Thèses en cours
Alain Buehlmann : "xxx."
Pr 1-9 TM se donne au lecteur à travers des scènes de parole typées qui se partagent localement l'espace textuel : en Pr 1-8, une fiction didactique (la liaison père-à-fils) et une fiction épidictique (la liaison Sagesse-et-ses-publics) apparaissent comme dans une double alternance (a — b ; a' — b') ; en Pr 9 une troisième plus difficile à reconnaître clôt l'ensemble. Ces diverses scènes apparaissent sans marques linguistiques de cohésion textuelle et comme juxtaposées dans le texte, ce qui donne le sentiment que Pr 1-9 TM est le produit textuel d'un amalgame d'unités casuelles hétérogènes. Notre thèse fait l'hypothèse que ces scènes de parole locales sont intégrées, à un niveau supérieur, dans une fiction théâtrale implicite qui régit en sous-main la continuité du texte. Cette fiction est masquées notamment par les scènes de parole locales ainsi que par l'élaboration d'une situation de langage non transparente et un ensemble diffus d'irrégularités verbales. Dans la perspective de cette thèse, la tâche première de l'analyse sera de dévoiler cette fiction théâtrale. Pour ce faire, on fondera notre démarche sur les catégories verbales, courantes en sciences du langage, de «scène de parole», de «situation d'énonciation linguistique», de «scène d'énonciation» (type de discours, genre, scénographie), ainsi que sur le temps et l'espace dans la langue («spatiographie» et «chronographie» ; «chronotopes» ; «topie», «atopie» et «paratopie» ; «moment d'énonciation» ; etc.).
Notre étude s'appuie prioritairement sur les indices caractéristiques de l'énonciaton dramaturgique attestés dans le texte de Pr 1-9 TM : oppposition entre texte premier (à dire) et texte second (pratique) ; parties du discours («actes») ; dramatis personae ; unités de lieu, de temps et d'action ; fable (muthos, fabula) ; code visuel ; absence de narrateur. Elle exige simultanément l'examen des stratégies d'implicitation inversties par l'auteur du texte, des stratégies qui, bien comprises, donnent paradoxalement accès à la fiction théâtrale qu'elles ont pour but de dissimuler. Cette étude s'accompagne d'une méditation sur les fonctions dévolues à une scène de parole fictive (une scénographie) dans une oeuvre à forte teneur idéologique : intégration du lecteur dans le dispositif de l'oeuvre, inscription de l'oeuvre dans son échange verbal à l'intérieur d'un type de discours, légitimation de Soi (aimé) et délégitimation de l'Autre (haï).
Emilie Escure-Delpeuch : "La σ υ μ π à θ ε ι α d e Dieu : une réponse émotionnelle divine ?L'herméneutique patristique orientale confrontée aux Ecritures."
« ‘’L'humilité n'est pas une condamnation de la conscience mais la connaissance intime de la grâce de Dieu et de sa compassion - Οὐκ ἔστι συνειδήσεως κατάγνωσις ἡ ταπεινοφροσύνη ἀλλὰ χάριτος Θεοῦ καὶ συμπαθείας ἐπίγνωσις’’. Un mot dans une sentence de Marc le moine (Just. 103) et voici le début d’une thèse de doctorat ! En effet, sa définition singulière de l’humilité utilise le terme grec de συμπάθεια (compassion) en le mettant en relation avec Dieu et, à première vue, cela peut surprendre le lecteur fréquentant les auteurs chrétiens grecs des premiers siècles du christianisme. Car cette notion de συμπάθεια paraît soigneusement évitée par la majorité d’entre eux, afin de mettre en valeur l’ἀπάθεια de Dieu. De plus, l’influence hellénistique ne peut permettre à ces auteurs de concevoir un Dieu capable de souffrir. Or, il semble que pour Marc le moine, ἀπάθεια et συμπάθεια ne soient pas incompatibles… Voici donc le point de départ d’un travail de recherche.
Une enquête dans les sources permet alors de plonger dans la littérature orientale (par laquelle Marc le moine est influencé) afin d’y trouver éventuellement d’autres attestations de cette intrigante συμπάθεια divine. Or, les premiers résultats de recherche sont très intéressants : c’est au cœur de la tradition monastique orientale que cette compassion de Dieu apparaît clairement développée, dans une filiation de textes issus du christianisme syriaque.
D’un point de vue méthodologique, il apparaît alors nécessaire d’aller voir si cette lecture patristique orientale trouvait sa source dans les Ecritures. Le Dieu « compassionnel », rempli d’émotions et souffrant avec son peuple est présent dans toute la Bible, même si le terme de συμπάθεια n’est pas attesté dans le grec. Mais c’est particulièrement l’Ancien Testament qui retient ici notre attention car l’observation du phénomène de traduction est révélateur : en effet, les traducteurs de la LXX semblent avoir été gênés par la grande majorité des passages hébraïques mentionnant cette souffrance compassionnelle de Dieu, remplie d’anthropomorphismes, et ont donc nuancé, voire supprimé cette dimension.
