Journée d'étude - 29 mars 2023

L'enquête à l'ère numérique, quand le terrain s'invite sur les réseaux sociaux...

Les pratiques de l’enquête en sciences sociales sont de plus en plus transformées/affectées par le rôle devenu incontournable des technologies numériques et des réseaux sociaux – où se déploie une part signifiante de l’activité personnelle comme professionnelle des acteurs sociaux. Au cours de leurs recherches, en suivant leurs informateur.trice.s, les chercheur.e.s sont de plus en plus amenés à travailler avec des supports numériques et, en particulier, les données des réseaux sociaux. Au cœur de la pandémie, c’est d’ailleurs le terrain lui-même qui a basculé dans l’univers numérique. À travers des recherches d’enquêté.e.s par Instagram, des entretiens Zoom et même WhatsApp, ou encore des analyses de commentaires Facebook, le terrain devient multimédia par la force des choses, et s’en trouve refaçonné par les espaces et les outils numériques.

Si l’usage personnel des supports numériques est de l’ordre de l’évidence, son usage méthodologique dans l’enquête sociale ne l’est pas. Il est souvent perçu comme un imprévu, un accident du terrain, avec lequel il faut composer, ou alors comme une opportunité à saisir. Une réflexion est nécessaire sur l’usage des supports numériques dans l’enquête sociale, sur le statut des données numériques, leur recueil, leur utilisation, leur analyse et leur sauvegarde. De nombreuses questions se posent : que faire de ces données ? Comment les sauvegarder, les traiter ou encore les citer ? Quid de l’anonymisation ? Comment considérer la structure, les filtres et les codes d’une plateforme d’échange sur les propos et contenus des informateur.trice.s ?, etc.

Depuis trois décennies au moins, les chercheur.euse.s ont développé des méthodologies propres à ces nouveaux outils, comme « l’ethnographie en ligne » ou les différents types de recherche sur les données numériques (Hine 2000; Madianou et Miller 2013). Des logiciels d’analyse des contenus numériques ont été élaborés dès les années 1990, et l’analyse sociologique des controverses en a fait grand usage (Chateauraynaud et Chavalarias 2018). Un champ d’études spécialisé et extrêmement riche sur les datas et leurs usages dans la recherche numérique a vu le jour. Qu’en est-il toutefois des manières de mener la recherche du côté des chercheur.e.s non spécialistes, qui se trouvent affectées et transformées par ces supports ? Au fil des ans se construisent indéniablement de nouvelles « manières de faire », et de nouvelles pratiques d’enquête à l’ère numérique (Bourrier et Kimber s. d.; Fillieule et al. 2022; Khamsy 2022; Richardier 2022; Zani 2021). Quels sont les avantages et les inconvénients de ces manières inédites de mener l’enquête en sciences sociales ?

 Cette journée d’étude vise à soulever ces questions à partir d’expériences effectives de l’enquête, en s’intéressant à la manière dont des chercheur.e.s les abordent actuellement de manière pratique, comment ils et elles les travaillent et leur donnent réponse, en questionnant concrètement l’usage de ces supports, l’analyse des données qui en résulte et, tout bonnement, les intérêts scientifiques de l’enquête à l’ère numérique.

Programme de la journée

Geopolis 5899

10h15 - 10h30 : Introduction par Olivier Voirol (Unil) et Jean-Marie Oppliger (Unil)

10h30 - 11h30 : Lucia Candelise (Unil) et Véronique Duchesne (Uni. Paris Cité/Ceped)

Enquêter en temps de pandémie en Afrique (Caméroun et Guinée), la conception et mise en oeuvre d'une application Web mobile

Résumé

 

11h45 - 12h45 : Verena Richardier (UniFR) et Leah Kimber (UniGE)

Enquêter à distance : retour sur un numéro spécial de Socio-Anthropologie

Résumé

 

12h45 - 13h15 : Glen Lomax (Unil)

Open quoi et protège qui ? Penser nos pratique numériques

Information

 

14h15 - 15h15 : Alexandre Dafflon (Unil)

Réseaux sociaux et mouvement sociaux. L'apport des données numériques dans la compréhension du mouvement des Gilets Jaunes

 

15h30 - 16h30 : Nina Khamsy (IHEID)

Mener une ethnographie numérique en terrains mouvants : le cas du téléphone portable et du fait migratoire afghan sur la "route des Balkans"

Résumé

 

16h30 - 17h00

Discussion générale et conclusive avec Boris Beaude (Unil)

 

Bibliographie :

Bourrier, Mathilde, et Leah Kimber (dir.), « Enquêter à distance : nouvel eldorado ? » Socio-Anthropologie (45). doi: https://doi.org/10.4000/socio-anthropologie.10989.

Chateauraynaud, Francis, et David Chavalarias. 2018. « L’analyse des grands réseaux évolutifs et la sociologie pragmatique des controverses: Croiser les méthodes face aux transformations des mondes numériques ». Sociologie et sociétés 49(2):13761. doi: 10.7202/1054277ar.

Fillieule, Olivier, Alexandre Dafflon, Zakaria Bendali, Maite Beramendi, et Davide Morselli. 2022. « From Uprising to Secession: A Plea for a Localized and Processual Approach to the Avatars of the Yellow Vest Movement ». French Politics 20(34):36694. doi: 10.1057/s41253-022-00198-6.

Hine, Christine. 2000. Virtual Ethnography. 6 Bonhill Street, London England EC2A 4PU United Kingdom: SAGE Publications Ltd.

Khamsy, Nina. 2022. « Mobile Phones on Mobile Fields: Co-Producing Knowledge about Migration and Violence ». Antropologia Pubblica 8(1). doi: 10.1473/anpub.v8i1.258.

Madianou, Mirca, et Daniel Miller. 2013. « Polymedia: Towards a New Theory of Digital Media in Interpersonal Communication ». International Journal of Cultural Studies 16(2):16987. doi: 10.1177/1367877912452486.

Richardier, Verena. 2022. « Lire nos voix et entendre nos écrits: Échanges kaléidoscopiques à distance dans une recherche sur l’aide humanitaire ». Socio-anthropologie (45):7591. doi: 10.4000/socio-anthropologie.11194.

Zani, Beatrice. 2021. « Shall WeChat? Switching between Online and Offline Ethnography ». Bulletin of Sociological Methodology/Bulletin de Méthodologie Sociologique 152(1):5275. doi: 10.1177/07591063211040229.

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