Niko Geldner, professeur associé au Département de biologie moléculaire végétale (DBMV) de l'UNIL, et son équipe sont parvenus à révéler comment naissent les nouvelles racines en se frayant un chemin au travers des cellules de la racine mère. Malgré l'importante structure au niveau des racines de la plante leur conférant ainsi étanchéité et protection contre les pathogènes, les cellules de la racine mère sont capables de se déformer et de diminuer leur volume pour permettre la sortie des jeunes racines. Cette découverte étonnante est publiée dans l'édition du 10 janvier 2014 de "Science" et fait même la couverture de la prestigieuse revue scientifique.
Une naissance à hauts risques
Les plantes explorent le sol à la recherche de nutriments grâce à leurs racines. Pour ce faire, la racine primaire se ramifie en un grand nombre de racines secondaires. Ces nouvelles racines se forment à l'intérieur de la racine mère et doivent traverser les différentes couches constituant la racine primaire pour émerger.
L'endoderme, la couche cellulaire profonde de la racine mère en contact direct avec la racine latérale naissante, est d'une importance capitale pour la plante. L'équipe du Prof. Niko Geldner a en effet découvert les protéines formant les «cadres de Caspary», sortes de micro-filets qui entourent l'endoderme et confèrent aux racines leur étanchéité, tout en les protégeant contre les pathogènes. Cette avancée a valu au professeur lausannois deux publications dans les prestigieuses revues Nature (mai 2011) et Cell (mars 2013). Le bon déroulement de la «naissance» d'une racine latérale est donc critique pour la plante. En effet, une simple ouverture des couches protectrices de la racine mère représente un «talon d'Achille» pour la plante face aux pathogènes.
Un processus complexe mêlant perception, communication et adaptation
Comment la plante procède-t-elle pour laisser émerger la nouvelle racine tout en conservant l'étanchéité de la racine mère? C'est ce qu'a voulu comprendre le groupe de Niko Geldner. Grâce à l'utilisation de plantes transgéniques du type Arabette des dames (Arabidopsis thaliana) et de techniques avancées de marquage des différentes couches de l'endoderme de la racine mère, les chercheurs ont démontré que la naissance d'une racine n'est pas un simple processus de rupture mécanique des cellules de la racine primaire. En effet, celles-ci doivent non seulement percevoir la racine en formation de manière précoce, mais aussi digérer leurs propres parois pour faciliter l'émergence de la nouvelle racine.
Dans la revue Science de janvier, l'équipe de Niko Geldner décrit pour la première fois les réarrangements dramatiques qu'une cellule endodermale vivante met en place pour permettre la croissance d'une racine latérale. D'une façon remarquable, l'endoderme se déforme et perd une grande partie de son volume, tout en restant vivant. «A notre grande surprise, relève Niko Geldner, lorsque nous bloquons la capacité de l'endoderme à percevoir une racine latérale naissante et à perdre son volume, toutes les premières étapes de la formation d'une nouvelle racine sont supprimées».
Vers le développement contrôlé de nouvelles racines?
Ces résultats impressionnants illustrent l'importance d'une adaptation entre cellules voisines pour la formation de nouveaux organes. «Ce processus pourrait avoir lieu dans de nombreuses situations comme la symbiose entre plantes et microorganismes du sol ou l'entrée du pollen dans les fleurs lors de leur fertilisation», ajoute Niko Geldner. Ces recherches ouvrent également de nouvelles perspectives pour la botanique et l'agriculture, par exemple pour la culture de plantes dans des milieux pauvres ou secs en contrôlant le développement de nouvelles racines.