Projet, résultats, enseignements

Le contexte | Le projet | Déroulement | Résultats | Conclusions et perspectives
 

Le contexte

L’agriculture assure des fonctions essentielles liées à l’approvisionnement alimentaire, la protection de l’environnement, l’économie locale ou le développement du territoire.

Mais l’avenir de l’agriculture – et des paysages qu’elle produit et entretient – est aujourd’hui fragili-sé. Les principes d’une agriculture associée à la défense nationale et tournée vers l’approvisionnement du pays ont été remis en cause dès le début des années 1990 en Suisse. Avec la nouvelle politique agricole, confirmée dans la loi sur l’agriculture de 1998, l’aide de la Confédération est revue. Les prix des productions et les garanties à l’écoulement sont réorientés vers les paiements directs et l’objectif est de rendre les exploitations plus concurrentielles sur le marché international et de faciliter la réalisation d’activités accessoires.

Les effets de ces changements sont considérables. A une agriculture monofonctionnelle, orientée sur la production alimentaire, succède une agriculture multifonctionnelle qui doit à la fois garantir l’approvisionnement des populations, conserver les ressources naturelles, entretenir les paysages, occuper le territoire rural et s’assurer du bien être des animaux. Les profils des agriculteurs changent comme leurs pratiques. Le nombre des exploitations agricoles diminue fortement dans le canton de Vaud et est passé de 11'070 en 1960 à 4’259 en 2010. Ces changements ont des impacts sur le terri-toire et sur le paysage.

Si l’agriculture est fragilisée, elle est aussi présentée, de façon presque paradoxale, comme un enjeu fondamental dans un futur qui semble de plus en plus incertain. L’augmentation de la population mondiale, les crises alimentaires pressenties tant sur les plans quantitatif que qualitatif, la diminu-tion de la disponibilité des ressources naturelles, l’augmentation du prix des facteurs énergétiques, les changements climatiques et la pollution de l’environnement sont autant de préoccupations ma-jeures pour nos sociétés. Elles posent la question de l’avenir de l’agriculture et l’invitent à se réinven-ter. Des nouvelles approches, des nouveaux partenariats, des nouvelles fonctions sont en plein déve-loppement : de l’agriculture contractuelle de proximité au concept de « vertical farming », en pas-sant par la production non alimentaire (agrocarburants par exemple), sans oublier l’agriculture de loisir ou l’agriculture sociale ou éducative (réinsertion de chômeurs longue durée, école à la ferme).

Tous ces bouleversements vont entrainer des modifications des profils des agriculteurs, de leurs pra-tiques, de leurs productions. Ces modifications sont encore mal connues et engendrent des craintes liées notamment à la préservation de la nature et des paysages, à la mobilité et aux usages du sol.

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Le projet

Le projet Vaud 2030 s’est inscrit dans un contexte d’incertitudes autour de l’agriculture. Il a pris la forme d’une plateforme de reflexion et de prospective qui visait à explorer les interrogations suivantes : Quelle a été l’évolution de l’agriculture vaudoise ? Quels sont les facteurs d’influence sur celle-ci ? A quoi pourrait ressembler l’agriculture vaudoise en 2030 et le territoire qu’elle génère ? Quelle est la vision que le monde agricole et la société civile souhaitent (ou ne souhaitent pas) pour l’agriculture en 2030 ?

L’ensemble de la démarche a été réalisé par une équipe de travail associant des chercheurs de l’Université de Lausanne, des collaborateurs d’Agridea et de Prométerre (des associations qui accompagnent au plus près les agriculteurs ou leurs partenaires), des représentants des services cantonaux vaudois (agriculture, aménagement du territoire), ainsi qu’une vingtaine d’experts de secteurs touchés par l’agriculture (protection de la nature, association de consommateurs, etc.). Le projet a aussi bénéficié de l’apport ponctuel de personnes issues du programme BNF (programme fédéral du chômage pour la réinsertion des chômeurs hautement qualifiés). Afin de faciliter la collaboration entre ces acteurs, des méthodes participatives ont été mises en place avec le soutien de la Communauté d’études pour l’aménagement du territoire (CEAT).

Le projet a permis d’élaborer de façon collective un état des lieux de l’agriculture vaudoise, d’identifier les facteurs qui transforment l’agriculture et de proposer quatre scénarios d’avenir pour l’agriculture vaudoise et ses territoires. Ces différents éléments ont été valorisés sous diverses formes, notamment à travers un film documentaire et une exposition interactive sur internet (www.vaud2030.ch).

