Sur proposition du Conseil de Faculté, le Conseil de direction UNIL-CHUV a désigné Béatrice Desvergne en qualité de Doyenne de la Faculté de biologie et de médecine (FBM) pour la législature 2012-2015 lors de sa séance du 23 mars 2012. Une nomination historique, puisque Béatrice Desvergne devient ainsi la première femme à la tête d'une Faculté de médecine en Suisse romande.
Médecin, biologiste et philosophe, Béatrice Desvergne est actuellement professeure ordinaire au Centre intégratif de génomique (CIG) de l'UNIL et vice-Doyenne en charge de l'organisation de la Section des sciences fondamentales. Interview.
Quelles ont été vos motivations personnelles qui vous ont conduite à poser votre candidature au poste de Doyen de la FBM?
En tant que vice-Doyenne, j'ai découvert mon intérêt pour les responsabilités liées à cette fonction et ai pu évaluer mes compétences à cet égard. Assumer la fonction de Doyenne est maintenant un défi réellement motivant. C'est aussi une merveilleuse opportunité de faire jouer ensemble mes liens particuliers à la fois avec la biologie et la médecine du fait de ma double formation. Enfin, étant issue de la Section des sciences fondamentales (SSF) et non de la Section des sciences cliniques (SSC) d'où étaient originaires les doyens précédents, je suis convaincue que c'est une opportunité pour la FBM de renforcer la confiance réciproque entre ses deux sections.
Quel a été, selon vous, votre principal atout pour être nommée à ce poste?
Outre mon mandat actuel de vice-Doyenne qui m'a permis d'acquérir une connaissance des dossiers et processus avec lesquels le Décanat doit travailler, ma double formation de médecin et de biologiste a aussi été un atout qui a prévalu pour cette nomination dont je suis très honorée.
Pour ceux qui me connaissent, je pense également que ma capacité d'entendre les différents points de vue sans préjugés et ma volonté de trouver des terrains d'entente qui permettent de faire avancer les projets ont également pu constituer un atout dans le cadre de cette nomination.
Enfin, si la Faculté le souhaite bien sûr, je serai en mesure d'assurer un second mandat sans être limitée par l'âge légal, ce qui permettra de consolider les développements mis en oeuvre durant le premier mandat.
La FBM fêtera ses dix ans en 2013. Quel est le potentiel encore à exploiter autour de cette association entre Biologie et Médecine?
La création de la FBM a vraiment été un exercice réussi. Mais si ce sentiment prédomine, il n'en demeure pas moins que sur le plan des réalisations concrètes, beaucoup reste à faire. Le potentiel à exploiter commence au niveau des écoles, où l'exposition des étudiants de chaque école à l'environnement médical et fondamental, réciproquement, sera encouragée grâce à des outils tels que des stages, encore à définir. Au niveau des structures, la réalisation de départements mixtes, SSC et SSF, sera encouragée dans tous les domaines qui s'y prêtent et les premières initiatives sont déjà en route. Mais surtout, la priorité sera donnée à quelques projets ambitieux, transversaux et transdisciplinaires qui formeront l'ossature de la recherche en SSC, laquelle se prolongera en SSF. Enfin, il faut bien réaliser que les synergies entre les deux sections reposent aussi sur les initiatives personnelles, et celles-ci doivent garder toute leur force de mobilisation.
Comment pensez-vous accroître la force d'attraction de la FBM tant sur le plan régional, national qu'international?
Qu'il s'agisse d'attirer les étudiants hautement motivés, ou de pouvoir faire venir des professeurs à haute valeur ajoutée, l'attractivité de notre Faculté dépend en tout premier lieu de la qualité de ce qui y est déjà présent. Dans de nombreux domaines, la recherche fondamentale à la FBM a acquis un prestige international incontesté. Mais il ne s'agit pas seulement d'être excellent et de savoir préserver ce capital, il faut aussi être innovateur, savoir identifier et permettre le développement de sciences nouvelles, qui seront les domaines classiques demain déjà. Les trois dimensions de notre Faculté, à savoir l'enseignement, la recherche et la qualité académique des activités cliniques, sont concernées. Par ailleurs, le développement de synergies entre sciences fondamentales et sciences cliniques sera un très bel atout pour renforcer encore notre attractivité et compétitivité sur le plan international.
Un autre outil sera la mise en place de liens privilégiés avec quelques universités étrangères de haute renommée, choisies en fonction soit d'une complémentarité, soit d'une communauté d'intérêts, amenant à une politique proactive d'échanges aussi bien d'étudiants que de chercheurs ou de professionnels spécialisés.
Enfin, les efforts importants mis en oeuvre par la Faculté pour se doter d'une réelle politique de communication seront poursuivis, permettant que la visibilité dépasse l'aura de quelques chercheurs et soit organisée de façon institutionnelle.
Quelle importance revêt pour vous un rapprochement avec d'autres universités suisses, européennes et internationales?
De la même façon que tout projet d'envergure en recherche ne peut se développer que dans le contexte de collaborations, notre Faculté a peu de chance de se développer en vase clos; elle doit au contraire maintenir et cultiver ses liens, en premier lieu localement avec l'Université de Genève et l'EPFL. Les projets NCCR (National Centres of Competence in Research) sont aussi d'excellentes opportunités de créer des liens durables entre les diverses universités suisses. Enfin, j'ai déjà souligné l'intérêt d'établir des relations ciblées et choyées avec quelques universités étrangères.
Quel potentiel l'industrie représente-t-elle pour la FBM?
