Une collaboration entre les groupes de recherche de la Prof. Kim Do Cuénod, professeure associée à la FBM et cheffe de service du Centre de neurosciences psychiatriques (CNP) du CHUV et du Prof. Takao Hensch de l'Université de Harvard fait émerger un nouveau concept dans la recherche neurobiologique sur la schizophrénie. Cette maladie pourrait être liée à une perturbation des périodes critiques de développement du cerveau qui entraîne une altération de la plasticité synaptique. Une régulation des oxydations du cerveau permettrait d'y remédier. Un article publié en janvier 2015 dans la revue «Biological Psychiatry» fait état de leurs travaux.
Du côté du CNP avec la Prof. Kim Do Cuénod et le Dr Jan-Harry Cabungcal
Le groupe de recherche du CNP a montré que la dérégulation des oxydations du cerveau est impliquée dans la genèse de la schizophrénie. Cette dérégulation a des conséquences au niveau de certaines cellules du système nerveux. La Prof. K. Do Cuénod explique «cette dérégulation entrave le développement normal et la maturation complète des neurones à parvalbumine et des cellules responsables de la formation de la myéline. Ces deux mécanismes cellulaires sont précisément ceux qui sont responsables du déclenchement et de la fermeture des périodes critiques».
Le groupe de recherche du Prof. Takao Hensch (Dr Hirofumi Morishita) de l'Université de Harvard
Ce groupe est spécialisé dans la biologie des périodes critiques du développement du cerveau pendant lesquelles le vécu de l'homme ou de l'animal (influences extérieures) modifient les connections nerveuses de manière permanente. Ces périodes se produisent à différents stades du développement du cerveau, selon qu'elles concernent un système sensoriel (auditif, visuel, tactile, gustatif) ou des fonctions cognitives complexes telles que le langage. Les mécanismes opérant le déclenchement et la fermeture de ces périodes critiques sont connus. Ils impliquent, entre autre, un type de neurones inhibiteurs dit «à parvalbumine» dont le développement est nécessaire pour débuter et, après maturation complète du neurone, clore une période critique. La formation de myéline, gaine qui protège les fibres nerveuses, est également liée à la fermeture d'un cycle.
Une solution trouvée dans le stress oxydatif
La mise en commun des résultats de ces projets de recherche a conduit à la proposition qu'un des mécanismes à la base de la schizophrénie pourrait être une perturbation des périodes critiques du développement du cerveau: un décalage dans le déclenchement des périodes et une fermeture incomplète de celles-ci, qui entraînent une plasticité synaptique altérée/prolongée pouvant causer les désorganisations que l'on observe chez les patients atteints de la schizophrénie. La recherche publiée récemment a permis de montrer que, chez la souris, le stress oxydatif empêche la maturation des neurones à parvalbumine et prévient la fermeture de la période qui est critique pour le système visuel. En spéculant, on pourrait généraliser cette observation à d'autres domaines sensoriels, cognitifs, affectifs ou sociaux. De telles prolongations des périodes critiques pourraient ouvrir la voie à des interventions cognitives visant l'amélioration de la plasticité synaptique et la prévention des troubles du spectre de la schizophrénie.
Cette étude a été réalisée dans le cadre du Pôle de recherche national Synapsy et bénéficie du soutien de la Fondation Alamaya.