Grâce au projet Vaud 2030, chercheurs, milieux agricoles et société́ civile ont pu débattre la question agricole. Le projet a également permis d’analyser les attentes et les souhaits des différents acteurs sur le futur de l’agriculture et il est aujourd’hui reconnu comme un instrument de réflexion de pros-pective servant de référence pour les milieux agricoles et d’aménagement du territoire.

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Déroulement

La première phase du projet (janvier 2010 - mars 2011) a eu pour objectif d’établir une définition commune de ce qu’est une exploitation agricole et de définir le schéma du système étudié. Sur cette base, un état des lieux de l’agriculture vaudoise a permis d’identifier les évolutions passées notamment en terme de profils des agriculteurs, de types d’exploitations et de productions dans les différentes régions agricoles vaudoises pour les années 1960, 1990 et 2010. Nous avons aussi cherché a identifier les impacts de l’évolution de l’agriculture sur le territoire et de celui-ci (urbanisation, développement des loisirs, etc.) sur l’agriculture. Ce travail s’est effectué de manière collaborative entre les différents partenaires du projet et sur la base de données iconographiques et statistiques. En parallèle, nous avons réalisé un film intitulé « Agriculteurs malgré tout » en partenariat avec la réalisatrice Mélanie Pitteloud. Le film présente cinq portraits d’agriculteurs ayant développé des stratégies différentes pour permettre à leur exploitation de survivre, comme par exemple l’agriculture contractuelle de proximité, la transformation, les labels, l’école à la ferme ou la production de bio-gaz. L’objectif était de faire ressortir la diversité des profils et des stratégies des agriculteurs ainsi que des territoires agricoles vaudois.

Lors de la seconde phase du projet (mars 2011 - juillet 2012), des scénarios de prospective ont été élaborés afin de susciter le débat autour de l’avenir de l’agriculture. Pour cela, le groupe de travail a procédé à une étude de la littérature existante pour définir une série de variables clés susceptibles d’influencer l’agriculture (par exemple le contexte économique, la politique agricole ou les comportements des consommateurs). Nous avons ensuite proposé des évolutions contrastées pour chacune de ces variables. Sur cette base, des scénarios ont été élaborés de manière participative, lors d’un workshop d’une journée réunissant 20 spécialistes des enjeux agricoles vaudois (milieux économiques, associatifs, pouvoirs publics).

Les quatre scénarios issus de ce travail prospectif et participatif ont ensuite été présentés au travers d’une exposition virtuelle (www.vaud2013.ch) qui permettait de naviguer du passé de l’agriculture vaudoise au présent, de se rendre dans le futur, ainsi que de voter pour son scénario préféré. Un stand mobile permettant de visiter l’exposition virtuelle et de visualiser le film a été construit. Un catalogue d’exposition a également été édité afin de présenter à un public plus large l’état des lieux élaboré dans la première phase du projet et les scénarios.

La troisième phase du projet (septembre 2012 - février 2013) a été marquée par l’organisation de débats avec les milieux agricoles et la société civile sur la question du futur de l’agriculture vaudoise. Une série de cinq tables rondes a été organisée dans le canton (Morges, Château d’Oex, Moudon, Vallorbe, Lausanne) et les scénarios ont été présentés à de nombreuses reprises, notamment lors d’assemblées générales de milieux proches de l’agriculture. Ces débats, ainsi que les votes sur les scénarios récoltés sur le site web Vaud 2030, ont permis de faire ressortir les visions et les positions des différents acteurs.

En parallèle à ces débats, nous avons diffusé les résultats de notre démarche de prospective auprès des milieux agricoles afin qu’ils puissent être connus et utilisés par la suite.

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Résultats

Le projet Vaud 2030 a permis de livrer de nombreux enseignements sur la situation passée, actuelle et future de l’agriculture vaudoise et de ses territoires :

  • Il a notamment permis de confronter les représentations des différents partenaires autour de l’agriculture, puis d’élaborer une définition commune de l’exploitation agricole comme des moyens de production (machines, bâtiments, etc.), une organisation (main d’œuvre familiale ou externe, collaborations avec d’autres agriculteurs), des activités agricoles (productions, diversification) et non agricoles.
     
  • L’état des lieux a permis de synthétiser les caractéristiques générales de l’agriculture vaudoise en 1960, 1990 et 2010, d’identifier les modes de production, de commercialisation et d’organisation du travail ainsi que de définir la part des différentes branches de production. Nous avons identifié et documenté les variables clés qui influencent l’agriculture vaudoise telles que la politique agricole, le marché (prix des produits alimentaires, comportement des consommateurs, stratégie de commercialisation), les autres politiques (aménagement du territoire, protection de l’environnement), l’énergie, les possibilités techniques, les changements climatiques, les taux d’intérêts, les conflits d’usages et la pression sur les surfaces agricoles.
     
