Hommes et femmes sont inégaux face aux troubles neuropsychiatriques d'origine génétique. C'est ce qu'a démontré Sébastien Jacquemont, professeur assistant de l'UNIL, médecin associé au Service de génétique médicale du CHUV. Comparé à celui de l'homme, le cerveau féminin tolérerait un plus grand nombre de mutations génétiques avant de présenter les symptômes de maladies neurodéveloppementales. Cette étude de grande envergure est à découvrir dans l'édition du 27 février 2014 de la revue "The American Journal of Human Genetics". Retour sur cette découverte surprenante.
30 à 50% de plus d'hommes touchés que de femmes
D'après l'Organisation mondiale de la santé (OMS), les maladies neuro-développementales affectent un enfant sur six dans les pays industrialisés. Ces pathologies incluent, entre autres, la déficience intellectuelle, les troubles spécifiques du langage, le syndrome d'hyperactivité avec déficit de l'attention, l'épilepsie et l'autisme. L'inégalité hommes-femmes face à ces troubles est bien connue, les hommes étant plus fréquemment touchés que les femmes. Des études épidémiologiques en milieux scolaires et médicaux spécialisés ont en effet montré qu'il y a 30 à 50% de plus d'hommes atteints de ces maladies que de femmes. Dans le cas des troubles du spectre autistique, on observe quatre garçons pour une fille diagnostiquée. Les filles seraient-elles mieux «protégées» que les garçons face à ces maladies? C'est ce qu'ont cherché à mettre en évidence Sébastien Jacquemont et ses collègues*.
Une preuve génétique
Récemment, des scientifiques ont montré que les femmes autistes présentaient plus de mutations génétiques par rapport aux hommes atteints de la même maladie. Pour avancer dans la compréhension de cette disparité hommes-femmes, Sébastien Jacquemont, en collaboration avec Evan Eichler de l'Université de Washington à Seattle, a comparé la fréquence des altérations génétiques chez environ 16'000 enfants atteints de maladies neuro-développementales. «Notre approche est une première de par son envergure, relève Sébastien Jacquemont. En effet, contrairement aux études précédentes, nous avons analysé différentes formes de mutations délétères pour le développement cérébral de l'enfant, et ce sur des cohortes de très grande taille. Nous avons également examiné les altérations transmises par les parents".
Pour cette étude, les chercheurs ont analysé des résultats obtenus par hybridation génomique comparative et séquençage de l'exome. La première technique permet d'étudier les mutations génétiques structurelles (délétions et duplications de fragments génomiques). Grâce à la deuxième méthode, il est possible de séquencer les parties codantes du génome, c'est-à-dire celles qui sont signifiantes, et de déterminer l'emplacement des variations. Les résultats sont étonnants: les chercheurs ont découvert la présence excessive d'altérations génétiques chez les jeunes filles malades par rapport aux garçons. Même constat chez un groupe d'enfants autistes: les filles possèdent jusqu'à trois fois plus de mutations. Mais la découverte ne s'arrête pas là: en étudiant l'origine parentale, les scientifiques ont remarqué qu'un grand nombre des mutations observées chez les jeunes patients sont héritées de la mère, alors que celle-ci ne présente que peu, voire aucun symptôme de la maladie. «Nous avons vraiment été surpris par les différences importantes observées entre filles et garçons», souligne le médecin.
Un «avantage biologique» sur le plan intellectuel pour les femmes?
Ces résultats suggèrent, sans pouvoir le démontrer formellement, que le cerveau féminin serait plus résilient face à un grand nombre d'atteintes génétiques qui affectent le développement cérébral. Cette «protection» constituerait-elle un avantage sur le plan intellectuel pour les femmes? «Le taux de réussite des femmes désormais majoritaires, dans les études supérieures, est de plus en plus important maintenant qu'il n'y a plus de barrière sociale. Alors pourquoi ne pas imaginer un facteur biologique dans cette réussite? Ceci reste cependant très spéculatif!», souligne le médecin. La recherche dans ce domaine a encore bien des secrets à nous livrer!