La spiritualité et le bien-être chez les personnes âgées : besoins, pratiques et réponses institutionnelles

Présentation de la recherche

La spiritualité et la religion sont souvent considérées comme des ressources importantes pour faire face aux aléas de l’avancée en âge. Ces dernières décennies ont vu se multiplier les études sur le rapport qui existe entre l’implication spirituelle/religieuse et les bienfaits pour la santé mentale chez les personnes âgées. Entre autres ces études ont montré que la foi religieuse et une spiritualité élevées sont associées à une capacité accrue de faire face au stress, à l’anxiété et à l’adversité (par exemple, Glicksman, 2009 ; Koenig, 2006 ; Levin & Chatters, 2008 ; Moberg, 2005).

La plupart de ces études proviennent des Etats-Unis, où une grande partie de la population se dit croyante ou religieuse, à la différence de la Suisse où l’espace accordé à la religion se réduit continuellement. Jusqu’à présent, peu d’études se sont intéressées à l’impact de la religiosité et de la spiritualité sur la santé et le bien-être chez les personnes âgées. Parmi les travaux les plus récents sur ce sujet, on peut citer ceux de Monod et de ses collègues sur le problème de la détresse spirituelle et l’intégration de la dimension spirituelle dans la prise en charge des patients âgés (Monod, Rochat, & Bula, 2009; Monod-Zorzi, 2012). Ainsi que deux recherches quantitatives rapportant l’effet de la religiosité sur l’espérance de vie en Suisse (Lerch, Oris, Wanner, & Forney 2010; Spini, Lalive d'Epinay, & Pin, 2001).

Compte tenu de ce qui précède une étude exploratoire sur la relation entre la religiosité, plus largement la spiritualité, et le bien-être chez les personnes âgées a été lancée pour mieux comprendre le vécu de cette population suisse.

Cette étude a pour but d’explorer et de comprendre comment la spiritualité participe au bien-être des seniors résidant en appartements protégés et en EMS que ce soit en courts ou en longs séjours. Elle cherche à identifier les attentes religieuses et spirituelles de cette population et à examiner si la réponse institutionnelle à ces dernières est considérée comme adéquate. Elle étudie aussi la manière dont une réponse appropriée contribue au bien-être des personnes résidentes.

L’étude a porté sur deux EMS du canton de Vaud situés en zone urbaine. Une trentaine de résidents volontaires ont participé à deux rencontres individuelles. Lors de la première, un entretien semi-structuré[1] permettait d’explorer les pratiques et les croyances spirituelles et religieuses des interviewés et leur évolution de l’enfance jusqu’à maintenant. La deuxième rencontre était destinée à la passation d’échelles évaluant le bien-être (bien-être général (Bravo, Gaulin, & Dubois, 2005), MRAE mesurant le moral en institution (Lévesque & Robitaille, 1983), FACIT-Sp-12 mesurant le bien-être spirituel (Canada, Murphy, Fitchett, Peterman, & Schover, 2008)) et à un second entretien semi-structuré évaluant la détresse spirituelle : le SDAT (Monod, Rochat, Büla, Jobin, Martin, & Spencer, 2010.  Cette approche auprès des résidents a été complétée par une douzaine d’entretiens avec des membres du personnel de l’un de ces établissements. Ces entretiens exploraient leur perception des besoins spirituels des résidents, la manière dont ils y répondaient, ainsi que la manière dont ils percevaient leur propre rôle. Cette approche par entretien a été complétée, dans l’un des établissements, par la distribution de questionnaires aux résidents et à leurs proches, lors d’une permanence d’une quinzaine de jours dans les locaux de cet établissement. Des questionnaires ont aussi été distribués dans une résidence d’appartements protégés voisine.

Enfin, elle offre une réflexion sur la praticité des outils employés sur le terrain pour cette population spécifique et a permis de mettre en avant de nouvelles pistes de recherche.

Les premiers résultats montrent que, la plupart du temps, les attentes des seniors résidant aujourd’hui en EMS correspondent en grande partie à l’ethos hérité des Eglises historiques (protestantes et catholique) et que si les ressources spirituelles mobilisées pour affronter le vieillissement sont multidimensionnelles, les personnes se sentent cependant parfois assez seules pour les mobiliser. La raison de cette solitude ne résulte pas d’un manque d’attention des directions des deux EMS considérés qui, au contraire, sont particulièrement sensibles à l’importance du rôle des aumôniers et à l’intégration de la dimension spirituelle dans le dispositif de soins. Le sentiment de solitude face aux questions existentielles liées au vieillissement et à la fin de vie trouve plutôt son origine dans la difficulté à parler de ce qui se rattache au domaine de l’intime dont fait partie la spiritualité, difficulté qui paraît encore accentuée dans la génération des plus de 80 ans. Rejoindre ces préoccupations reste donc un défi.

