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Dies Academicus 2000 | ||||||||
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«Une période charnière», allocution de M. Denis Müller, président du Sénat
Mesdames et Messieurs, Permettez-moi de placer ce Dies academicus sous le signe d'un mot qui relève du langage de la mécanique, de la menuiserie ou même de l'art militaire, mais qui est souvent utilisé de manière métaphorique, en histoire par exemple mais aussi en théologie: je veux parler de la notion de charnière. Selon le Petit Robert, le mot «charnière», dérivant du latin populaire cardinaria qui lui-même provient de cardo, le gond, en vient à signifier, au figuré, le point de jonction, l'articulation entre deux époques: être à la charnière de deux époques, une uvre charnière dans la production d'un écrivain ou d'une artiste, une date charnière qui marque un changement historique, l'avènement d'une révélation ou d'une révolution censées modifier la compréhension de l'avenir. Mais n'est-il pas prétentieux et surtout illusoire de désigner le temps que nous vivons de charnière? Qu'en savons-nous au juste? De quelles données fiables, de quelle interprétation partagée, de quels critères d'évaluation et de quelle distance critique disposons-nous pour y parvenir? Gardons le sens de la mesure, et contentons-nous d'émettre une hypothèse: il appartient à la nature de l'être humain, aux étapes de sa vie, de faire le point sur ses actions passées, sur sa situation présente et sur ses projets. L'Université de Lausanne, au tournant du millénaire, est tentée, comme bien d'autres institutions, d'esquisser un tel bilan, non pas tant pour se rassurer sur son identité que pour améliorer ses prestations et son rayonnement. Admettons ainsi que le temps présent tienne de la charnière. Charnière entre un passé impressionnant, dont le récent «Dictionnaire des professeurs de l'Université de Lausanne» nous remémore le dynamisme et la diversité au cours du siècle écoulé, et un avenir incertain, suspendu à des projets et à des doutes, écartelé entre un sentiment quelque peu provincial de marginalité et la conscience heureusement plus hardie d'un développement incessant, conquis avec l'aide réitérée et parfois malgré la frilosité des pouvoirs publics et des élus du peuple. Le siècle qui s'achève laissera peut-être à nos successeurs immédiats et plus éloignés un goût d'inachevé, d'ambiguïté aussi, tandis qu'ils pourront y décrypter peut-être les premiers symptômes d'une nouvelle orientation, conduisant à la mise en place d'une Université d'un type insoupçonné, lémanique, triangulaire, virtuelle et cosmopolite, que sais-je encore? Cette expérience supposée d'une charnière ne risque-t-elle pas de nous voiler les rudes réalités et les charges prioritaires du présent? À force de nous admirer dans le miroir déformé du passé ou de nous projeter dans les promesses aléatoires du futur, n'allons-nous pas nous détourner des rudes devoirs du présent? Ne devons-nous pas d'abord nous battre pour préserver les acquis chèrement obtenus et consolider les moyens constamment menacés et réduits? L'opération Orchidée, encore enfouie dans les mémoires, a laissé des traces, même si ses effets ne nous sont plus toujours présents ou conscients. Qui, d'ailleurs, en parle encore? Mais dans quelle mesure alors l'ambitieux projet triangulaire «Sciences, Vie et Société», visant à créer un nouveau réseau de collaborations et d'initiatives entre l'UNIL, l'UNIGE et l'EPFL, représente-t-il l'aboutissement d'une logique d'économie et de rationalisation, comme le craignent une partie d'entre nous, et dans quelle mesure représente-t-il au contraire un esprit de reconquête et le signal d'un redémarrage ? Est-il, en d'autres termes, une étape sur le chemin du redimensionnement drastique d'une Université trop petite pour subsister par elle-même et obligée de composer avec des partenaires placés dans une situation analogue, ou une chance de développement national et international, comme le pensent ses protagonistes initiaux et leurs héritiers? Il appartient à la logique paradoxale d'une époque charnière et d'une mentalité charnière de ne pas pouvoir si aisément choisir entre la lecture pessimiste et la lecture optimiste des événements. Si vous me permettez de mélanger deux images, les gonds servent-ils, comme on le dit d'un brillant gardien de but, à «tenir la baraque», ou sont-ils la condition de possibilité d'une relance et d'une attaque, promesse d'un 5 à 4 enthousiasmant plutôt que d'un 0 à 0 frileux et soporifique? La meilleure défense, pour l'Université aussi, n'est-elle pas justement l'attaque, la circulation intelligente du ballon, le jeu offensif, l'ouverture victorieuse? N'attendez pas de moi que je vous délivre en ce jour une quelconque prophétie, sous le prétexte conjoint que mous vivons le dernier Dies du siècle et que c'est un théologien qui vous parle. Je suis trop habitué par ma profession d'éthicien à me méfier d'attentes surdimensionnées et d'espérances irréalistes. Nos actions sont décidément trop pleines d'indécidable et d'imprévisible; n'est-ce pas d'ailleurs ce qui en constitue leur grandeur et leur noblesse, puisque nous sommes appelés à prendre nos responsabilités et à assumer nos risques? Il me paraît plus pertinent de souligner trois points susceptibles d'orienter notre action. Premier point.
Deuxième point.
Troisième et dernier point.
Mesdames et Messieurs, l'année académique qui s'ouvre sera sans doute une année-charnière riche en défis. L'Université, ses partenaires et ses amis, gagneront à les affronter dans un esprit d'ouverture, de liberté critique et de service à la collectivité. Le texte en format PDF (70 Kb)
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