Spécialiste des cancers du système digestif et expert en pharmacologie moléculaire, Eric Raymond vient d'être nommé professeur ordinaire à la FBM et chef du Service d'oncologie médicale du CHUV. Ses ambitions pour le service sont à la hauteur de son enthousiasme.
«A 50 ans, j'avais besoin d'un nouveau défi! J'ai encore de belles années pour réaliser un projet d'envergure et le Département d'oncologie CHUV-UNIL offre des perspectives de développement extrêmement intéressantes, notamment en recherche clinique et translationnelle». La vision du Prof. Raymond dépasse les frontières du futur Centre suisse du cancer Lausanne, qui verra le jour en 2016: selon lui, Lausanne peut devenir le meilleur centre d'oncologie d'Europe. «Le centre lausannois ne sera jamais le plus grand, mais peut devenir le meilleur. La place est à prendre! Avec l'UNIL et l'EPFL, nous pouvons nous appuyer sur un pôle de recherche fondamentale d'excellence.»
La recherche translationnelle (voir lien ci-dessous) constitue le chaînon manquant encore à développer, selon Eric Raymond. Le Français bénéfice d'une solide expérience en la matière.
Après son clinicat réalisé aux côtés du Prof. Aimery de Gramont à l'Hôpital Saint-Antoine, avec qui il développe son intérêt pour la pharmacologie et participe au développement de nombreux protocoles de traitement inédits, le jeune médecin rejoint le Prof. Daniel Von Hoff aux Etats-Unis. «San Antonio, Texas: j ai débarqué en sachant à peine l'anglais... Le premier jour, je présentais devant tout le staff une nouvelle molécule que nous avions développée à Paris, l'oxaliplatine. Quel souvenir terrible! Mais il fut suivi de plusieurs années extrêmement dynamiques et ponctuées d'expériences innovantes qui m ont servi de tremplin pour la suite.»
La suite, ce sera Paris et des années de recherche au sein de l'Institut Gustave Roussy, puis l'hôpital de Beaujon avec la création, ex nihilo, du Département d'oncologie. «Il a fallu recruter les premières infirmières, commander les lits, les fauteuils, mettre aux normes les locaux, rechercher des fonds, etc. Je me rappelle qu on déballait encore les fauteuils lorsqu est arrivé notre premier patient. Il était tout seul exactement comme moi!», se passionne encore Eric Raymond.
Traiter l'écosystème dans lequel prolifèrent les cellules cancéreuses
Au CHUV, le professeur souhaite mettre en place le plus rapidement possible une approche originale - et complémentaire aux traitements par immunothérapie développés par le Prof. George Coukos - qui consiste à traiter l'écosystème dans lequel prolifèrent les cellules cancéreuses. «Concrètement, il s'agit de faire de la culture de tumeurs: prélever la lésion, la couper en tranches épaisses pour conserver son environnement et la placer sous perfusion. Il est possible de faire survivre une tumeur hors du corps durant une semaine, le temps de tester, ex vivo, des médicaments. Cinq jours de traitement suivis de cinq jours d'analyse: le patient peut se voir proposer une thérapie après dix jours seulement!»
Les cellules cancéreuses, explique encore le Prof. Raymond, asservissent leur milieu. Mais cela n'est possible que parce que le tissu de l'organe touché contient, au préalable, un certain nombre d'anomalies facilitantes. Traiter cet environnement et l'ensemble de l'écosystème permettra de détruire la tumeur et d'éviter les récidives.
«Il y a trois tactiques possibles pour combattre le cancer, comme à la guerre: manipuler les communications, dépêcher des agents toxiques ou mener un siège. Grâce à la pharmacologie moléculaire, on est capable d'éliminer un cancer en coupant ses communications, en ciblant les apports nutritifs des cellules cancéreuses, en attaquant son système génique, en réduisant ses apports vasculaires grâce aux inhibiteurs de l'angiogenèse et en stimulant l'immunité du patient.» De la «médecine intelligente», qui repose sur des médicaments ciblés.
La médecine, un métier de relation
Au niveau de la gestion du service, c'est à une métaphore musicale que fait appel le Prof. Raymond. «Je me vois volontiers comme un chef d'orchestre. Mon rôle n est pas de maîtriser tous les instruments mais de mettre tout le monde en scène pour que l'on joue en harmonie.»
Le Service d'oncologie médicale doit faire face à une augmentation de son activité. «Il s agit de le faire en maintenant la qualité des soins et en restant à l'écoute du ressenti des patients. Tout cela en préparant l'ouverture du nouveau centre Agora. Les défis et les attentes sont énormes. C'est bien pour cela que j'entends solidifier l'équipe médicale avant les travaux et le réaménagement. Bâtir une relation de confiance et de respect prend du temps, mais il s'agit de ma première priorité. Car s'il y a une chose que j'ai apprise sur mon métier, c'est bien l'importance du relationnel. La relation entre patients, soignants et chercheurs est la clé du succès.»