Marina Berts, étudiante à l’UNIL, malentendante et orientée "solutions"

Portrait

Marina Berts a obtenu un Master à Helsinki en anglais, français et langues et littératures scandinaves et a obtenu un deuxième Master en humanités numériques à l’UNIL en juillet 2022. La société est en train de changer et ce nouveau Master lui a donné l’occasion d’étudier les humanités différemment, dans un domaine en pleine expansion. Elle collabore à un projet de recherche de la section d’anglais pendant 6 mois avant de commencer un doctorat autour du thème des ‘pauper letters’ dès le semestre de printemps 2023. Le titre de sa thèse est « Late Modern English language use across gender and class : a historical sociolinguistic investigation ».

Marina est malentendante et appareillée des deux côtés depuis quelques années. Actuellement, elle développe des stratégies d’écoute dans le cadre de ses études. Pour elle, il est judicieux d’aller voir les salles de cours à l’avance pour en estimer l’acoustique. C’est toujours un peu l’inconnu, c’est toujours un peu l’improvisation, car l’acoustique change beaucoup en fonction de ce qu’on fait dans une salle, de la quantité de personnes qui y sont ou si l’on fait des exercices en petits groupes. Les salles qui sont équipées de micros sont idéales pour Marina.

Avant le début de ses études, Marina est allée voir la personne responsable du handicap dans sa Faculté. Cette dernière lui a conseillé d’aller au cours et de discuter de la situation avec les enseignant·e·s. Le conseil s’est avéré utile - les enseignant·e·s ont presque toutes et tous été très accueillant·e·s et prêt·e·s à aider, et le début des études s’est très bien passé. Quand un problème se présente, Marina va donc voir l’enseignant·e pour en discuter. Pour chaque situation difficile, il y a une solution !

La malentendance est un handicap très discret, donc difficile à détecter spontanément et aussi à garder à l’esprit. Dans une toute petite salle, si les étudiant·e·s travaillent en petits groupes, cela produit un brouhaha considérable et, pour un·e malentendant·e, il est alors parfois difficile de distinguer le discours d’une personne en particulier. Le résultat peut alors être un sentiment d’exclusion ou un manque de participation. Si la salle est plus grande et que le son est plus diffusé, cela peut être un avantage. Mais dans une telle salle, il peut aussi y avoir des échos ou le son peut tout simplement se ‘perdre’. Il est important de savoir que les appareils auditifs portés par les malentendant·e·s renforcent tous les sons, qu’il s’agisse d’une voix, d’un grincement d’une chaise ou des vrombissements des voitures sur l’autoroute. Par conséquent, l’appareillage n’assure pas une compréhension parfaite de la parole dans certaines situations.

Parfois, même si les enseignant·e·s ont déjà été averti·e·s, elles et ils oublient de parler clairement ou en direction des étudiant·e·s. Il est aussi important de savoir que les appareils auditifs vont chercher le son depuis l’avant et non depuis l’arrière. Si Marina est assise au premier rang - ce qui est utile pour bien comprendre l’enseignant·e -, elle n’entend pas forcément les avis des étudiant·e·s assis·e·s derrière elle. De plus, les voix de femmes sont plus difficiles à capter car moins assurées, moins fortes, moins appuyées. Même en augmentant le son de ses appareils au maximum, Marina n’entend parfois pas les voix féminines. Les messieurs ont plutôt tendance à se toucher la barbe (même s’ils n’en ont pas!), geste très habituel, ce qui empêche le son d’être bien distribué dans l’espace.

C’est gênant pour Marina de devoir revenir sur le sujet de la malentendance. En effet, c’est embarrassant de répéter à quelqu’un de parler plus fort, de ne pas mettre sa main devant la bouche ou de ne pas caresser sa barbe. Nous avons toutes et tous nos tics et nos habitudes lorsque nous parlons, et Marina a parfois l’impression de toucher à quelque chose de très personnel en formulant ses demandes. Il est donc essentiel pour elle de faire preuve d’adaptation, puisqu’il n’est pas possible de constamment évoluer dans des situations optimales. Comme cela fait relativement longtemps que Marina est malentendante, elle a pris l’habitude de reconstruire le contexte à partir de quelques mots ou phrases lorsque c’est nécessaire. Elle peut aussi s’aider de la lecture labiale même si elle n’en est pas spécialiste.

Marina, quels conseils donneriez-vous aux étudiant·e·s malentendant·e·s?

  • contacter les enseignant·e·s avant le début des cours pour leur faire part de la situation et leur expliquer les difficultés rencontrées
  • demander de l’aide supplémentaire si nécessaire
  • ne pas hésiter à parler de ses difficultés après le premier cours
  • ne pas hésiter à s’asseoir au premier rang
  • tester des places différentes dans l’auditoire si la compréhension est difficile, car parfois le son est meilleur tout en haut ou tout derrière, surtout lorsque l’enseignant·e utilise un micro
  • participer aux rencontres sur le handicap organisées par l’UNIL où il est possible de rencontrer le personnel en charge des étudiant·e·s en situation de handicap ainsi que d’autres étudiant·e·s concerné·e·s. Cela permet de découvrir qu’il y a des outils à dispositions: micro-cravatte, boucles magnétiques dans les auditoires, système de mallette portative pour les salles qui ne sont pas équipées de boucles magnétiques.

Quelles recommandations feriez-vous aux enseignant·e·s et aux membres du personnel de l’UNIL?

  • il n’y a aucune raison d’avoir peur lorsqu’une personne malentendante vous contacte – elle a en général l’habitude de se débrouiller
  • ne pas être sur la défensive parce que vous ne connaissez pas le handicap ou que vous ne savez pas quoi faire – ensemble, avec la personne malentendante, il est toujours possible de trouver des solutions
  • dialoguer et se mettre d’accord avec l’étudiant·e, sans préjugés
  • en classe, parler clairement et avec appui tout en faisant face aux étudiant·e·s
  • éviter de se tourner de droite et de gauche ou de marcher de long en large
  • quand des étudiant·e·s parlent à voix basse, leur demander de parler plus fort
  • ne pas surarticuler car cela devient caricatural et met mal à l’aise
  • quand l’étudiant·e malentendant·e n’a pas compris, ne pas répéter exactement la même chose avec les mêmes mots, mais reformuler, notamment quand il y a du bruit qui peut couvrir la parole (travail en groupes, autoroute toute proche etc.)

Marina est reconnaissante de tout ce qui est mis sur pied par l’Université. Il y a des personnes qui sont là pour soutenir la personne en situation de handicap, pour réfléchir et trouver ensemble des solutions, et ça, c’est réellement fantastique !

Interview réalisé par Nathalie Janz, adjointe à la Direction pour les Affaires étudiantes et responsable du services aux étudiants en situation de handicap

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Marina Berts, étudiante à l’UNIL
© Felix Imhof

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