  • La démarche de prospective a permis d’élaborer quatre scénarios très contrastés : un scénario qui poursuit la tendance actuelle (si rien ne bouge), un scénario de libéralisation poussée de l’agriculture (VaudMC), un scénario de souveraineté alimentaire (Superstar) et un scénario de crise (Wattlen).
     
  • Les cinq tables rondes et les votes des visiteurs sur le site internet Vaud 2030 ont permis d’identifier des dynamiques autour du futur de l’agriculture . Les résultats font ressortir la volonté forte de soutenir l’agriculture vaudoise à travers le développement de liens entre producteurs et consommateurs et de l’augmentation de l’autonomie alimentaire. Ils ont aus-si mis en exergue la le rejet du scénario VaudMC, qui est le plus proche de la politique agricole actuelle. Cela a confirmé l’écart entre la vision au niveau fédéral qui vise une libéralisation de l’agriculture et une vision cantonale ou communale qui est plus proche des principes de souveraineté alimentaire. Les débats ont fortement fait ressortir la méconnaissance des problématiques agricoles de la part des consommateurs et l’envie de se reconnecter à l’agriculture. Ils ont permis de mettre en avant l’idée que l’agriculteur est une catégorie socio-professionnelle en crise qui est d’accord de s’auto-exploiter (en travaillant plus tout en gagnant moins que les autres catégories socioprofessionnelles), sous réserve qu’il puisse garder des marges de manœuvre importantes pour décider de l’avenir de son exploitation dédiée à la production des denrées alimentaires ou des ressources énergétiques plutôt que des services en faveur du paysage ou de la biodiversité. Les débats ont aussi confirmé le sentiment d’incertitude du lendemain et de crise qui était apparu dans les rapports préliminaires du programme VEI.

Ces différents enseignements ont permis de nourrir une thèse de doctorat sur l’agriculture urbaine qui a été réalisée en parallèle à ce projet et qui visait notamment à explorer la relation entre agriculture et ville.

La volonté d’utiliser le projet comme outil de débat a stimulé la mise en place de mesures de communication originales comme le film « Agriculteurs malgré tout », le site web de l’exposition virtuelle, le catalogue d’exposition ou le stand mobile.

Le projet Vaud 2030 a aussi permis de développer des méthodologies de prospective participatives inédites qui ont été réutilisées par certains partenaires. Plus largement, il a permis de développer des connaissances sur les freins (les représentations, les priorités, la perception du risque, etc.) et les moteurs (les perspectives nouvelles, les financements, les collaborations par la suite, etc.) d’une recherche-action.

Le projet a également contribué au développement des compétences de l’Institut de géographie et durabilité en matière d’agriculture urbaine. Celles-ci ont pu être affirmées par le biais de deux actions distinctes pilotées par Dr Joëlle Salomon Cavin : l’accueil de l’exposition Carrot City et la participation à l’action COST TU Urban Agriculture qui assure le financement substantiel d’une seconde thèse de doctorat (Cyril Mummenthaler).

Pour finir, la démarche mise en œuvre dans le projet Vaud 2030 a été reconnue comme base de travail lors de l’établissement de stratégies pour le développement territorial. L’équipe de Vaud 2030 a par ailleurs participé à l’appel d’offres avec ses partenaires Agridéa et Prometerre pour le volet agricole du schéma directeur du nord lausannois et a été retenue. Les chercheurs de l’UNIL ont apporté leur expertise de façon ponctuelle tout au long du processus du schéma, finalisé en été 2015.

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Conclusions et perspectives

Le démarrage de ce projet de recherche-action a été difficile. Il a fallu du temps pour instaurer une collaboration entre les chercheurs et les partenaires de la société notamment en raison des conceptions diverses que ceux-ci avaient de l’agriculture, de leurs priorités et du temps à disposition. La recherche-action est un processus lent, mais qui présente les avantages de permettre d’arriver à des résultats de recherche robustes (car validés par les différents partenaires), de faciliter la valorisation du projet (grâce aux réseaux des partenaires) et de favoriser sa réutilisation par les différentes parties prenantes. Dans le cas de Vaud 2030, les partenaires agricoles ont ainsi repris à leur compte les résultats des travaux et les utilisent dans leur cadre.

De manière générale, le projet a permis de positionner l’UNIL comme un centre d’expertise sur la question agricole et de légitimer cette position dans les milieux agricoles. Il a aussi permis de développer des méthodologies en termes de prospective et de participation qui pourront être mobilisées dans d’autres projets. Les chercheurs de Vaud 2030 ont ainsi été sollicités à plusieurs reprises pour aider à la mise en place de ce type de démarche par d’autres chercheurs ou étudiants.

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