Projet urbain et planification stratégique

Voici venu le temps de la ville négociée, participative et régulée. Depuis quelques années, elle surgit progressivement autour des planifications multiples cristallisant des conflits et des collaborations, des aspirations à une meilleure qualité urbaine, mais aussi de nouvelles exigences en matière de gouvernance. La notion de projet y occupe désormais une place centrale ; renvoyant autant à un travail d’énonciation de stratégies de transformation de différents périmètres urbains, qu’à une mise en opérations immobilières, architecturales ou de qualification des espaces publics nécessitant l’organisation de scènes de débat et de décision accueillant les différents protagonistes de la fabrique urbaine. À ce titre les élus peuvent s’en saisir pour véritablement organiser le débat public ou au contraire s’en tenir à une simple consultation à caractère informatif des groupes d’usagers directement concernés par le projet. La recherche urbaine évalue depuis quelques décennies les changements importants des modes de faire la ville et d’organiser sa gouvernance entre planifications, cadres normatifs et réglementaires et projets participatifs.

 

On a parfois opposé le projet au plan. Le projet serait ainsi plus proche des contraintes opérationnelles et laisserait une place plus importante à la négociation avec les acteurs privés (Novarina, 2003). Ainsi, se serait développé à partir des années 1980 ce qui est appelé, un « urbanisme par projet » (Dente et al., 1990) où il ne s’agirait plus de produire une vision d’ensemble assurant une cohérence globale au développement urbain. La défense du projet contre le plan conduirait à privilégier la partie par rapport au tout. La ville étant impossible à organiser et gérer dans sa globalité, les urbanistes se concentrent alors sur quelques fragments urbains qui la composent, quelques « projets-objets » (Pinson, 2009 : p.159), à savoir des grandes opérations urbaines sur des quartiers circonscrits, structurées à partir de la réalisation d’équipements de prestige, issues d’un partenariat public-privé à partir d’une importante opportunité foncière ou un site industriel en friches à reconquérir. Ainsi, d’une logique de contrôle et de maîtrise d’ensemble, les politiques urbaines auraient glissé progressivement vers une logique de développement et de croissance en des secteurs particuliers.

 

Le projet urbain représente sans doute un outil d’urbanisme plus opérationnel, souple et flexible, qui a la capacité de concrétiser en un même point du territoire toutes les étapes qui constituaient jusque-là le processus de planification traditionnelle : la définition des objectifs économiques et sociaux (types d’entreprises, nombre et types de logements, équipements et services proposés, etc.), leur retranscription spatiale simultanée (forme et structure urbaine, implantation du bâti, structuration des espaces publics, organisation du réseau viaire, etc.), et enfin, la mobilisation des ressources nécessaires aux réalisations opérationnelles par tranches successives (financements publics et privés, droits à construire, ingénierie technique, etc.). Les dynamiques de projection à long terme, de traduction spatiale et de réalisations opérationnelles se déroulent simultanément en un même lieu circonscrit. Cependant, l’idée de projet ne remet pas en cause l’idée de planification. Au contraire, c’est la multiplication des initiatives localisées, qui la rend indispensable comme outil de cadrage à long terme et d’articulation des échelles. Mais pour être le support et l’horizon collectif des projets urbains, la planification suppose une itération et des ajustements permanents entre les acteurs concernés : maîtrise d’ouvrage urbaine, maîtrise d’oeuvre, maîtrise d’usage et de gestions des espaces. C’est le rôle de la gouvernance participative de créer des scènes de débats et de décisions ajustées aux enjeux complexes de l’urbanisme contemporain.

 

À partir du milieu des années 1990, la structuration de régions urbaines, issues notamment des dynamiques de périurbanisation et d’étalement urbain, associée à la montée en puissance des enjeux de durabilité (en lien notamment avec les politiques européennes) produit en Europe un regain d’intérêt pour la planification à l’échelle du grand territoire mais selon des modalités renouvelées. Les projets urbains localisés n’engendrent pas l’effet d’entrainement escompté sur les territoires environnants. Il convient alors d’établir conjointement des mesures de développement et de protection. Le projet, en tant qu’état d’esprit ou posture, imprègne l’ensemble des processus de planification territoriale de l’échelle locale (rue, espace public, quartier) à l’échelle du grand territoire (ville, agglomération, région urbaine). Les démarches de projets cohabitent ainsi avec les plans d’urbanisme à caractère réglementaire.

 

Bibliogaphie sélective
Dente B. et al., 1990, Metropoli per progetti : attori e processi di transformazione urbana a Firenze, Torino, Milano, Bologne, Il Mulino.
Novarina G., 2003, Plan et projet, L’urbanisme en France et en Italie, Economica.
Pinson G., 2009, Gouverner la ville par le projet. Urbanisme et gouvernance des villes européennes, Science Po Les Presses, Paris.

 

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