En souvenir de la Prof. Käthi Geering (4 août 1944 - 9 janvier 2015). Hommage écrit par Bernard Rossier, professeur honoraire au Département de pharmacologie et de toxicologie de l'UNIL.
«Käthi nous a quittés le 9 janvier 2015. Elle avait pris une retraite anticipée au printemps 2008 mais restait bien présente dans la vie du Département. Käthi aurait pu (dû) encore beaucoup nous apporter: son enthousiasme à partager ses connaissances, son expertise scientifique reconnue dans le monde entier, sa connaissance du monde et des gens, et surtout sa grande humanité. Qui n'aimait pas rencontrer Käthi dans les corridors et discuter de choses et d'autres? Combien d'étudiants, de post-docs et de collègues qui ne sont venus lui demander conseil dans son bureau où elle recevait chacun sans rendez-vous, son élégant fume-cigarette aux lèvres... Käthi était argovienne de naissance, bâloise par ses études, bilingue et multiculturelle par nature. Elle obtient son PhD en 1971 à l'Institut de Zoologie de Bâle. Au cours d'un premier post-doc à l'Institut Tropical de Bâle (1972-75), elle étudie le moustique Aedes aegypti, le moustique de la fièvre jaune, de la dengue et du Chikungunya... recherches qui, peut-être sont à l'origine de sa passion des voyages sous les tropiques en Afrique, en Asie et en Amérique. En 1971, elle "émigre" en Suisse romande à Monthey où son mari Jean-Marc, jeune pédiatre, travaille dans le service de pédiatrie de Claude Godard (le frère du cinéaste). Avec eux, elle publie une étude clinique sur la rénine chez le nouveau-né, un premier intérêt pour la physiologie rénale. Elle rejoint l'Institut de Pharmacologie (futur Département de pharmacologie et de toxicologie) le 1er décembre 1976 dans mon groupe de recherche qui se composait alors de trois personnes: Hans-Peter Gäggeler, Käthi et moi-même. C'est le début d'une fantastique aventure scientifique et d'une amitié de presque 40 ans. Les contributions scientifiques de Käthi sont considérables: elle fut la première à étudier l'assemblage de la sous-unité alpha et bêta de la Na,K-ATPase dans le réticulum endoplasmique, première aussi à identifier le rôle de la sous-unité bêta comme protéine-chaperon indispensable au transport et à l'activité de la Na,K-ATPase à la membrane plasmique, première enfin à préciser la fonction d'une famille de protéines appelées "FXYD" un acronyme ésotérique sans signification physiologique. Les caractéristiques du travail de Käthi sont la précision, la persévérance, la rigueur dans la poursuite d'une ligne de recherche sans jamais succomber aux charmes des modes scientifiques. Sur cette trajectoire scientifique limpide et linéaire se plaque une carrière académique non moins limpide et linéaire: Maître-assistante en 1979, Professeure assistante en 1981, Professeure associée en 1986, Professeure ordinaire en 2004. Au sein de la Faculté et de l'Université, elle s'est toujours engagée pour défendre la cause des femmes. Le pourcentage de femmes occupant des postes professoraux à l'UNIL reste faible: au moins Käthi pouvait se targuer que la parité était possible et l'exemple du DPT était là pour le démontrer!
Bien qu'elle ne l'ait jamais montré et qu'elle soit toujours restée très discrète sur sa vie privée, sa santé n'a pas toujours été un long fleuve tranquille. Elle avait déjà été gravement mise à mal à deux reprises, curieusement (et heureusement) alors qu'elle était au travail ce qui avait permis heureusement une prise en charge médicale rapide. Elle s'en était chaque fois remise remarquablement. Le dernier "assaut" de la maladie l'a prise par surprise: celle-ci a été très (trop) pénible, et douloureuse, elle l'emporta en quelques mois. Käthi a eu la très grande discrétion et la pudeur de ne partager ses souffrances qu'avec quelques intimes.
Lors du Symposium organisé en son honneur en 2006, peu avant sa retraite, et qui réunissait les meilleurs experts de son domaine, sa chère Na,K-ATPase et ses FXYD protéines, j'avais proposé un nouvel FXYD acronyme pour Käthi:
C'est vrai, Käthi tu étais une scientifique exceptionnelle, une amie fidèle, une remarquable enseignante et une mentor appréciée par des générations d'étudiants pré- et post-gradués et nous ne t'oublierons pas...»
Bernard Rossier
Professeur honoraire
Département de pharmacologie et de toxicologie