Projet, résultats et enseignements

Le contexte | Le projet | Déroulement | Résultats | Conclusions et perspectives
 

Le contexte

Les politiques publiques de vieillesse sont appelées à se transformer profondément ces prochaines années pour des raisons démographiques (proportion toujours plus accentuée de la population âgée au sein de la population), financières (coûts importants à consentir pour le maintien du niveau de vie des personnes à la retraite), économiques (poids accentué des besoins socio-économiques des per-sonnes âgées dans l’économie) et sociales (volonté de maintenir une bonne insertion sociale des personnes âgées). Ces changements auront des implications sur l’ensemble de la société, et plus particulièrement sur le monde du travail.

Aujourd’hui, même si la Suisse est l'un des pays où le taux d’activité des plus de 55 ans est parmi les plus élevés d’Europe, celui-ci diminue considérablement dans les dernières années avant l’âge officiel de la retraite. La place des seniors en entreprise est l’objet de fortes contradictions entre, d’une part, un discours officiel, en particulier des diverses associations patronales, prônant le maintien en em-ploi des travailleurs âgés — discours qui s’est fortement accentué depuis le vote du 9 février 2014 sur l'initiative «Contre l'immigration de masse»  — et une pratique entrepreneuriale qui vise à af-fronter les fluctuations du marché en renvoyant d’abord les collaborateurs les plus âgés, autrefois par le biais de retraites anticipées, aujourd’hui par des licenciements. Parmi les travailleurs âgés et leurs représentants syndicaux, les revendications visent le maintien des acquis sociaux et la généralisation de l’âge de retraite flexible. La question du maintien en emploi se pose également pour les travailleurs âgés de 65 ans et plus dont près d’un cinquième demeure actif.

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Le projet

Le projet a cherché à comprendre, entre autres, les enjeux se posant globalement pour les travail-leurs âgés en fin de carrière et comment les trois groupes d’acteurs sociaux directement concernés – groupes de défense des intérêts des personnes âgées, milieux patronaux et milieux syndicaux – ap-préhendent ces changements et comment se fait la prise de conscience, l’accréditation et la transi-tion de la figure du retraité à celle du senior actif.

Le projet a consisté à travailler les différentes approches théoriques de cette question et a ensuite cherché à obtenir auprès des trois groupes constitués les informations relatives au positionnement de chacun d’entre eux. L’idée était de comprendre au mieux comment étaient appréhendés les pro-blèmes et comment se travaillaient les positionnements socio-politiques des milieux en présence.

L’objectif était de saisir comment la place des « seniors » était susceptible d’évoluer autour du mar-ché de l'emploi au cours de ces prochaines années, écartelés qu'ils pourraient être entre, d'une part, un désir plus marqué de poursuivre une activité professionnelle au-delà de l'âge prescrit de la re-traite et sollicités par des employeurs de plus en plus sensibles aux ressources importantes qu'ils représentent et, d'autre part, le maintien des acquis sociaux et un « droit intangible » à une retraite.

Une partie de la question est abordée dans la sphère politique au travers de la pérennité financière des institutions sociales que sont les 1er et 2ème piliers. Des propositions concrètes ont émergé du monde politique, comme la retraite à 67 ans. Les syndicats, pour leur part, ont souhaité changer les dispositifs actuels en ouvrant le débat d'un droit à une retraite flexible. Ces positionnements poli-tiques tentent de trouver des solutions à une partie de la question du financement des retraites.

Notre propos a été d'aborder la question du lien à l'emploi des personnes en fin de carrière profes-sionnelle à un niveau plus large, qui ne soit pas seulement économique, en tentant de concentrer l'attention des acteurs sur les besoins effectifs, les souhaits des seniors et en englobant quelques variables nouvelles comme la relève de la génération des papy boomers, qui pourrait être difficile. Le projet a consisté à travailler de concert avec les principaux cercles d'acteurs se profilant sur cette problématique, à savoir les employeurs, les syndicats et les populations d'employés concernés et autres représentants des travailleurs âgés.

La question de recherche principale était formulée de la façon suivante : Dans quelle mesure, sous quelles formes, et à quelles conditions, une gestion différente, voire différenciée de l’emploi des seniors est-elle susceptible d’intervenir ces prochaines années ?

Plus spécifiquement, nous voulions comprendre et tenter de mesurer les changements d’attitude perceptibles au sein de la société et plus particulièrement auprès des groupes constitués par rapport à la présence des travailleurs âgés sur le marché de l’emploi.

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Déroulement

La méthode de recherche-action à laquelle la démarche a eu recours a permis d'intégrer les acteurs clés au cœur du secteur. Cette méthode de travail a permis de créer une interface, tout au cours du processus, à l’image de la thématique proposée dans le cadre du premier atelier au sein des diffé-rents cercles d’acteurs : "Articulation entre savoirs et décision: des collaborations à définir", qui visait à fonctionner en tant qu’élément de réflexion et d'action. Ce dispositif de collaboration entendait également à assurer le lien entre science, politique et économie.

Le démarrage des travaux s’est fait au travers de deux entretiens individuels menés avec chacun des douze partenaires du projet. Ces échanges ont permis d’identifier puis de centrer les préoccupations principales dans un domaine très complexe.

Dans un deuxième temps, les trois cercles d’acteurs constitués se sont réunis séparément sous la forme de groupes de réflexion dont les thématiques de travail avaient été définies par les partici-pants eux-mêmes. Des invités sont venus stimuler les débats. Ce sont plus de dix-huit focus groups qui ont ainsi été organisés lors des démarches menées parallèlement avec les trois cercles d’acteurs.

