Gouvernance et participation

Pensée en négatif de l’idée de gouvernement - forme organisée et rationnelle du pouvoir institutionnel - Patrick Le Galès, définit la gouvernance urbaine comme « un processus de coordination d’acteurs, de groupes sociaux et d’institutions, en vue d’atteindre les objectifs définis et discutés collectivement » (2010 : 301). L’émergence d’une gouvernance locale dessine une scène municipale structurée par divers acteurs (politiques, économiques, associatifs, etc.) qui entrent en relation dans des dispositifs institutionnels et dans des réseaux au sein desquels se négocient et se construisent des politiques spécifiques (urbanisme, mobilité, environnement, lien social, etc.). L’activation des réseaux d’acteurs que les structures politico-administratives doivent intégrer dans les champs délibératifs et décisionnels les placent alors dans un registre d’action consistant à mettre en oeuvre des dispositifs de participation (information, consultation, concertation, etc.) chargés de mettre en relation différentes composantes de la société locale. Le bref cadrage conceptuel que nous proposons ici définit la notion de gouvernance participative et explicite un cadre d’analyse permettant d’identifier différents niveaux et formes de la participation.

 

Pensée en négatif de l’idée de gouvernement - forme organisée et rationnelle du pouvoir institutionnel - Patrick Le Galès, définit la gouvernance urbaine comme « un processus de coordination d’acteurs, de groupes sociaux et d’institutions, en vue d’atteindre les objectifs définis et discutés collectivement » (2010 : 301). L’émergence d’une gouvernance locale dessine une scène municipale structurée par divers acteurs (politiques, économiques, associatifs, etc.) qui entrent en relation dans des dispositifs institutionnels et dans des réseaux au sein desquels se négocient et se construisent des politiques spécifiques (urbanisme, mobilité, environnement, lien social, etc.). L’activation des réseaux d’acteurs que les structures politico-administratives doivent intégrer dans les champs délibératifs et décisionnels les placent alors dans un registre d’action consistant à mettre en oeuvre des dispositifs de participation (information, consultation, concertation, etc.) chargés de mettre en relation différentes composantes de la société locale. 

 

Les réflexions ouvertes par la notion de gouvernance participative peuvent se synthétiser à l’enseigne de la triangulation de trois phénomènes : la montée en puissance des problématiques du développement durable, la transformation des paradigmes de la planification urbaine et l’émergence de l’impératif participatif dans le débat public. À partir des années 1990, les revendications participatives des collectifs d’habitants et des organisations représentatives de différents mouvements sociaux (ONG’s, associations locales, etc.) s’amplifient accompagnant la montée en puissance des enjeux de durabilité. 

 

Les débats sur les questions relatives au développement urbain durable remettent en cause les planifications technocratiques et recomposent progressivement l’action publique sous l’impulsion de « l’impératif participatif » et de la mise en oeuvre d’agendas 21 locaux. De fait, comme le souligne Gauthier (2008), le développement durable est un concept procédural qui agit comme cadre de référence pour l’action publique urbaine. On recherche bien un résultat mais sans décision a priori en réservant une marge d’initiative et de créativité aux acteurs mobilisés dans la démarche. Pour assurer la durabilité d’un projet, la mise en place de nouvelles procédures visant à organiser la discussion entre les acteurs prend la forme d’un impératif (Blondiaux, Sintomer, 2002) de telle sorte que délibérer, argumenter et débattre sont devenues communément admises dans les manières de faire de l’aménagement et de l’urbanisme. Les procédures sont alors définies comme des dispositifs institutionnels qui autorisent à débattre, de façon contextualisée, sur la base d’un savoir partagé plutôt que réservé. Ascher (2010) a ainsi pu proposer l’idée d’une planification réflexive visant l’approfondissement des connaissances par l’interaction et la négociation entre les acteurs concernés.

 

Un peu partout en Europe, la problématique du développement durable a ravivé des traditions coopératives anciennes, mis aussi de nouveaux mouvements sociaux. Dans les mouvements associatifs nombreux sont ceux qui ont compris que, pour aboutir à des changements sociétaux espérés, il fallait dépasser le stade des manifestations purement revendicatrices plus ou moins spontanées pour structurer l’action et engager des négociations avec des partenaires institutionnels.

 

La question est alors posée en direction de la portée de la notion de gouvernance au prisme de la mise en cohérence de l’action des pouvoirs locaux, notamment en termes de coordination des différentes politiques sectorielles, de développement d’une expertise contradictoire, de construction de diagnostics partagés et de mise en oeuvre d’une certaine transversalité de l’action collective. Nées dans ce contexte, les approches participatives émergeantes vont aborder toutes les questions de société, qu’il s’agisse du logement, du projet urbain, d’innovations en matière de technologies alternatives, etc. L’urbanisme durable, réflexif, participatif avance alors l’idée d’une ville qui serait la résultante d’une vision collective, réalisée à partir de relations créatives et d’un échange patient entre les habitants, les élus, les aménageurs et les professionnels engagés dans le design, l’élaboration et le suivi des projets.

