Sous la direction de Sébastien Chauvin et d'Olivier Fillieule
Ma thèse s’intéresse au travail du care fourni par des associations caritatives et humanitaires dans un canton de Suisse romande, majoritairement pris en charge par des bénévoles situé.e.s en marge du salariat (essentiellement des hommes migrants, des personnes au bénéfice de l’aide sociale, des retraité.e.s). Il s’agit alors d’interroger les usages qui sont faits du travail bénévole dans le domaine du care à la fois par l’Etat, les associations étudiées, et les actrices et acteurs qui le fournissent. Je m’attache ainsi à questionner les dispositifs institutionnels qui enserrent cette pratique, la façon dont ces dispositifs se réalisent concrètement au sein des associations étudiées, ainsi que la manière dont les individus se saisissent, donnent sens à et se conçoivent au travers de leur travail bénévole.
Mon objet invite plus largement à penser la répartition du travail entre Etat et associations dans l’administration des populations civiquement et/ou économiquement précaires, de même qu’à interroger des mécanismes contemporains d’invisibilisation du travail en Suisse romande.
Sous la direction de Marta Roca I Escoda et Hélène Martin
En 2014, dans un contexte de débats sur la légitimité de certains mariages, entre personnes suisses et étrangères, le Parlement suisse a accepté la révision totale de la Loi fédérale sur l’acquisition et la perte de la nationalité suisse, devenue alors Loi sur la nationalité. Le Secrétariat d’État aux migrations affirme que l’ancienne loi ne tient pas compte des dernières révisions de la Loi sur les étrangers, à laquelle de nombreuses dispositions sont liées, dont celles relatives à « l’intégration réussie ». Relevons qu’en Suisse, environ 36% des mariages célébrés sont des unions entre suisses et personnes de nationalité étrangère (OFS, 2015). Ce chiffre exprime non seulement l’importance des restrictions d’accès aux autorisations de séjour et à la nationalité suisse (Ossipow & Waldis, 2003 ; Riaño, 2011), mais une aussi une certaine idée du mariage véhiculée par les politiques. D’un point de vue sociologique, et plus précisément d’une approche intersectionnelle des rapports sociaux, les critères d’intégration établis par l’Ordonnance sur la nationalité suisse, relative à la nouvelle Loi sur la nationalité, posent différentes questions. Ils en posent notamment dans le cas de la naturalisation facilitée par la voie du mariage, parce que ces critères d’intégration induisent les candidat·es, ainsi qu’à leur conjoint·e suisse à se calquer à un modèle d’intégration déterminé par une disposition légale. En m’intéressant spécifiquement à la naturalisation facilitée dans les cas des candidat·es de nationalité extra-européenne/AELE engagé·es dans une union matrimoniale binationale, je pars du principe qu’une loi ne prend pas uniquement son sens dans sa formulation formelle mais également dans ses applications concrètes (Lipsky, 1980). Sous cette perspective, je propose d’analyser : 1) la mise en œuvre de la politique de naturalisation par les fonctionnaires de l’État chargé·es de l’appliquer (Secrétariat d’État aux migrations et autorités cantonales romandes) ; 2) les parcours face à la procédure des couples binationaux dont l’un·e des conjoints demande la naturalisation facilitée en Suisse romande. Les politiques de naturalisation révélant ce qui fonde les représentations de l’identité suisse (Centlivres, 1990), je souhaite comprendre les modalités de transformation symboliques et juridiques des « couples binationaux » en des « couples suisses ».
Sous la direction de Sébastien Chauvin et Grégoire Mallard (IHEID)
Le genre, la classe et la nationalité s'articulent comme des conditions matérielles et discursives des relations et espaces transnationaux, surtout en ce qui concerne la mobilité internationale à des fins de formation et qualification professionnelle.
Le numéro croissant des étudiants internationaux et l’emergence des universités globales indiquent une nouvelle vague d’internationalisation du système universitaire ainsi que la maintenance du rôle des universités du Nord global dans la coopération au développement des pays du Sud. A travers l'attribution des bourses en faveur des 'cerveaux' économiquement et géographiquement défavorisés du Nord et Sud global, dans quelle mesure doit la formation universitaire des étudiants étrangers être perçue comme une institution de redistribution sociale mondiale ? Ou bien, est-elle plutôt un vecteur du marché de travail global qui s'engage dans le recrutement et qualification des 'hyper'-elites ?
