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Texte de PDF
Le discours remis à la presse ne correspond pas au discours prononcé
que nous reproduisons ci-dessous:
Mesdames et Messieurs
Lart du coup dEtat est facile, tout comme la critique. Cest
pourquoi la Fédération des Associations dEtudiants
en introduit lusage pour son discours de cette année.
On nous opposera que notre Université navait pas encore besoin
de cela pour achever sa réputation, ainsi que la nôtre. Rassurez-vous
donc: ce coup dEtat sera bref, pacifique et sans dommage pour la
continuité des institutions.
Remplacer le Rectorat actuel par un groupuscule étudiant dans le
cadre dun coup détat nous paraît tout à
fait à propos: nous laissons en effet le mot «révolution»
à nos amis de lEcole Polytechnique, qui en auront bien besoin
pour faire tomber les baronnies et autres serments dallégeance
si caractéristique dun régime féodal.
À linverse, nallez pas croire quà nos
yeux lUniversité lausannoise soit une république bananière
comme une autre, dont lexécutif tomberait à la première
mutinerie. Bien quelle soit composée dun grand nombre
daventuriers, linertie qui régit son évolution
suffît à décourager tout aspirant Bob Denard à
tenter de semparer de notre vénérable institution.
Un gouvernement provisoire a donc été démocratiquement
constitué. Ce grâce à un point de lordre du
jour surprise lors dune séance de décisions consultative
du Sénat à la mi-août: les initiés reconnaîtront
dans ces méthodes rien dautre que celles de nos prédécesseurs,
qui nous succéderont à nouveau dans quelques minutes.
Cest donc dans la légalité la plus loufoque qui caractérise
si bien le fonctionnement de cette Université que nous allons vous
soumettre notre programme de redressement académique:
Nous voulons que lUniversité de Lausanne retrouve sa dignité
et que ses autorités puissent tenir leur conférence de presse
la tête haute. Il ne sera par exemple plus question dinsulter
des chercheurs de pharmacie pour sauver un projet calamiteux, ou de mentir
publiquement pour une animalerie en trop, ou encore de suggérer
des projets de constructions dantesques là où le budget
actuel ne garantit pas leau chaude.
Nous dénoncerons avec toute la vigueur nécessaire linconstance
de lEPFL dans le cadre du projet triangulaire. Nous démontrerons
dans les actes notre volonté de nous distancer dune école
qui, si elle a bien un chef, na pas de tête.
Nous proposerons une nouvelle méthode de gestion financière
de lUniversité: justifiés ou pas, 50 millions de francs
ne peuvent être ainsi laissés en réserve sans discréditer
un peu plus une institution célèbre pour son opacité
financière. Si lUniversité a trop dargent, autant
le reverser dans des domaines bien plus urgents que sont la petite enfance,
laide aux réfugiés et la culture.
- Nous ferons nôtre la défense de la vie étudiante:
lUniversité ne reprendra ses cours que quand tous les étudiants
bénéficieront dun logement décent et de moyens
suffisants pour vivre et étudier! Des conditions détudes
et dencadrement de qualité constituent la seule direction
que devrait aujourdhui suivre les autorités: elles seules
garantiront à long terme des chercheurs de qualité et la
continuité de lUniversité publique et libre.
Le Centre Intégratif de Génomique sera abandonné
et nous rendrons leur liberté aux souris pour laisser la place
à une colonie de lemmings. Nous serons ainsi mieux à même
de saisir les principes régissant les décisions du Rectorat
«canal historique» de ces dernières années,
et donc de trouver des solutions pour faire cesser les pulsions suicidaires
de nos autorités.
Un salaire étudiant sera mis sur pied: nous prenons ainsi au mot
ceux qui veulent créer un étudiant professionnel, corvéable
à merci et standardisé au même titre que ses études.
Les autorités fédérales se rendront alors compte
du coût effectif dune politique de formation populaire et
ouverte à tous. Dailleurs, un coup dEtat de lUnion
Nationale des Etudiants est à létude, mais les perspectives
quoffre lexercice du pouvoir à ce niveau en font réfléchir
plus dun.
Notre horizon dépassera 2008: à linverse de notre
Secrétaire dEtat à la recherche du temps perdu, nous
estimons que lUniversité mérite de survivre aux mises
en demeure des apprentis sorcier de léconomie. Premières
mesures, les mandats privés de professeur seront déduis
de leurs années de congés académiques, et les gains
seront entièrement reversés à la Fondation «Touche
Pas à Mon Assistant».
Les brevets et autres découvertes découlant de lactivité
de nos chercheurs relèveront du domaine public et seront accessibles
à tous. A linverse une fois de plus de notre remuant voisin,
largent public ne sera pas destiné à financer la recherche
à des fins commerciales et privées. Nos mesures auront par
ailleurs un effet rétroactif, puisque ceux qui aujourdhui
sen mettent plein les poches grâce à des travaux résultants
de recherches publiques seront mis à lamende à hauteur
égale du profit dégagé.
Dautre part, le Sénat de lUniversité de Lausanne
ne sera plus le pot de chambre - lexpression chambre denregistrement
étant un peu faible -du Rectorat. Il bénéficiera
désormais dune représentation étudiante proportionnelle
à sa taille réelle et sentretiendra de tous les sujets
financiers et législatifs sans se voir court-circuiter par son
exécutif.
Nous ne nous lancerons pas dans le cinéma: pas de scénario
Dorigny, pas de coproduction douteuse, ni de cadrage flou, et encore moins
de réalisation ou de montage insuffisants. Nous éviterons
ainsi autant de navets douloureux pour la crédibilité de
notre institution.
Enfin, nous nous engageons durant ces quelques minutes de prise de pouvoir
à ne pas rédiger notre propre rapport sur lavenir
de lUniversité: les deux dernières tentatives en ont
déjà assez fait douté sans que nous y ajoutions!
Nous allons maintenant remettre à nouveau le pouvoir au Rectorat
«régulier». Si cette expérience vous a choqué,
sachez quelle est à cent lieues de ce que la communauté
universitaire peut ressentir du cirque permanent mené par quelques
uns pour sarroger qui quelques fonds supplémentaires, qui
un peu de pouvoir et, toujours et encore, plus de prestige.
Le Dies Academicus est le niveau zéro de l'Université ouverte,
libre et critique que tant dentre nous rêve. Le fait que quelques
étudiants puissent y prendre la parole, et a fortiori y contester,
ne participe pas du remède, mais au mieux que du prolongement de
la maladie. Cest bien par une attitude nouvelle de tous - personnel
administratif, professeurs, étudiants, chercheurs - que lUniversité
échappera à son destin de faire-valoir de quelques egos
mal maîtrisés.
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