David Finkelhor : Explaining Declines in Youth Delinquency, Violence and Risk Taking

Avec le Service de protection de la jeunesse (Vaud), le CAN-Team du CHUV et la Haute école de travail social de Lucerne, nous avons eu le plaisir d'organiser le 9 mai 2016 la conférence suivante:

En analysant l'évolution des chiffres sur les violences liées aux jeunes aux Etats-Unis et en Europe, le Prof. David Finkelhor ne cache pas son enthousiasme. Les taux de prévalence en matière de violences et d'abus chez les mineur·e·s ont en effet observé de nettes diminutions depuis les années 1990, et ce, presque dans l'ignorance générale.

David_First Choice_High Res.jpgLa méfiance à l'égard des jeunes, ou juvenoia comme D. Finkelhor l'appelle, ne date pas d'aujourd'hui. Ces peurs liées à la jeunesse, et notamment à sa présumée trop grande sensibilité aux changements sociétaux, a marqué de nombreuses générations. L'idée que les jeunes manquent de sérieux, font preuve d'égoïsme, d'extrémisme, ou de dépravation sexuelle – et que ces tares sont actuellement aggravées par le développement des médias numériques – n'est pas vérifiée par les statistiques sur la criminalité des jeunes et envers les enfants et les jeunes.

Au travers d'une quarantaine de graphiques relatant les résultats
d'études* principalement américaines, mais aussi anglaises, allemandes, finlandaises et des comparaisons internationales, le sociologue a démontré à son audience le déclin des violences juvéniles. Depuis les années 1990, beaucoup de formes de délinquance (vols, coups et blessures, harcèlements, viols), de victimisation (abus sexuels, maltraitance physique), d’automutilations (suicide) et de conduites à risque (consommation d'alcool et de drogues, grossesse adolescente) ont en effet reculé. Par exemple, aux USA entre les années 1990 et les années 2010, la criminalité des 10-17 ans a diminué de 60% et le nombre de viols commis par la même tranche d'âge a chuté de 72%. La victimisation à l'école a diminué de 74%, les abus sexuels ont reculé de 62% et les maltraitances physique de 54%.

Comment expliquer ces tendances, qui ne manquent pas de bousculer les idées reçues? Et pourquoi les chiffres plongent dès les années 1990? D'après D. Finkelhor, les explications ne devraient pas être cherchées auprès de facteurs économiques (comme la crise de 2008), géographiques (variations d'une région à l'autre), ethniques ou encore familiaux (reconfigurations familiales).

En revanche, davantage d'attention devrait être portée aux effets bénéfiques des mesures de prévention et d'intervention développées ces dernières décennies, et ceci notamment grâce à leur réorientation vers les théories psychologiques de l'apprentissage et de la transmission des compétence, ainsi que par l'évaluation scientifique de leur efficacité. Le recours aux psychotropes joue également un rôle dans l'amélioration de la situation, notamment en encourageant certaines personnes à recourir à un soutien psychosocial. Une démarche qui, auparavant, était considérée comme stigmatisante.L'essor des technologies numériques a aussi des effets protecteurs, en fournissant des moyens efficaces d'appel à l'aide (téléphone portable), de sécurité (vidéo-surveillance) et une occupation pour les jeunes délinquant·e·s en puissance. En ce qui concerne la modification de la structure familiale, par la réduction de sa taille et le retardement de la naissance du premier enfant, elle devrait davantage être considérée comme positive que problématique. Autre hypothèse surprenante avancée par le conférencier : la suppression du plomb dans l'essence et la peinture. La recherche a en effet identifié cette substance comme favorisant les comportements agressifs. Enfin, en ce qui concerne les jeunes issus de l'immigration, la grande majorité d'entre eux sont plus motivés par l'envie de tirer profit de la migration de leurs parents (en s'investissant dans leur formation), que de glisser vers la délinquance, comme les tabloïdes aiment à le souligner.

Pourquoi alors sommes-nous passés à côté de ce spectaculaire déclin de la criminalité et de la victimisation des jeunes? Une première explication pourrait être liée au fait qu'un·e professionnel·le, par la qualité de son travail, traite tout au long de sa carrière un nombre croissant de cas problématiques. Cette expérience personnelle influencerait négativement sa perception de l'état général de la situation. Deuxièmement, certain·e·s craignent que si l'on ébruite trop la diminution d'un problème, les acteurs politiques risqueraient de s'y désintéresser et de fermer les vannes du financement. Au contraire, démontrer que les investissements passés ont des effets positifs, ne peut que motiver les politiques à les renouveler. Les professonnel·le·s devraient donc se féliciter du travail réalisé et en aucun cas renoncer aux démarches fructueuses mises en place.

Lors de la discussion qui a suivi la présentation, des participant·e·s disent avoir également observé un déclin de la violence sur/chez les jeunes en Suisse. Quelques voix critiques se sont en revanche élevées contre une psychiatrisation et une médicalisation croissante des enfants et des jeunes. Par exemple, la prescription de Ritaline peut faire taire certains troubles du comportement, qui en fait, témoignent de souffrances et d'abus.

Par Camille Sigg

 

David Finkelhor est professeur de sociologie à l’Université du New Hampshire et directeur du Crimes against Children Research Center. Il conduit des recherches sur la victimisation d’enfants depuis plus de trente ans et est reconnu comme l’un des expert mondial dans ce domaine.

* USA: National Crime Victimization Survey; National Institute on Drug Abuse; Centers for Disease Control and Prevention, Youth Risk Behavior Sruvey; National Child Abuse and Neglect Data System; National Surve of Family Growth, State Missing Children's Clearinghouse Data; Child Trends Databank.
Royaume-Uni: Youth Justice Statistics; Criminal Justice Statistics on England and Wales; Health & Social Care Information Center; Crime Survey for England and Wales (Office for National Statistics); Health Behavior in School-aged Children (HBSC England National Report, WHO); National Survey of Sexual Attitudes and Lifestyles; Public Health England.
Allemagne: Police Crime Statistics; Posch & Bieneck (2016).
Finlande: Laaksonen et al. (2011).
Comparaisons internationales: Pickett, Molcho, Elgar et al. (2013); World Development Indicator database; HBSC report; WHO Health for All database.

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