Enfin, une dernière partie cherche à explorer les implications théologiques d’une représentation d’un Dieu souffrant. Si Abraham Heschel a pu évoquer, au XXe siècle l’idée d’une « théologie pathétique », l’objet de cette recherche amène à une réflexion autour d’une possible « théologie sympathique ».
Isabella Scortegagna : "Anthropology of Sotah ritual."
This project aims to investigate the Sotah ritual and its develpent through the millenials.The thesis starts with the anthropological analysis of the ritual in the biblical book of Numbers, continues with its evolution in the Rabbinic texts, and ends with the Medieval versions of the ordeal. I will focus on the different values that the various rites convey through the passing of time and their connection with the evolution of Hebrew society.
Dario Barberis : "Les mains de scribes dans les manuscrits de Qumrân."
La thèse vise à étudier quelques manuscrits trouvés dans les grottes de Qumrân pour reconnaître les mains des scribes à partir de l’analyse de l’écriture manuscrite des scripts et des pratiques scribales présentes à l’intérieur de ce corpus à l’aide de l’intelligence artificielle et, en particulier, d'un nouveau modèle d'apprentissage en profondeur formé sur un vaste ensemble de données d'images multispectrales des manuscrits. Cet algorithme, appliqué aux textes anciens et aux études paléographiques traditionnelles, vise à l’identification des caractéristiques typiques de l’écriture pour chaque main de scribe selon la mise en évidence de caractéristiques dans l’écriture des lettres. Le but de la thèse est, enfin, d’obtenir des informations sur l’identité, la nature et le statut de ceux qui pourraient avoir redigé et/ou copié ces documents.
Marie Duruz : "De la libération corinthienne à la libération sexuelle. Pour une relecture féministe de l'anthropologie relationnelle chez Paul."
Descriptif à suivre
Philippe Therrien : "Gnose, narration et interprétation des Écritures dans les Pseudo-Clémentines. Une comparaison avec les écrits gnostiques."
Le projet de recherche est consacré aux Homélies et Reconnaissances du Pseudo-Clément (ci-après Pseudo-Clémentines), les premiers romans chrétiens, composés en Syrie au IVe siècle. Leurs auteurs, ou les communautés responsables de leur composition, nous sont totalement inconnus, et la place de ces textes dans l’histoire du développement du christianisme n’est pas très claire. Les travaux s’efforcent donc de situer ces textes dans leur contexte de production en étudiant plus particulièrement la notion de connaissance religieuse, ou gnose, qui peut être définie comme une connaissance de type théorique qui porte principalement sur Dieu, l’origine du monde et la nature de l’être humain. Dans ce contexte, Philippe Therrien compare les Pseudo-Clémentines avec les écrits gnostiques, notamment ceux découverts en 1945 à Nag Hammadi, en Égypte. Une telle comparaison n’a pas été effectuée par la recherche et met au jour des enjeux gnoséologiques encore peu documentés. Ces textes traduisent en effet l’existence de conflits centrés autour de la connaissance religieuse que chaque acteur affirme détenir, tout en polémiquant contre des adversaires qui prétendent, eux aussi, la posséder. Dans ces circonstances, la recherche de la gnose est définie selon différentes modalités : sur quoi porte-t-elle ? Auprès de qui l’acquérir ? Et sur quelles bases peut-on la revendiquer ? Si, en contexte chrétien, ces revendications s’appuient généralement sur la Bible, les procédés herméneutiques employés diffèrent largement d’un groupe à l’autre, et les autorités invoquées pour légitimer l’interprétation des textes bibliques (révélation divine, connaissance directe de Jésus, continuité de la tradition apostolique) varient tout autant. Ce faisant, c’est dans ce contexte polémique que les Pseudo-Clémentines et les écrits gnostiques s’affrontent : chaque texte a recours à de multiples stratégies pour démontrer en quoi son modèle gnoséologique est non seulement supérieur aux autres, mais le seul quoi soit valide. Il importe encore de mentionner que ces discours sur la connaissance religieuse véritable jouent un rôle central dans la définition de l’identité sociale et religieuse des diverses communautés.
Gaël Carriou : "Des pratiques rituelles féminines dans l'Israël ancien, au coeur de la polèmique biblique et historiographique."
