Colloque du CIEL 2024
Premier rôle aux animaux autres qu’humains dans les fictions: agentivité, expérience, point de vue
Lieu: Université de Lausanne
Dates: 28 et 29 novembre 2024
Organisation: Romain Bionda (UNIL, section de français & CIEL)
Argumentaire:
Depuis La Chèvre de monsieur Seguin (1869) d’Alphonse Daudet au moins, et jusqu’au jeu vidéo Stray (2022) de BlueTwelve Studio, de très nombreux récits sont construits autour des capacités d’action, des expériences ou des points de vue possibles ou supposés d’un animal autre qu’humain, dont l’altérité spécifique n’est pas entièrement assimilée aux facultés ou aux motivations humaines. Ce faisant, ces récits prennent le risque de représenter des situations dans lesquelles il peut a priori sembler artificiel ou inintéressant de se projeter, parce que celles-ci paraissent peu crédibles ou trop lointaines.
Ces récits mettent alors en place plusieurs types de stratégies pour accompagner ou favoriser l’imagination de leurs publics – leur projection ou immersion dans l’histoire racontée, voire leur identification à un animal autre qu’humain. Ils construisent parfois des parallèles entre les parcours et les actions des personnages non humains et ceux de personnages humains, afin d’en suggérer les correspondances – à l’instar de The Grizzly King (1916) de James Oliver Curwood – ou pour mettre en scène la rencontre de mondes et d’êtres a priori indépendants les uns des autres, comme dans Les Fourmis (1991) de Bernard Werber ou dans Héliosphéra, fille des abysses (2022) de Wilfried N’Sondé. Contrairement aux récits de confrontation ou de rencontre, certains autres mettent en scène un parcours menant du monde des humains à celui des autres qu’humains : le chien de The Call of the Wild (1903) de Jack London et le singe de Mémoires de la jungle (2010) de Tristan Garcia sont deux individus domestiqués s’initiant progressivement aux réalités de la vie « sauvage » ; les récits de métamorphose peuvent thématiser l’altération perceptuelle et physique, voire psychique d’un humain transformé en autre qu’humain, qui la constate soudainement, comme dans Die Verwandlung (1912) de Kafka, ou progressivement, comme dans Truismes (1996) de Marie Darrieussecq. Bien d’autres dispositifs narratifs existent. Chaque art ou médium dispose en outre de moyens et procédés stylistiques propres – qui ne favorisent pas tous la projection ou l’immersion dans la situation de l’animal, ainsi que le montrent les diverses adaptations scéniques contemporaines du texte précité de Kafka.