les hautes écoles ne remettent pas en cause la conception de carrière très élitiste et linéaire, ni la répartition traditionnelle des tâches entre femmes et hommes. Ainsi, il s'agit par exemple de trouver des solutions de « conciliation des temps » ou de donner des « trucs » aux femmes pour agir sur le modèle des hommes. Certes, le système en place a une force d'inertie impressionnante et on ne peut pas imaginer le transformer en quelques années ou initiatives, mais il ne s'agit pas non plus de le renforcer ni d'obliger les femmes à entrer dans la logique compétitive dominante. Le LIEGE tente justement de proposer un espace et un mode de fonctionnement alternatif, basé sur une vision plus intégrée de la carrière et s'appuyant sur la circulation des informations ainsi que sur une certaine solidarité. Il pousse aussi à réfléchir sur l'organisation académique actuelle et sur la situation de la relève, d'un point de vue personnel et collectif. De nombreux présupposés sont remis en cause, et ceci également parmi certains hommes.
Plus largement, le LIEGE fait partie des initiatives qui, au cours de ces dernières années, ont tenté d'apporter une réponse structurelle à des problèmes eux aussi structurels : l'accès sexué à certaines disciplines, les difficultés de carrière scientifique rencontrées par les femmes, le caractère patriarcal de l'organisation universitaire, l'insuffisance - pour les femmes en particulier - des contacts et des échanges informels, et la marginalisation des apports théoriques féministes et des queer studies.
Visant à mettre sur pied un réseau de mentoring collectif centré sur les questions de genre et d'égalité très ouvert aux personnes dont l'ancrage institutionnel est fragile, le LIEGE s'est particulièrement attaché à soutenir les jeunes chercheur·e·s qui veulent intégrer une perspective de genre dans leurs projets scientifiques. Les principales activités du LIEGE de 2001 à 2007 ont ainsi été les suivantes : recensement et diffusion d'informations liées au genre et à l'égalité sur toute la Suisse ; organisation de rencontres entre les membres, de journées d'études nationales et de colloques internationaux ; publication de la revue Nouvelles Questions Féministes laquelle permet aux jeunes chercheur·e·s d'acquérir une expérience scientifique unique et une insertion dans le champ de la recherche féministe internationale. Aux côtés de la mise en réseau et du soutien aux personnes intéressées, le LIEGE a aussi cherché à créer un espace de réflexion collectif, interuniversitaire et interdisciplinaire, et un lien avec la société civile. Ces différentes activités ont contribué à la reconnaissance des Etudes Genre et à l'avancée de l'égalité des sexes dans les universités.