ARCHIVE - Nouvelles Questions Féministes

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Garde parentale. Prostitution

Volume 21 No 2 (septembre 2002)

Coordination :

Christine Delphy, Cynthia Kraus, Gaël Pannatier, Patricia Roux

Sommaire

Edito
Christine Delphy : Violence économique et violence masculine

Grand Angle
Lynne Harne : Nouveaux pères, violence et garde des enfants
Martin Dufresne et Hélène Palma : Autorité parentale conjointe : le retour de la loi du père
Lilian Mathieu: La prostitution, zone de vulnérabilité sociale

Champ libre
Ailbhe Smyth : Résistance féministe à la violence masculine contre les femmes. Quelles perspectives ?

Parcours
Magaly Hanselmann et Nadia Lamamra : Témoignage d'une professionnelle dans les métiers du sexe. Entretien avec Cathy, ex-prostituée et intervenante dans le bus de l'association Fleur de Pavé.
Sabine Masson : La lutte des femmes indiennes : en exil et de retour au Guatemala en " post-guerre ". Entretien avec Manuela et Gabriela, militantes de l'organisation Mama Maquin.

Comptes rendus
Sylvie Chaperon : Christine Fauré (Ed). Encyclopédie politique et historique des femmes. Paris: PUF, 1997.
Cheryl Law. Women. A Modern Political Dictionary. London, New York : I.B. Tauris Publishers, 2000.

Collectifs
Suzy Rojtman : Quelle solidarité pour les victimes de viol ?
Cecilia Hofmann : Coalition contre le trafic des femmes - Asie Pacifique
Sexe : de l'intimité au " travail sexuel ", ou prostituer est-il un droit humain ?

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Résumés/Abstracts

LYNNE HARNE : Nouveaux pères, violence et garde des enfants
Cet article examine comment les " nouvelles " idéologies qui considèrent que les mères toutes puissantes et la loi dénient aux pères divorcés leurs droits vis-à-vis des enfants, ont occulté la façon dont le " paternage " a été reconstruit comme moyen de maintenir le pouvoir sur les femmes et les enfants dans les relations familiales. Illustrant son propos par une analyse de la violence domestique des pères, l'autrice montre qu'il n'y a pas de lien direct entre les activités de " soin " (care) des enfants et la diminution des maltraitances à leur égard. Il suscite donc des questions sur certaines théories féministes ou pro-féministes qui voient l'implication des hommes dans la prise en charge des enfants comme un outil indispensable à une transformation de l'identité masculine dominante.

New Fathers, Violence and Childcare
This article examines how " new " ideologies of fathers as caring parents who are being denied their equal rights to look after children by all powerful mothers and the law, post-separation, have obscured ways in which fatherhood has been reconstructed as a means of continuing to do power over women and children through familial social relations. In discussing domestically violent fathers as an empirical case study, the author argues that there is no simple relation between the activities of " caring for " children and the lessening of abusive practices towards them.The article therefore raises questions about those feminist and pro-feminist theories which view men's involvement in childcare as an inevitable means of transforming dominant masculine identities.

MARTIN DUFRESNE ET HELENE PALMA : Autorité parentale conjointe : le retour de la loi du père
Une nouvelle loi française relative à l'autorité parentale - élément d'une réforme plus globale du droit de la famille - est examinée à la lumière des droits des femmes et d'un processus de " reconstruction patriarcale ", où l'État et le lobby masculiniste s'approprient les notions de parité, de partage des tâches parentales et de droits de l'enfant pour, en fait, réduire les obligations matérielles des hommes et accroître leur pouvoir à l'égard des femmes et des enfants. L'article fait un compte rendu des résistances féministes à ce " backlash " néo-libéral en France et au niveau international, en se fondant sur des lectures empiriques et matérialistes du travail et de l'expérience des mères qui luttent pour conserver le contrôle de leurs conditions de vie, l'accès à la justice et le droit d'échapper à la violence conjugale et incestueuse. L'article propose également un extrait traduit d'un ouvrage à paraître de Susan B. Boyd.

Joint Parental Authority. The Return of the Law of the Father
New French legislation on parental authority - part of a larger family law reform - is examined in the light of the women's rights and a " patriarchal reconstruction " process, whereby the State and the masculinist lobby appropriate the notions of parity, male participation in parenting work and children's rights in order to effectively reduce men's obligations and increase their power over women and children. The article presents a report of French and international feminist grassroots resistance to this neo-liberal backlash, based on empirical and materialist readings of mothers work and experience of seeking to maintain control over their lives, access to justice and the right to escape domestic and incestuous violence. The article proposes also a translated excerpt of upcoming book by Susan B. Boyd.

LILIAN MATHIEU : La prostitution, zone de vulnérabilité sociale
L'article envisage la prostitution comme une forme de ce que Robert Castel appelle la désaffiliation sociale, c'est-à-dire une zone de vulnérabilité située entre intégration et inexistence sociales. Sont abordés dans cette perspective les multiples facteurs - exclusion du marché du travail, toxicomanie, situation irrégulière, carences des politiques d'assistance... - qui contraignent les personnes, hommes et femmes, à entrer dans la prostitution et qui les maintiennent sur le trottoir.