Ma recherche doctorale prend l'exemple de deux universités internationales responsables de la formation spécialisée des étudiants étrangers du Nord et Sud global et situées dans l’espace Schengen pour comprendre l’articulation entre le genre, la classe et la citoyenneté dans ce qui semble d’être une nouvelle forme d'organisation du travail à l'échelle mondiale. A travers une étude des pratiques d'évaluation des compétences et du mérite dans la comparaison des jeunes professionnels du Nord et du Sud global effectuée par le personnel des committees d’admission, du soutien financier et d’orientation professionnelle, j’essaye de investiguer l’existence d’un processus de recrutement international genré. Quelles sont les continuités et ruptures historiques dans le rapport de pouvoir entre Nord et Sud global qui peuvent être reconnues dans l'action de ces appareils administratifs des universités internationales ? Dans un deuxième temps, cette étude s'adressera aussi aux étudiant.e.s et alumni de ces deux écoles afin de comprendre le sens de cette mobilité internationale temporaire pour ces étudiants internationaux. Comment peut-on comprendre leur transition entre une formation à l’étranger et leur (re-)initiation professionnelle dans leur pays d'origine, de residence ou ailleurs ?
Sous la direction d'Eléonore Lépinard et Bernard Voutat
Cette thèse s’inscrit dans une perspective de sociologie du droit et s’intéresse aux transformations et aux enjeux contemporains de l’encadrement de la parentalité, en appréhendant le droit dans sa double dimension : d’une part comme révélateur des évolutions qui affectent nos représentations sociales et nos pratiques et, d’autre part, comme ordonnateur du monde social. Partant d’une étude de type sociohistorique qui analyse les principales révisions législatives en matière de droit de la famille depuis la fin des années 1960 en Suisse, cette recherche montre que la régulation judiciaire de l’institution de la famille s’est progressivement structurée autour de la notion « d’intérêt de l’enfant ». Partant de cette analyse, la thèse vise à comprendre comment se façonne la notion « d’intérêt de l’enfant » de l’élaboration des textes de loi à leur application par le personnel de l’institution judiciaire (juges et greffiers). La recherche mobilise ainsi une perspective ethnographique pour analyser empiriquement comment le personnel de l’institution judicaire donne sens à cette notion juridique dans son travail quotidien, qu’il s’agisse de statuer sur une affaire ou d’amener les justiciables à consentir à un accord. Ce faisant, il s’agit de montrer comment ce personnel participe de la (re)définition des contours de l’institution de la famille, des rôles parentaux et des normes sociales qui leur sont sous-jacentes. Le cœur de cette thèse vise à comprendre comment la régulation sociale s’opère au travers des appareils de justice. Etant donné la chaîne d’interdépendance des autorités judiciaires en Suisse, cette recherche met en perspective les pratiques observées au sein des différentes instances compétentes en matière de droit de la famille : une Autorité de protection de l’enfant, un Tribunal de première instance, un Tribunal Cantonal (autorité judiciaire supérieure du canton) et le Tribunal Fédéral (autorité judiciaire suprême). Il s’agit de comprendre en quoi les logiques organisationnelles de l’institution judiciaire structurent et orientent les pratiques de ce personnel amené à « dire le droit ». Enfin, un volet statistique de l’enquête vise à objectiver ces pratiques, à partir de l’analyse d’un échantillon d’affaires judiciaires.
