Rétrospective Boris Lehman

La section d'histoire et d'esthétique du cinéma de l'Université de Lausanne organise, à l'occasion du 66ème anniversaire de Boris Lehman, une série d'événements autour du cinéaste belge à la Cinémathèque Suisse. Il sera présent lors de chaque séance de la rétrospective du 3 au 7 mars 2010.

 

 

 

 

Boris Lehman à la Cinémathèque suisse

Dans l'œuvre inclassable et impossible à recenser de Boris Lehman (il avance aujourd'hui une liste de 350 films mais ce n'est qu'un choix), il y a un avant et un après Babel, ce film-fleuve de plus de 6 heures dans sa première partie, réalisé entre 1983 et 1991, et qui se poursuit aujourd'hui. De ce film date un parti pris de «Journal filmé» où le cinéaste se prend pour objet, intervient, s'interroge sur lui-même. A la recherche du lieu de ma naissance, Tentatives de se décrire ou Ma vie racontée par mes photographies seraient les emblèmes de ce parti pris. 

On pourrait, à l'inverse, citer son grand film documentaire, le Béguinage (ou Magnum Begynasium Bruxellenses) comme une sorte d'antithèse à Babel. Dans ce film-là, il ne s'intéresse qu'aux autres, aux habitants d'un quartier populaire de Bruxelles promis à la démolition. Portraits frontaux de petites gens, observations de gestes d'artisans, état des lieux : à la fois relevés topographiques, enquête ethnographique, le Béguinage, en raison de son principe «objectiviste», a enregistré des pratiques sociales aujourd'hui disparues (métiers, usages, loisirs, croyances).

Mais cette opposition se révèle vite trompeuse: que faire du Portrait du peintre Arié Mandelbaum, de Muet comme une carpe consacré au rite culinaire juif de Rosh Hashana dans un tel partage? Et comment ne pas voir que dès le Centre et la classe (film de commande sur l'orientation scolaire), dès Ne pas stagner (expérience de thérapie théâtrale et cinématographique dans un centre psychiatrique) et sans doute parmi les centaines de films réalisé à la faculté de chimie de Bruxelles pour fixer des expériences, Boris Lehman mariait son goût de l'observation têtue (il pratique le plan fixe et lui donne la durée qu'il faut) avec celui de l'introspection.

A la recherche du lieu de ma naissance, à nouveau lui, est un des meilleurs exemples de cette volonté de chercher à se trouver à travers les autres, en donnant la parole et la place aux autres. Né le 3 mars 1944 à Lausanne (ses parents ayant trouvé refuge en Suisse après l'invasion de la Belgique par les nazis), Boris Lehman entreprend, dans ce film, de retrouver les lieux, les circonstances de cet événement à la fois fondamental (il voit le jour !) mais à la fois insignifiant (il quitte la Suisse une année après sa naissance) et encombrant (combien deformulaires faut-il remplir dans son existence où l'on indique son «lieu de naissance» ?) Mais il n'y a rien ou presque qui permette de nourrir une telle enquête, sinon des faux-semblants et il faut reconstituer avec l'arbitraire que cela comporte, faire jouer à d'autres, chercher des analogies, finalement il faut se projeter, imaginer en regardant d'autres vivre leur propre vie : tout bébé, tout enfant est un possible petit Boris. Ainsi filme-t-on une naissance, une circoncision, un apprentissage de la natation...

Le cinéma de Boris Lehman ne fait pas semblant: on n'y filme que des événements présents au moment du filmage, des gestes et des attitudes effectives. Ceux qui les exécutent ne sont pas des «doubles», des tenants lieu, ils sont là avec leur opacité à eux, leur identité à eux et aux spectateur de faire la navette entre cette réalité singulière - celle de l'autre justement - et la réflexion du cinéaste sur son passé ou sur lui-même, l'hypothétique saisie d'un «temps perdu».

Ainsi le peintre de Portrait de peintre dans son atelier hésite-t-il, le film durant, à tracer le premier trait sur la toile blanche, à instituer quelque chose dans cet espace de représentation. Il ne se passe donc, littéralement, rien dans ce film et pourtant le film a enregistré la recherche, l'élan. De même Babel nous entretient-il longtemps d'un projet de voyage au Mexique de Boris Lehman et enregistre-t-il, de Waterloo (entame du film, improvisation de 8 minutes) à Mexico et retour, les atermoiements, la préparation, les craintes, et finit-il par escamoter le moment, donné au départ comme principal, du séjour chez les Taharumaras.

Le cinéma de Boris Lehman est donc risqué pour tous ceux qui y participent: le cinéaste qui a lancé un projet et se laisse conduire là où le chemin qu'il découvre le mène, les personnages qu'il rencontre, qu'il suit et qui révèlent une part d'eux-mêmes, et le spectateur qui ne peut guère savoir ce qui l'attend et sera amené à se trouver de lui-même au cœur du questionnement «sur soi» du cinéaste.
  

François Albera

Programme des séances

En présence de Boris Lehman

 

Mercredi 3 mars
 

20h30

Ouverture : Concert offert à Boris
A la recherche du lieu de ma naissance (1990, 75’)

Film surprise puis gâteau d'anniversaire et champagne au Salon Bleu

 

Jeudi 4 mars
 

18h30

Homme portant (2003, 61’)
La dernière (s)cène (2003, 14’)
 

Apéritif
 

21h00

Portrait du peintre dans son atelier (1985, 40 min.)
Un peintre sous surveillance (2009, 36 min.)

 

Vendredi 5 mars

18h30

Muet comme une carpe (1987, 40’)
L’Homme de terre (1989, 40’)

21h00

Magnum Begynasium Bruxellense (1978, 145‘)

 

Samedi 6 mars
 

15h00

Babel (Lettre à mes amis restés en Belgique) (1983-1991, première partie, 160’)

18h30

Babel (deuxième partie, 220’)

 

Dimanche 7 mars

15h00

Tentatives de se décrire (2006, 165’)

18h30

Histoire de ma vie racontée par mes photographies (1994-2002, 210’)

 


Projections surprise de courts métrages

 

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