Dans un troisième temps, une confrontation entre les trois cercles d'acteurs (travail intra-cercle) au travers de six focus groups a été mise sur pied pour poursuivre collectivement le travail de réflexion et permettre une comparaison et une transversalisation des constats et des résultats. C’est sur cette base que le rapport final a été écrit et soumis aux partenaires.

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Résultats

Un large débat a eu lieu, organisé par le milieu académique, mais nourri et co-construit par nos inter-locuteurs dans le cadre de la recherche. Pour éviter les blocages potentiels liés aux nécessités de la rhétorique partisane, un espace tiers a été créé hors des enjeux médiatiques et des débats politi-ciens. Le travail a consisté à mettre sur pied une plateforme de discussion et de concertation sur la question des travailleurs âgés, autour des 3 cercles d’acteurs (patronat, syndicat, milieux de défense des seniors/retraités), pour permettre ensuite, par cascade, la prolongation de la réflexion au sein de ces trois cercles constitués.

La question des aînés sur le marché de l’emploi est considérée comme problématique depuis le début de l’ère industrielle. La situation actuelle constitue en quelque sorte une rupture : avec l’avènement du droit à la retraite depuis une cinquantaine d’années, la situation matérielle des per-sonnes âgées avait trouvé une solution ; or, celle-ci est remise en cause, au moins partiellement, depuis une décennie. Non seulement l’âge de la retraite est remis en question, mais la notion de droit au repos est relativisée et la précarité semble menacer des pans importants des retraités et surtout les futurs pensionnés.

Face aux seniors sur le marché du travail, le discours social a en effet radicalement changé au tour-nant du 21ème siècle. De personnes inemployables, prématurément usées, n’étant plus adéquates au marché de l’emploi, le discours s’est transformé pour devenir allongement de la durée de l’activité professionnelle, préservation de l’employabilité, bonnes pratiques à l’égard des travailleurs âgés. Les travailleurs âgés sont devenus une catégorie publique, qui peuvent prolonger leur carrière en raison de leur espérance de vie en santé, mais aussi du fait que le travail est source d’enrichissement éco-nomique, social, identitaire et financier. Ces mêmes travailleurs âgés doivent prolonger leur carrière professionnelle, à cause de la responsabilité sociale qu’ils endossent et de la solidarité intergénéra-tionnelle nécessaire dont ils doivent faire preuve. Les dispositifs de préretraite, retraite anticipée, âge de retraite flexible, retrait et départ précoces font ainsi de plus en plus place à des dispositifs de diversion tels qu’assurance-chômage, assurance-invalidité, aide sociale.

Les débats et échanges au sein du projet ont montré en particulier que la question est abordée de façon trop restreinte et sectorielle en Suisse, comparativement à d’autres pays. Il est nécessaire d’étendre le champ du débat et de la recherche en élargissant la perspective au-delà de la retraite : l’importance de prendre en compte des thèmes connexes comme la santé au travail, la gestion de l’âge en entreprise, la transmission des entreprises, les mesures d’âge au sein des entreprises (for-mation continue, travail adapté à l’âge, mise à la retraite progressive), les discriminations liées à l’âge, la situation socio-professionnelle et familiale des seniors. De façon générale, l’ensemble des partenaires a souligné la nécessité de travailler la question du senior au travail au travers d’un regard holistique et le besoin de penser la place des retraités dans la société comme au poste de travail.

Si l’importance de la problématique a été unanimement reconnue par tous les acteurs, les diver-gences sont profondes sur les origines et la gravité des risques, le caractère d’urgence ainsi que sur les mesures à envisager. Chacun des groupes tente d’imposer sa définition du problème. L’évaluation même des travailleurs âgés en tant que catégorie à risque fait l’objet d’analyses fort différentes selon les cercles d’acteurs. Les points de divergence sont importants à propos de la pénibilité de l’emploi et l’employabilité des seniors : pour certains, des mesures pour améliorer l’employabilité sont néces-saires, alors que d’autres exigent des systèmes plus institutionnalisé de protection. Par ailleurs, le vieillissement est vu, pour certains partenaires, comme coûteux pour les institutions sociales, mais aussi susceptible de répondre aux besoins de main-d’œuvre de l’économie, alors que pour d’autres, les conditions de travail et les représentations de la vieillesse au travail sont actuellement peu pro-pices à l’engagement des seniors sur le marché de l’emploi.

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Conclusions et perspectives

La recherche-action s’est avérée être un instrument idéal pour le développement de ce type de dé-marche particip’active. Les partenaires ont grandement apprécié le cadre général dans lequel ils ont eu à évoluer. Le projet a toutefois souffert, au début au moins, de la méconnaissance relative et de la faible adhésion du monde académique à ce genre d’approche. L’absence de culture pratique dans ce domaine a limité la reprise de la démarche par les acteurs eux-mêmes, alors que récemment des initiatives similaires se sont développées partout en Suisse autour de cette thématique des travail-leurs âgés (le Conseiller fédéral Schneider-Amman a convoqué les partenaires sociaux autour de cette question au mois d’avril 2015).

Face à l’impossibilité par les groupes d’acteurs de reprendre à leur compte et développer la dé-marche initiée dans le cadre universitaire, le groupe de chercheurs a soumis au Fonds national de la recherche scientifique un projet spécifique, visant à comprendre les difficultés rencontrées par les travailleurs en fin de carrière. Le projet a été soumis en mars 2013 et son financement a été accepté. Il est en cours depuis avril 2014 et durera jusqu’en 2016. Il fait à nouveau appel aux partenaires qui ont œuvré dans le cadre du projet VEI, en les sollicitant différemment et en élargissant le terrain d’investigation à toute la Suisse.

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