La compétition entre mâles et le choix des partenaires par les femelles constituent une force importante pour maintenir les capacités cognitives de ces messieurs, du moins chez la mouche. Telle est la conclusion d'une étude surprenante menée par Tadeusz Kawecki et Brian Hollis, au Département d'écologie et évolution (DEE) de l'UNIL. Les résultats sont à découvrir dans la revue «Proceedings of the Royal Society».
La sélection sexuelle, moteur de l'intelligence
Au cours de l'évolution, la sélection sexuelle a joué un rôle-clé dans le développement de parures et de moyens de combats chez beaucoup d'espèces animales. Toutefois, son rôle dans le développement des capacités cognitives - soit la capacité de générer, retenir et utiliser une information - demeurait jusqu'alors largement inexploré.
C'est précisément cette problématique que Tadeusz Kawecki et Brian Hollis, respectivement professeur associé et post-doctorant au Département d'écologie et évolution de l'UNIL, ont cherché à dénouer. «Partant du principe qu'une parade amoureuse implique de gérer des informations dans un environnement complexe et très compétitif, nous avons émis l'hypothèse que la sélection sexuelle contribue à l'évolution et à la maintenance des capacités cognitives chez les mâles», relate Tadeusz Kawecki.
Une monogamie forcée sur plus de 100 générations
Afin de tester leur hypothèse, les chercheurs ont utilisé pour modèle la mouche du vinaigre, Drosophila melanogaster. «Nous avons éliminé la sélection sexuelle sur plus de cent générations de mouches en appliquant une monogamie stricte et sans possibilité de choix de partenaire», détaille Brian Hollis. Sous ce régime monogame forcé, les capacités d'apprentissage des mâles ont diminué, un déficit évident dans le contexte de comportement de cour ainsi que dans l'apprentissage d'une odeur associée au danger. «Par contre, les capacités d'apprentissage des femelles n'indiquent aucune diminution pendant cent générations sous monogamie», renchérit le scientifique.
Grâce à leur étude, Tadeusz Kawecki et Brian Hollis ont pu démontrer l'importance de la sélection sexuelle dans l'évolution des capacités cognitives des drosophiles mâles. «La prochaine étape consistera à identifier les gènes responsables de ces différences cognitives», concluent les deux biologistes.