Martin Karplus vient de recevoir le prix Nobel de chimie pour ses théories sur la modélisation des réactions chimiques. Olivier Michielin, professeur associé à la FBM au Département d'oncologie CHUV-UNIL et chef de groupe à l'Institut suisse de bioinformatique (SIB), a été son dernier doctorant en date. Il réagit au Nobel décerné à son ancien professeur.
Quelle est votre première réaction quand vous avez su que Martin Karplus avait reçu le Nobel?
Olivier Michielin: Je suis extrêmement heureux pour lui mais aussi pour la communauté de chercheurs qu'il a créée dans ce domaine et qui va bénéficier d'une reconnaissance exceptionnelle. Martin Karplus est un scientifique hors du commun qui redéfinit tous les superlatifs. Il mérite amplement ce prix. Outre sa grande ouverture scientifique, c'est une personne aux grandes qualités humaines avec laquelle j'ai énormément appris et qui reste un modèle pour moi. Je suis aujourd'hui très ému.
Comment l'avez-vous connu?
Physicien et médecin, j'ai fait ma thèse dans le cadre du programme MD-PhD de la Faculté de Médecine de Lausanne jusqu'en 2001. J'ai ainsi eu pu passer trois ans avec le professeur Martin Karplus à Harvard et à Strasbourg. J'ai d'ailleurs été son dernier étudiant en thèse. Sa disponibilité m'a toujours impressionné. J'imaginais une grande équipe autour de lui et un homme très pris. En fait nous étions une trentaine et j'ai eu la chance de discuter avec lui plusieurs heures par semaine.
Sur quoi portaient vos travaux de l'époque et les siens?
On commençait à comprendre les bases de la structure du système immunitaire et comment les lymphocytes - les globules blancs - pouvaient s'attaquer aux tumeurs cancéreuses. Nous avons développé des techniques de simulations qui permettent de comprendre comment les récepteurs des lymphocytes reconnaissent les tumeurs et comment simuler ces interactions.
Et quelles sont les applications concrètes de ces simulations aujourd'hui?
Martin Karplus est un chimiste théoricien qui a contribué à comprendre les phénomènes moléculaires. Il a véritablement créé un nouveau type de science, soit une science virtuelle par simulation. La modélisation moléculaire permet de reconstituer tout ce qui se passe dans une cellule. Les bénéfices des travaux du professeur Martin Karplus sont immenses et répondent à de nombreuses questions en biologie et en médecine avec des résultats très probants. La recherche sur la cancer bénéficie aujourd'hui grandement de ces possibilités de modélisation. Ainsi, dans mon groupe de recherche, nous utilisons le « drug design » qui permet de créer par ordinateur des molécules pouvant bloquer certaines cibles. Virtuellement, nous avons créé et testé des milliards de molécules pour ensuite en synthétiser les quelques centaines qui ont une grande chance d'être efficaces. Il s'agit de molécules inhibitrices qui permettent notamment de combattre le cancer.
Aujourd'hui, je continue à travailler en ligne directe des travaux de Martin Karplus. En tant que médecin, j'utilise ses méthodes pour développer des traitements et en faire bénéficier les patients. Concrètement, mon équipe et moi-même avons récemment réussi à optimiser les récepteurs des lymphocytes pour qu'ils soient plus efficaces que ceux des patients. Nous avons créé en quelque sorte des «superlymphocytes». Des essais cliniques seront lancés l'an prochain pour optimiser les traitements du cancer.