Une fois clarifié le fait que les missions d'un organisme public d'enseignement et de recherche ne peuvent pas et ne doivent pas être les mêmes que celles de l'industrie, les rapports avec l'industrie peuvent offrir des opportunités de partenariat très intéressantes pour les deux parties. Il peut s'agir d'une participation à la mise en place et au développement de projets, notamment en lien avec la section des sciences cliniques. Par ailleurs, un potentiel très important encore peu exploité serait de développer certains partenariats pour permettre aux étudiants de nouer des contacts avec ce monde de l'industrie, dans le cadre de leurs études.
Comment encourager la recherche clinique?
Je crois qu'il est nécessaire d'encourager en priorité des projets ambitieux et novateurs, capables d'être structurants pour la Faculté. Un des exemples en cours est l'oncologie. D'autres sont liés à des projets NCCR actuellement soumis, tels que celui centré sur le métabolisme, ou celui articulé autour de la génétique et plus spécifiquement la médecine personnalisée.
Un autre point clé pour la réussite de cet objectif est la mise en place d'une politique de dotation ainsi que la mise à disposition de temps protégé pour les jeunes cliniciens chercheurs, qui faciliteront l'investissement des cliniciens dans les activités de recherche clinique. Il s'agit également d'encourager la recherche en associant très tôt les travaux de recherche à la formation clinique. Enfin, l'évaluation des activités académiques en sciences cliniques doit tenir compte des activités cliniques proprement dites et les critères d'excellence en clinique doivent être débattus et définis.
Et qu'en est-il de la recherche fondamentale?
Pour les sciences fondamentales, il s'agit d'être capable de susciter des projets novateurs. La recherche fondamentale est une science en mouvement et il faut que notre Faculté se donne la flexibilité nécessaire à la promotion de sciences nouvelles. Cela peut vouloir dire la nécessité de faire des choix.
Un des défis que doivent relever les sciences fondamentales est d'attirer les étudiants brillants et passionnés vers la recherche fondamentale. Pour cela, il est capital de donner plus d'opportunités aux étudiants en biologie d'être exposés aux activités de recherche de la FBM dès le niveau Bachelor.
Mais encore une fois, s'il y a certes d'un côté les sciences cliniques et de l'autre les sciences fondamentales, les développements à venir et opportunités à créer doivent tenir compte de cet extraordinaire potentiel que représentent les possibilités de synergies entre les deux.
La pénurie programmée de médecins nécessite le passage à 220 diplômés par volée lausannoise. Un véritable défi pour l'Ecole de médecine. Comment la FBM pense-t-elle le relever? Et comment peut-elle aider l'Ecole de biologie qui doit aussi faire face à un nombre accru d'étudiants?
Un groupe de travail, mené par le vice-Doyen pour l'enseignement Pierre-André Michaud, élabore actuellement un document faisant état des problèmes et des possibilités de résolutions. Une meilleure utilisation des forces existantes en Médecine doit être promue. En ce sens, une meilleure prise en compte des qualités pédagogiques et de l'intérêt pour l'enseignement doit être valorisée, que ce soit au niveau des nominations ou au niveau des promotions. Mais cela ne suffira pas, et qu'il s'agisse de la Médecine ou de la Biologie, deux grands problèmes devront être résolus: celui des locaux, très aigu, et celui de l'encadrement.
Je profite de cette question pour insister sur le fait que la FBM vit en ce moment une période critique en ce qui concerne les locaux d'enseignement et de recherche. Cela a été une lourde tâche pour le Décanat en cours, cela le restera pour la nouvelle législature.
Quelle est votre stratégie d'encouragement à la relève?
La stratégie concernant la relève commence déjà avec les étudiants dès le niveau Bachelor, et plus concrètement au niveau Master. Le déroulement du Master, qu'il s'agisse d'un Master en médecine ou d'un Master en biologie, est une excellente opportunité pour débuter une formation à la recherche. Plus tard, il est très important de sensibiliser les chefs de Service, directeurs de Département et investigateurs principaux de leur responsabilité en ce domaine. Par contre, côté clinique, l'institution devrait améliorer les conditions d'accueil des jeunes médecins, leur permettant de consacrer du temps et d'avoir un environnement humain et matériel adéquat à la poursuite de travaux de recherche, garante de leur intégration dans le monde académique.
En tant que première femme Doyenne, désirez-vous améliorer l'accès des femmes à des postes professoraux?
Ceci doit être une préoccupation pour tout Doyen, qu'il soit homme ou femme. Donc la réponse à cette question est oui mais cela n'est pas lié au fait que je sois une femme. Il faut être attentif à éviter le piège des quotas. Aucune femme professionnelle ne souhaite être une femme-quota, et c'est plutôt l'utilisation d'incitatifs indirects aussi bien pour la candidate que pour le département d'accueil, qui devrait être étudiée. Cependant, je reste persuadée que plus que les mots, plus que les incitatifs, c'est l'exemple concret qui aide à franchir les barrières. En ce sens, si la nomination d'une femme à la tête de la FBM encourage et incite nos jeunes étudiantes à se projeter dans des postes à responsabilité, alors c'est en soi déjà une belle réussite.
La FBM, l'UNIL et le CHUV forment une gouvernance tripartite. Comment percevez-vous ce partenariat?
Le mot de partenariat est effectivement bien choisi. Tout partenariat repose sur la confiance. Durant mon mandat de vice-Doyenne, j'ai réalisé les problématiques complexes et les responsabilités majeures et à fort impact que doivent assumer ces différentes entités de gouvernance. Alors que chacune de ces gouvernances fait face à ses propres contraintes, il existe une réelle volonté de travailler ensemble sur de nombreux points. Il est donc capital non seulement qu'un dialogue de bonne qualité soit maintenu entre ces trois pôles de gestion et de décision, mais également que, sans remettre en cause les prérogatives de chacun et indépendamment de la mise en place ou non de MedUnil, la gouvernance puisse être mieux concertée encore sur les projets qui impliquent l'ensemble des structures.