Les politologues mobilisent le concept de gouvernance pour évoquer des situations marquées par l’affaiblissement des hiérarchies politico-administratives et par le rôle au contraire grandissant des acteurs sociaux et des milieux économiques dans la délibération et la décision collective. Un certain ordre règnerait dans l’aire politique mais cet ordre serait de moins en moins imposé d’en « haut ». Les gouvernements locaux n’ont pas perdu leur pouvoir régulateur. Mais l’efficacité de leur action émanerait désormais de leur capacité à conduire des concertations et des négociations entre plusieurs parties interdépendantes. La gouvernance serait alors un concept décrivant la gestion des réseaux d’acteurs porteurs de valeurs et d’intérêts divers et les nouveaux dispositifs de coordination de l’action publique. Le mieux qu’un gouvernement local puisse faire, c’est disposer les paramètres permettant aux réseaux de fonctionner et faire son possible pour parvenir à un certain degré de coordination et de maîtrise de l’action publique. Une gouvernance couronnée de succès supposerait alors l’existence d’un accord intersubjectif plus ou moins poussé entre les parties prenantes ou les acteurs concernés par une décision ou un projet.

 

La notion de gouvernance participative décrit alors le processus de rapprochement et d’articulation, parfois conflictuel, entre une logique politico-administrative, bien établie, de programme (descendante, verticale, organisée, issu des organes politiques et de leur relais administratif) et une nouvelle logique collective de projet (ascendante, horizontale, informelle, micro-locale, fondée sur le volontariat et des actions concrètes). Incarnée en des lieux (maisons de quartier, écoquartier, jardin partagé, friches urbaines en recomposition, etc.) et/ou autour de thématiques spécifiques (urbanisme, transition énergétique, gestion des ressources, espaces verts, agriculture urbaine, etc.), la gouvernance participative invite à un renouvellement des modes décisionnels et des instruments d’action publique (chartes, forums citoyens et ateliers participatifs, conseils de quartier, jurys citoyens, balades, plateformes internet, urbanisme temporaire, etc.). Ces logiques renvoient à l’opposition habituelle entre les approches top-down et bottom-up. L’opposition entre ces perspectives évaluatives, mais aussi explicatives (pourquoi les choses se déroulent comme elles se déroulent) et normatives (ce qu’il faut faire). Comme le souligne Maillard et Kübler (2015), les top-downers adoptent la perspective de décideurs qui, opérant des choix clairs et rationnels, se demandent comment les décisions pourraient être appliquées plus efficacement, identifient les facteurs qui peuvent influencer les actions des metteurs en oeuvre et les effets de la politique dans le cadre d’une commande claire et de buts et ressources bien définis et qui concluent souvent à restreindre le nombres d’acteurs mobilisés dans la mise en oeuvre. À contrario, les bottom-uppeurs, quant à eux, commencent par identifier le réseau d’acteurs impliqués et qui touchent directement ou indirectement le problème à traiter, avant même de prendre une décision. Cette perspective conduit à se démarquer de la notion de contrôle. Dans ce cas, la mise en oeuvre requiert la bienséance de favoriser les échanges et de tenter le consensus ou les compromis entre les acteurs. Les deux approches ont leurs angles morts. Si l’approche top-down paraît trop fixiste, alors que les décisions peuvent changer au cours du processus de projet luimême, de son côté, l’approche bottom-up tend à surestimer la marge de manoeuvre dont disposent les habitants-usagers-citoyens, le rôle de leurs collectifs étant loin d’être systématique. Il se peut qu’une articulation entre ces deux approches puisse être pensée comme piste médiane et voie de solution dans un cadre intégratif.

 

Bibliogaphie sélective
Ascher F., 2010, Les nouveaux principes de l’urbanisme, Paris, Editions de l’Aube, 276 p.
Blondiaux L., Sintomer Y., 2009, « L'impératif délibératif », Rue Descartes, 1(63), p. 28-38. DOI : 10.3917
Gauthier, M., 2008, Développement urbain durable, débat public et urbanisme à Montréal, In : Gauthier M., Gariépy M., Trépanier M-O., Renouveler l’aménagement et l’urbanisme : 102 Planification territoriale, débat public et développement durable [en ligne]. Montréal : Presses de l’Université de Montréal, <http://books.openedition.org/pum/14061>. DOI:10.4000/books.pum.14061.
Le Gales P., 2010, Gouvernance, In : Boussaguet L. et al., Dictionnaire des politiques publiques, Presses de Science Po, pp. 299-308.
De Maillard J., Kübler D., 2015, Analyser les politiques publiques, Presses Universitaires de Grenoble.

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