Recherche-action

Urbanisme durable et recherche-action : une méthode d’analyse des enjeux de la fabrique urbaine

L’urbanisme est né de la volonté de réguler les transformations permanentes de la fabrique urbaine. Champ de savoirs marqué par l’interdisciplinarité des approches théoriques et la transversalité des pratiques professionnelles, l’urbanisme (urban design) organise les relations entre les différents compartiments de la ville ; la composition des axialités, des formes naturelles et bâties et des polarités qu’elles articulent ; l’intégration entre les lieux et leurs zones avoisinantes ou plus lointaines. L’urbanisme est aussi une politique publique (urban planning), un ensemble de décisions (stratégiques, réglementaires, opérationnelles, etc.) de différents niveaux juridiques et d’actions, concertées et ciblées vers des objectifs, que les acteurs compétents, privés et publics, prennent ou appliquent en vue de maîtriser la transformation des territoires urbains aux différentes échelles géographiques et temporelles. Ces deux manières complémentaires d’envisager la recherche en urbanisme convergent vers un ensemble d’interrogations majeures.

 

 

Design spatial et design social du projet : deux faces de la fabrique urbaine

 

L’interrogation sur les acteurs de la fabrique urbaine autant que celle sur les modes d’agencement d’un espace de qualité figurent en position centrale  dans les recherches menées au sein de l’OUVDD. Le design social et le design spatial d’un projet sont intimement liés. Quels sont les acteurs de la fabrique urbaine ? Quels sont leurs rôles et leurs référentiels d’action, leurs valeurs et leurs motivations, leurs stratégies et leurs logiques d’action ? Le design social de projet est-il inclusif, participatif ? De quelles manières sont conduits les processus de concertation, de négociation et de régulation de l’action collective en matière de production et d0agencement de l’espace ? Comment produire un espace de qualité ? Comment éviter le fractionnement des intelligences, l’éclatement de la chaîne d’acteurs, des démarches trop séquentielles génératrices de conflits, allant à contre-courant d’une démarche concertée et participative connectée aux valeurs d’usage de la production urbaine ? Si le conflit est la première forme du dialogue, un moyen de faire valoir son opinion et ses intérêts, la concertation et la négociation constituent, dans le cadre d’une politique publique, la meilleure voie pour déboucher sur des démarches innovatrices à plusieurs dividendes. La recherche-action est un outil méthodologique qui permet de travailler de manière pertinente sur ces questionnements. 

 

 

Séparer recherche et action : un non-sens à l’ère de l’urbanisme participatif

 

La notion de recherche-action a été proposée par John Collier (1945). Il constate que lorsque la recherche part d’un besoin d’agir, qu’elle intègre plusieurs disciplines et les différents acteurs concernés, elle produit aussi des résultats plus pertinents. En urbanisme, la recherche-action  participe à la construction des connaissances sur la ville à partir des champs expérientiels de ses acteurs incluant les chercheurs eux-mêmes; réalisée avec les gens et non pas sur les gens,  elle permet de prendre en compte les points de vue, les imaginaires et les savoirs des principaux protagonistes du projet urbain (élus, professionnels, habitants, etc.); enfin, elle est un mode d'intervention qui privilégie la prise en compte des contextes de l’intervention. La recherche-action est à la fois réflexion et support de l’action (Schön, 1983). Elle est un outil de production d’un sens partagé au sein même des processus de planification et de mise en œuvre de projets urbains.

 

Dans le domaine de l'urbanisme, la séparation entre recherche et action devient un non-sens. La méthode est caractérisée par des exigences de qualité scientifique formulées depuis les travaux fondateurs de Kurt Lewin et de ses successeurs. Elle suppose :

  • la mise en œuvre d’un processus itératif de conceptualisation, d’observation et d’écoute sensible de l’ensemble des acteurs ;
  • la rétroaction des résultats de la recherche à tous les groupes d’intérêts impliqués;
  • la coopération entre les chercheurs et l’ensemble des acteurs du projet (élus, professionnels, habitants, etc.) ;
  • l’application des principes de croisement des opinions qui caractérisent la délibération en groupe;
  • la prise en compte des différences dans les systèmes de valeurs, les partis pris et les structures de pouvoir des parties impliquées dans la recherche;
  • l’utilisation des connaissances nouvelles dans une perspective d’intérêt collectif.

Ces caractéristiques de la recherche-action sont toujours d’actualité. La nécessité d'alimenter les recherches par des expériences professionnelles et inversement ce fait sentir. Placés en prise avec l’action les chercheurs adoptent une posture de praticien—réflexif (Schön, 1983) en s’inscrivant dans un mouvement continu et itératif de formulations d’hypothèses, d’écoute sensible des acteurs, d’analyse pluraliste des leurs représentations et de leurs discours, de tests de triangulation des observations à valeur opérationnelle et de retour analytique  sur des cadrages conceptuels. À l’ère de l’urbanisme durable, négocié et participatif, l’idée qu’à travers la recherche-action des avancées théoriques peuvent être réalisées en même temps que des changements urbains aboutissant à la production de nouveaux espaces offrant des cadres de vie de qualité reste d’une parfaite actualité.

 

 

Bibliogaphie sélective

Catroux, M. (2002). « Introduction à la recherche-action : modalités d’une démarche théorique centrée sur la pratique », Recherche et pratiques pédagogiques en langues de spécialité, Vol. XXI N° 3,  8-20.

Collier, J. (1945). United States Indian Administration as a laboratory of ethnic  relations. Social Research, 12 (3), 265-303.

Da Cunha, A. (2015). « Nouvelle écologie urbaine et urbanisme durable. De l'impératif écologique à la qualité urbaine », in Bulletin de la Société Géographique de Liège, no 65, pp. 5-25.

Lewin, K. (1946). Action research and minority problems. Journal of Social  Issues, 2 (4), 34-46.

Resweber, J.P. (1988).  La recherche-action. Paris : Presses Universitaires de France, Que-Sais-Je ?

Schön, D. A. (1983). The reflective practitioner : how professionals think in action. New York : Basic Books.

 

 

 

 

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