Le texte d’Ézéchiel 13,17-23 condamne des femmes d’Israël qui exercent certaines fonctions religieuses. Elles sont condamnées non pas en tant que femmes, mais c’est bien leur pratique elle-même qui est l’objet de l’attention du prophète. Cette pratique mystérieuse, qui est peut-être en lien avec des sanctuaires yahwistes, se doit d’être encore élucidée, malgré différentes tentatives exégétiques. Dans l’historiographie, en effet, ces femmes sont très vite qualifiées de « sorcières », pratiquant même la « magie noire », des termes hautement problématiques d’un point de vue historique et anthropologique et que le texte biblique n’emploie pas lui-même. Cette fois-ci, chez les « modernes », c’est bien le fait qu’elles soient femmes qui pose donc un problème. L’objet de cette thèse est de reprendre le dossier de l’engagement des femmes dans des pratiques rituelles de l’Israël – et plus largement du Proche-Orient – ancien pour porter un regard historique et anthropologique sur le texte biblique et réévaluer la polémique qu’il a entraîné au cours des siècles, avec l’emploi de termes chargés symboliquement. Ces « filles [du] peuple » d’Ézéchiel semblent alors s’inscrire dans un paysage cultuel sans doute sous-évalué, dans lequel les femmes tiennent un rôle actif, que ce soit par des pratiques mantiques officielles, mais peut-être aussi en tant qu’officiantes lors de cérémonies. La porte d’entrée que constitue Ézéchiel 13, 17-23 ouvre sur toute une série de références bibliques qui seront à leur tour étudiées afin de comprendre et de porter un regard le plus neutre possible sur la place des femmes dans le paysage religieux de l’Israël ancien.
Axel Bühler : "Arithmétique, géométrie et politique: L'organisation d'Israël en Nb 1-4 ; 26."
Cette thèse cherche à comprendre le contexte historique de rédaction et la fonction littéraire du corpus de Nb 1–4 ; 26 décrivant sous forme de listes les recensements des laïcs et du clergé d’Israël. Dans ces chapitres, les Israélites sont aussi organisés comme une armée en campagne militaire, divisée par régiments et spatialisée hiérarchiquement.
La thèse s’articule sur plusieurs axes de recherche. Tout d’abord, une étude se penche sur les fonctions rhétoriques et stylistiques ainsi que l’historicité des nombres dans les textes bibliques. Dans un deuxième temps, certains motifs militaires spécifiques à ce corpus sont comparativement analysés avec les textes grecs de campagnes militaires. Finalement, la description idéalisée de la société israélite est détaillée sous le prisme de la littérature grecque, contemporaine des auteurs judéens, réfléchissant à la définition d’une société idéale. Ces différentes recherches mènent à penser que les parties dites sacerdotales du livre des Nombres ont vu le jour durant le début de l’époque hellénistique, soit à la fin du IVe siècle av. J.-C. et dans la première moitié du IIIe siècle av. J.-C. Les résultats obtenus ont un intérêt pour la compréhension de la formation du Pentateuque et l’analyse d’autres corpus présentant des constructions littéraires identiques ou des thèmes similaires tels les Chroniques, Esdras-Néhémie ou Ez 47–48.
Eleonora Serra : "Les citations scripturales dans les bols d'incantations mésopotamiens".
Le projet de thèse se concentre sur l’étude de citations, allusions, références bibliques et extrabibliques au sein du corpus des bols d’incantations. Les chercheurs précédents ont en effet simplement noté la présence de ces références sans n’avoir jamais offert une étude systématique. Il s’agira tout d’abord d’identifier les citations, allusions et références présentent dans ces textes et de créer une base de données. Ensuite, l’analyse de ces citations, allusions, échos etc. permettra, d’une part, de disposer d’une source ancienne du texte biblique (en effet, certains versets bibliques sont attestés pour la première fois précisément au sein de ce corpus) et, d’autre part, de mettre en évidence quels textes devaient faire autorité pour les communautés productrices de ces bols. Enfin, l’étude de ce matériel permettra de mieux comprendre la fonction de ces références à l’intérieur de textes des bols d’incantations et surtout de mieux connaitre le mode de transmission de ces textes (oral ou écrit ?) .
Andrey Vinogradov : "Les Actes d'André et de Matthias dans la ville des anthropophages."
Le travail de thèse porte sur les Actes d'André et de Matthias dans la ville des anthropophages, un texte daté généralement du début du Ve siècle, étiqueté « apocryphe » et pourtant très populaire tout au long de l'Antiquité tardive et du Moyen Age. Mais actuellement ce récit est tout juste connu des seuls spécialistes et encore est-il largement négligé par les chercheurs jusqu’à aujourd’hui. La recherche se déploiera dans deux champs.
Le premier sera l'étude du texte grec, à travers sa tradition manuscrite, ses remaniements et ses traductions dans les différentes langues du monde chrétien (copte, arabe, éthiopien, syriaque, arménien, géorgien, latin, slavon, vieil anglais). Cette étude aura pour but la reconstruction d’un texte aussi proche que possible de l’original supposé et son édition critique.
Le second aspect de la recherche donnera lieu à la rédaction de notes de commentaire de l’œuvre, selon deux axes principaux. Il s’agira, d’une part, d’analyser les principaux thèmes, les idées théologiques, les motifs et autres realia ainsi que les éventuels fronts polémiques dans l’espoir de pouvoir trancher l'épineuse question du contexte historique de production de ce texte (Scythie ou Egypte). Il conviendra d’examiner, d’autre part, les traditions que ce récit partage avec d’autres textes, relatifs à l’apôtre André notamment, de manière à pouvoir déterminer sa place dans la littérature apocryphe chrétienne et plus largement au sein de la littérature chrétienne ancienne.