PhD Supervisor : Eléonore Lépinard
The deepening of neoliberalism and rapid growth of globalization has seen more private institutions cultivate spaces for themselves through Corporate Social Responsibility (CSR) projects in realms of social change and positive impact that have traditionally been reserved for public agencies. The ever-increasing overlap of private and public has seen public and private actors increasingly engage in shared projects often with shared and coinciding objectives. In the wake of the 2008 financial crisis, stimulated by this growing trend of public-private cooperation, a politico-economic project emerged in response to the failing economy, and as a means of advancing gender equality and unearthing new points of profitability through women for transnational corporations. This project, which has since been coined “Neoliberalized Feminism” by feminist scholars can be interpreted as a form of corporate appropriation, with a neoliberal dimension, of the feminist discourse on gender equality and women’s empowerment, through the instigation of women in the global south as producers and consumers. Under Neoliberalized Feminism, private corporations have reached out to public institutions (and vice versa) through public-private partnerships to establish initiatives for gender equality. These programs promote investment in girls and women as good business because it is asserted that such an investment yields very large economic and social returns. In light of these developments, my dissertation project asks the question: “How are the gender equality programs, initiatives and policies engineered through what feminists have characterized as “Neoliberalized Feminism” empowering, and how are they reshaping the subjectivities of on the ground where the programs are implemented?”
Sous la direction de Marta Roca Escoda et co-direction d'Annick Anchisi
La pauvreté vécue par les personnes âgées en Suisse reste peu documentée. Pourtant, les inégalités sont multiples, qu’elles soient liées aux catégories d’âge, de classe, de race et de genre. Vieillir sous-tend l’expérience de transformations corporelles multiples. Vivre en-dessous du seuil de pauvreté implique de devoir trouver des moyens pour subvenir aux nécessités vitales : boire, manger, se protéger, se soigner. Le corps est mis à l’épreuve : travailler, mendier, chercher un abri, faire face à diverses atteintes. Cette thèse a pour objectifs d’interroger les effets de la pauvreté sur les corps et la santé des personnes âgées et de questionner les différentes formes de résistance, tactiques ou ruses des un.es et des autres en situation de pauvreté pour échapper aux stigmates qui leur sont assignés.
Pour cela, nous nous intéresserons aux usager.ère.s d’une association caritative qui distribue des repas chauds gratuitement tous les soirs de l’année dans une ville en Suisse romande. Dans ce cas, l’ethnographie est la méthode privilégiée. Le terrain a été négocié sous forme d’engagement bénévole. Dans une perspective itérative, l’analyse croisera des observations participantes et non participantes, la tenue de carnets de bord, des entretiens formels et informels avec des usager.ère.s, des bénévoles et des professionnel.le.s, des documents internes et des photographies. Des entretiens seront également menés avec des responsables de l’action sociale. Ce terrain d’enquête visibilisera la question de la vieillesse pauvre du point de vue microsociale(interactions), méso et macrosocial (institutions, dispositifs et politiques sociales).
Sous la direction de Marta Roca Escoda et Francesco Panese
Ma recherche porte sur les enjeux éthiques liés aux évolutions récentes des dispositifs de prise en charge des patients cérébrolésés en phase aigüe d'hospitalisation. Depuis une dizaine d'années, du fait de l'évolution de la médecine intensive, de la radiologie interventionnelle et de la neurochirurgie, on assiste en effet à l'émergence d'une nouvelle figure médicale : le patient en éveil de coma qu'il s'agit de réhabiliter dès la phase aigüe d'hospitalisation. En Suisse, des stroke center, des stroke unit, des unités de neuro-rééducation aigüe ainsi que des filières de prise en charge sont ainsi mises sur pied afin d'identifier et de répondre aux besoins spécifiques de ce type de patient. Or, malgré les évolutions scientifiques et technologiques, les professionnels, les patients et les proches vivent dans l'expectative des séquelles neurologiques, du potentiel de récupération et des complications pouvant advenir en cours d'hospitalisation. Dans ce contexte, je mène une ethnographie dans l'unité interdisciplinaire de neuro-rééducation aigüe du CHUV de Lausanne. Dans ce cadre, je m'intéresse plus précisément à la façon dont les interactions entre les professionnels, les patients, les familles et le dispositif sociotechnique façonnent les évènements et rythment les prises de décision. Favorisant une approche pragmatique et phénoménologique, je m'attache à décrire la façon dont le travail clinique construit la réalité et constitue la base tangible à partir de laquelle les professionnels jugent du bien-fondé de ce qu'ils font en cheminant collectivement dans l'incertitude. En m'attachant à décrire le travail quotidien des professionnels, mon objectif consiste ainsi à explorer les conditions de l'éthique en train de se faire.