Pour une théorie psychosociale du narcissisme. Etude sur les théories du sujet chez K. Marx et D.W.Winnicott
Il existe depuis un certain nombre d’années un constat partagé dans les sciences humaines et sociales selon lequel les « désordres de la personnalité narcissique » sont devenus, au fur et à mesure que la formation sociale s’individualisait (Tocqueville 1835, Schatz 1907, Rand 1943, 1964, l’École autrichienne d’économie, Elias 1983), une figure sociale dominante (Riesman 1969, Sennett 1977, Lasch 1979, Green 1983, Ehrenberg 1991, 1998, 2010). Cette ascendance reflète également l’intérêt accru de la psychanalyse pour ce qui a été appelé l’« Ego-psychology », puis la « self-psychology » (H. Hartmann 1939, H. Kohut 1971, O. Kernberg 1975).
C’est à partir de cette problématique du lien complexe existant entre la « pathologie de la personnalité narcissique » et les normes sociales et économiques sur lesquels doit se construire l’identité que j’ai choisi de mettre en relief la théorie socioéconomique du sujet chez Karl Marx et la théorie sociopsychanalytique du sujet chez Donald W. Winnicott.
Ainsi, ce qui nous intéressera, à travers ce choix d’auteurs, c’est l’approche du sujet comme élément d’une relation sujet-objet, puis sujet-sujet. En outre, c’est la complémentarité de ces deux disciplines que sont la philosophie et la psychologie qui nous permettra de développer ce qui manque aux deux disciplines prises isolément et ce en quoi elles peuvent se compléter mutuellement. C’est en ce sens que le concept de « narcissisme » sera un élément central de notre étude, car il cristallise, à lui seul, la causalité psychosociale de ce que soulèvent ces deux auteurs à propos de l’importance de l’environnement dans le raccord de l’individu isolé à l’être générique (Marx)