Mounpe Charre Idrissou

Diffusion des compléments alimentaires chinois au Cameroun : acteurs, modalités, enjeux et logiques.

La montée en puissance de la Chine sur la scène internationale est un des faits remarquables qui marque la politique mondiale de nos jours. Objet d’analyses et d’interprétations diverses, la présence chinoise en Afrique fait couler beaucoup d’encre et de salive chez les observateurs laissant entrevoir une influence de plusieurs acteurs et dans plusieurs secteurs d’activité.

Depuis les années 2000 la vente des compléments alimentaires prend corps dans les principales villes camerounaises à savoir Douala et Yaoundé. Le Cameroun n’a certes pas attendu l’arrivée des premières entreprises chinoises pour disposer des premiers compléments alimentaires en pharmacie ou en commercialisation privée. Mais l’importation desdits produits chinois a révolutionné leur mode de consommation et de circulation. Leur vente par le marketing de réseau va les populariser et leur consommation alliera des logiques de santé (itinéraire thérapeutique), d’utilité, de plaisir ou de distinction.

Ce contexte dans lequel les compléments alimentaires prospèrent au Cameroun, mérite d’être interrogé car la promotion de la santé ici semble nourrir un véritable paradoxe. D’un côté le Cameroun en tant qu’Afrique en miniature, est l’un des rares pays qui produisant suffisamment des fruits et légumes, disponibles en toutes saisons et qui en exporte au moins dans la sous-région Afrique Centrale. Pourtant les spécialistes de santé et de nutrition conseillent de consommer cinq fruits et légumes par jour pour avoir une alimentation équilibrée, la disponibilité des fruits et légumes rend cette recommandation possible ici, notamment en ville si les moyens le permettent. De l’autre côté, l’on constate une montée en puissance de la consommation des compléments alimentaires ces dernières années, pour palier des carences nutritionnelles entre autres. Pourtant, ces compléments alimentaires ne sont pas toujours financièrement accessibles à toutes les couches. Ils sont bien trop chers et contredisent même l’idée selon laquelle les produits chinois sont moins chers en Afrique puisque les compléments alimentaires venant de Chine ne dérogent pas à cette règle de la cherté. Ce paradoxe invite à questionner non seulement le système de promotion de la santé, les habitudes alimentaires, l’éducation alimentaire mais aussi et surtout les mécanismes et stratégies de diffusion des compléments alimentaires au Cameroun.

En nous intéressant à la circulation des savoirs et produits d’entretien corporel ou de soins venus de Chine, nous aménageons une place de choix aux acteurs africains d’en bas qui interagissent avec des acteurs privés chinois, domestiquant ces produits et pratiques en s’appropriant les mécanismes et stratégies de consommation ou de commercialisation. Cette posture peut avoir au moins l’avantage d’observer et d’analyser comment les médiateurs invisibles ou silencieux se mettent en œuvre dans ce processus de diffusion.

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