Huit heures de formation et des résultats notables! Les futurs médecins lausannois seront mieux formés à motiver les patients à changer de comportement que leurs collègues non formés.
Qu'ont-ils appris? Renoncer à la confrontation, au jugement et aux conseils clés en main. Etre disponible pour écouter le patient et l'accompagner dans une réflexion personnelle. Un savoir-faire qui n'est pas inné, mais qui peut s'acquérir en une journée de formation. C'est ce que vient de démontrer Jean-Bernard Daeppen, professeur associé à la FBM et chef du service d'alcoologie du CHUV, et son équipe dans un essai randomisé contrôlé publié dans la revue Patient Education and Counseling. Un constat très prometteur tant ces nouvelles compétences sont indispensables pour aider de plus en plus de patients à changer leurs habitudes de vie néfastes ou simplement les motiver à suivre leur traitement.
Une étude qui prouve l'utilité de la formation
A Lausanne, près de cent étudiants en médecine de 5e année ont participé à l'étude. Objectif: tester l'efficacité d'une formation brève à l'entretien motivationnel. Les étudiants ont mené deux entretiens de quinze minutes avec deux patients: un homme de soixante ans avec une sévère dépendance à la nicotine, hospitalisé après un infarctus du myocarde et une femme de cinquante ans diabétique, avec une alimentation déséquilibrée, de la peine à suivre son traitement et un manque d'exercice physique. La moitié des étudiants a reçu huit heures de formation à l'entretien motivationnel avant de rencontrer ces deux patients. L'autre moitié a été formée après ces deux consultations tests. Mesurées à l'aide d'un outil validé, les aptitudes motivationnelles sont nettement plus élevées chez les étudiants formés: empathie, collaboration entre médecin et soignants, respect de l'autonomie du patient, évocation du changement avec la permission du patient, soutien et encouragement.
L'entretien efficace...
Donner de l'information ne suffit pas à déclencher un changement de comportement. Des études scientifiques l'ont prouvé. Les médecins qui essaient de convaincre leurs patients à coup de conseils, réprimandes, menaces, développent la résistance de ces derniers. L'entretien motivationnel va plutôt mettre le patient dans une logique de réflexion personnelle à propos d'un éventuel changement et lui permettre d'explorer son ambivalence. Le fait, par exemple, qu'il y ait des avantages et des inconvénients tant dans la consommation que dans l'abstinence est une source de motivations conflictuelles, causant alors une ambivalence inhibitrice. Petit à petit, les avantages perçus dans le contrôle de sa consommation vont diminuer l'ambivalence, renforcer l'estime de soi et ainsi accroitre la motivation de changer. Dans cette démarche, le patient est actif. Il évalue ses propres motivations à changer et imagine lui-même sa stratégie.
... qui redonne la parole au patient
Encore inconnue en Suisse dans les années 2000, l'approche motivationnelle est aujourd'hui systématiquement utilisée aux Etats-Unis pour des conseils de santé et enseignée dans plusieurs écoles médicales. Le boom autour de ce type d'intervention témoigne du changement sociétal autour de la vision des relations médecin-patient, plus horizontales. Dans ce nouveau partenariat, le patient gère sa santé avec son médecin. Plus efficace pour les patients, ce paradigme est aussi plus motivant pour les soignants, souvent empruntés jusqu'ici face à un patient qui n'abandonne pas un comportement délétère.