Cette étude met également en lumière de nombreux questionnements de recherche : la question de l’émergence de nouvelles formes de spiritualité dans la société suisse et la prise en considération des attentes qui y sont associés dans la génération des moins de 80 ans qui commence aussi à être présente en EMS, la question de l’accès à la connaissance des besoins des personnes trop affaiblies pour participer à des entretiens ou ne pouvant plus s’exprimer de manière cohérente, la question de l’évolution des besoins spirituels lors de péjorations conséquentes de l’état de santé et de la proximité de la fin de vie. Elle soulève aussi la question de la transmission de l’information entre soignants lors du passage entre domicile et institutions de soins.

[1] Le canevas d’entretien est une adaptation du « Guide d’entretien semi-structuré concernant les croyances spirituelles et les pratiques religieuses » utilisé dans une recherche précédente sur l’importance de la religion et de la spiritualité chez des personnes souffrant de schizophrénie (Mohr, Borras, Gillièron, Brandt, & Huguelet, 2006).

Financement : Fondation Leenaards - Prix Leenaards âge & société 2015

Durée : 01.10.2015 - 01.09.2016

Equipe de recherche : Prof. Pierre-Yves Brandt (responsable), Dr. Zhargalma Dandarova-Robert (cheffe de projet), Karine Laubscher (chercheuse).

Collaborateurs associés au projet : Grégory Dessart, Doctorant FNS ; Liudmila Gamaiunova, Doctorante pour l’analyse statistique; Sara Klanac, M.A. (ps.) ; Alexandra Tissier, M. A. (ps.) ; Carine Carlen, M.A. (ps.) ; Marie-Rachel Sudan, M. A. (ps.) pour la récolte des données

Film de présentation du projet : Une vidéo présentant le projet est disponible sur le site de la Fondation Leenaards à l’adresse suivante : https://vimeo.com/146224714.

Pour de plus amples informations, contacter le Professeur Pierre-Yves Brandt : Pierre-Yves.Brandt@unil.ch

 

Bibliographie

Bravo, G., Gaulin, P., & Dubois, M.-F. (1996). Validation d’une échelle de bien-être général auprès d’une population âgée de 50 à 75 ans. Revue Canadienne du Vieillissement, 15(1), 112-128.

Canada, A. L., Murphy, P. E., Fitchett, G., Peterman, A. H., & Schover, L. R. (2008). A 3-factor model for the FACIT-Sp. [Research Support, N.I.H., Extramural]. Psychooncology, 17(9), 908-916. doi: 10.1002/pon.1307.

Glicksman, A. (2009). The Contemporary Study of Religion and Spirituality Among the Elderly: A Critique. Journal of Religion, Spirituality & Aging, 21(4), 244-258.

Koenig, H. G. (2006). Religion, spirituality and aging. Aging & Mental Health, 10(1), 1-3. 

Lerch, M., Oris, M., Wanner, P. & Forney, Y. (2010). Affiliation religieuse et mortalité en Suisse entre 1991 et 2004. Population, 65(2), 239-272.

Lévesque, L., & Robitaille, G. (1983). Validation d'un Instrument de Mesure du Moral des Résidents Âgés en Établissement de Santé. Rapport de recherche. Faculté des sciences infirmières, Université de Montréal. [téléchargeable sur le site http://www.rqrv.com/fr/instrument.php?i=48]

Levin, J. & Chatters, L. M. (2008). Religion, aging, and health: Historical perspectives, current trends, and future directions. Journal of Religion, Spirituality & Aging, 20(1-2), 153-172.

Moberg, D.O. (2005). Research in spirituality, religion, and aging. Journal of Gerontological Social Work, 45:1- 2, 11-40.

Mohr, S., Borras, L., Gillièron, C., Brandt, P.-Y., & Huguelet, P. (2006). Spiritualité, pratiques religieuses et schizophrénie: Mise au point pour le praticien. Revue Médicale Suisse, 2, 2092-2098.

Monod, S., Rochat, E., & Bula, C. (2009). Is there a place for spirituality in the care of elderly patients? In M. T. Evans Walker & E. D. Walker (Eds.), Religion and psychology (pp. 77–95). New York, NY: Novapublishers.

Monod, S., Rochat, E., Büla, C.J., Jobin, G., Martin, E., & Spencer, B. (2010). Development and validation of an instrument to assess spiritual distress in hospitalised elderly persons : The Spiritual Distress Assessment Tool. BMC Geriatrics, 10, 88. http://www.biomedcentral.com/1471-2318/10/88.

Monod-Zorzi, S. (2012). Soins aux personnes âgées : Intégrer la spiritualité ? Bruxelles : Lumen Vitae.

Spini, D., Lalive d'Epinay, C., & Pin, S. (2001). Pratique religieuse et survie dans la grande vieillesse. Médecine & Hygiène, (2368), 2258-2262

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