Prostitution, a Zone of Social Vulnerability
The article considers prostitution as a form of what Robert Castel calls social desaffiliation, a concept that points a vulnerability zone situated between social integration and social non-existence. In this view are studied the various factors - exclusion from the work market, drug-addiction, irregular stay, failures of welfare policies... - that compel individuals, men and women, to enter and stay in the prostitution world.

AILBHE SMYTH : Résistance féministe à la violence masculine contre les femmes. Quelles perspectives?
Les militantes et chercheuses féministes des années soixante-dix ont oeuvré activement pour la reconnaissance du problème de la violence masculine et le soutien aux victimes. Grâce à leur action, cette violence est aujourd'hui reconnue dans les instances internationales comme une question prioritaire. Pourtant, la mise en place de moyens de lutte adéquats pour la combattre reste souvent lacunaire. Aujourd'hui, les acquis de la recherche féministe sont menacés par des stratégies de minimisation et de dépolitisation, qui, paradoxalement, vont de pair avec l'institutionnalisation et la professionnalisation des recherches sur la violence et des services d'aide aux victimes. Les analyses féministes, insistant sur le lien entre violence conjugale et domination masculine, sont jugées non pertinentes et citées en marge des explications psychologisantes. Le vocabulaire utilisé induit une euphémisation du phénomène et une " disparition " des coupables. Face à ce nouveau "backlash", l'engagement féministe doit rester vigilant.

Feminist Resistance to Male Violence Against Women. Which Perspectives?
In the nineteen-seventies, feminist activists and researchers strived to have the problem of male violence recognized and to obtain help for its victims. Thanks to their efforts, international bodies have made addressing this form of violence a priority issue. Yet, the establishment of adequate mechanisms to combat it remains minimal. Today, the knowledge acquired by feminist research is besieged by strategies that seek to minimize and depolitize it. Paradoxically, these strategies go hand in hand with the institutionalization and professionalization of research on violence and of support services for victims. Feminist analyses, which insist on the direct relationship between domestic violence and masculine domination, are deemed irrelevant and are cited alongside psychological explanations. The vocabulary used euphemizes the phenomenon and loses sight of the guilty parties. Confronted with this new 'backlash', feminist commitment must remain alert.

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Communiqué de presse

" Garde parentale - Prostitution "

Les médias ont beaucoup parlé ces derniers mois des mères françaises qui viennent se réfugier en Suisse pour échapper au droit de visite accordé à leur ex-conjoint. Nouvelles Questions Féministes publie dans son dernier numéro trois articles de fond qui permettent de comprendre l'émergence de ce genre de situations.

L'un d'eux, écrit par Ailbhe Smyth, analyse les politiques qui euphémisent la violence masculine contre les femmes. La tendance aujourd'hui est de psychologiser la violence et d'en faire une affaire de couple ou de famille, " privée ". Dans cette optique, on postule que la violence peut être exercée aussi bien par les hommes que par les femmes, on va chercher des hommes battus pour le prouver, et on nie ainsi les rapports de pouvoir qui régissent les relations entre femmes et hommes.

Depuis des années, des mouvements d'hommes divorcés s'organisent pour échapper aux accusations de violence qui leur sont adressées. Ils prétendent que les femmes leur volent les enfants et que leur amour paternel est ignoré : la société, en particulier les juges, se liguerait contre eux, au détriment des vrais intérêts des enfants. Analysant ces plaintes dans les pays anglophones, Lynne Harne montre comment les lobbies des pères ont construit une mythologie habile, qui s'appuie sur la revendication d'égalité. " Nous avons changé " disent-ils, " nous sommes de nouveaux hommes " prêts à s'investir auprès des enfants. Donc : on n'a plus de raison de préférer les mères.

En France aussi la présence du père est devenue LE critère de l'intérêt de l'enfant, au détriment même de sa sécurité. Martin Dufresne et Hélène Palma passent au peigne fin la nouvelle loi française qui impose la garde alternée, quels que soient les motifs de la séparation des parents et l'implication du père dans les soins aux enfants. Dès lors qu'il est séparé de sa compagne, l'homme bénéficie d'une présomption de compétence et de bonne volonté ; même si auparavant il n'a jamais changé son enfant ; même si la mère l'accuse d'inceste ou de violence. En outre, comme l'enfant est censé naviguer entre la résidence de la mère et celle du père, la pension alimentaire est supprimée. Il en résulte une paupérisation des femmes lorsque le père ne tient pas ses engagements quant à la prise en charge concrète des enfants.

Par ailleurs, ce numéro de NQF propose un deuxième groupe d'articles qui traite de la prostitution. Avec des points de vue différents, ceux-ci abordent des questions épineuses. Faut-il considérer toutes les formes de prostitution comme des violences elles aussi ? Doit-on la reconnaître comme un " métier librement choisi " (voir l'interview de Cathy) ou la condamner en tant qu'institution patriarcale et capitaliste (voir la prise de position de la Coalition contre le trafic des femmes) ? Lilian Mathieu quant à lui analyse les déterminations socio-économiques de la vie sur le trottoir. A ses yeux, la prostitution est la conséquence d'injustices économiques structurelles auxquelles il faut prioritairement s'attaquer si l'on veut que les personnes prostituées aient d'autres alternatives d' " affiliation " à la société.

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