L'enquête à l'ère numérique, quand le terrain s'invite sur les réseaux sociaux...
Les pratiques de l’enquête en sciences sociales sont de plus en plus transformées/affectées par le rôle devenu incontournable des technologies numériques et des réseaux sociaux – où se déploie une part signifiante de l’activité personnelle comme professionnelle des acteurs sociaux. Au cours de leurs recherches, en suivant leurs informateur.trice.s, les chercheur.e.s sont de plus en plus amenés à travailler avec des supports numériques et, en particulier, les données des réseaux sociaux. Au cœur de la pandémie, c’est d’ailleurs le terrain lui-même qui a basculé dans l’univers numérique. À travers des recherches d’enquêté.e.s par Instagram, des entretiens Zoom et même WhatsApp, ou encore des analyses de commentaires Facebook, le terrain devient multimédia par la force des choses, et s’en trouve refaçonné par les espaces et les outils numériques.
Si l’usage personnel des supports numériques est de l’ordre de l’évidence, son usage méthodologique dans l’enquête sociale ne l’est pas. Il est souvent perçu comme un imprévu, un accident du terrain, avec lequel il faut composer, ou alors comme une opportunité à saisir. Une réflexion est nécessaire sur l’usage des supports numériques dans l’enquête sociale, sur le statut des données numériques, leur recueil, leur utilisation, leur analyse et leur sauvegarde. De nombreuses questions se posent : que faire de ces données ? Comment les sauvegarder, les traiter ou encore les citer ? Quid de l’anonymisation ? Comment considérer la structure, les filtres et les codes d’une plateforme d’échange sur les propos et contenus des informateur.trice.s ?, etc.
Depuis trois décennies au moins, les chercheur.euse.s ont développé des méthodologies propres à ces nouveaux outils, comme « l’ethnographie en ligne » ou les différents types de recherche sur les données numériques (Hine 2000; Madianou et Miller 2013). Des logiciels d’analyse des contenus numériques ont été élaborés dès les années 1990, et l’analyse sociologique des controverses en a fait grand usage (Chateauraynaud et Chavalarias 2018). Un champ d’études spécialisé et extrêmement riche sur les datas et leurs usages dans la recherche numérique a vu le jour. Qu’en est-il toutefois des manières de mener la recherche du côté des chercheur.e.s non spécialistes, qui se trouvent affectées et transformées par ces supports ? Au fil des ans se construisent indéniablement de nouvelles « manières de faire », et de nouvelles pratiques d’enquête à l’ère numérique (Bourrier et Kimber s. d.; Fillieule et al. 2022; Khamsy 2022; Richardier 2022; Zani 2021). Quels sont les avantages et les inconvénients de ces manières inédites de mener l’enquête en sciences sociales ?
Cette journée d’étude vise à soulever ces questions à partir d’expériences effectives de l’enquête, en s’intéressant à la manière dont des chercheur.e.s les abordent actuellement de manière pratique, comment ils et elles les travaillent et leur donnent réponse, en questionnant concrètement l’usage de ces supports, l’analyse des données qui en résulte et, tout bonnement, les intérêts scientifiques de l’enquête à l’ère numérique.