Sur le chemin de l'Europe : Migrations non documentées, ressources culturelles et digitales
Colloque international
8-9 juin 2017
Université de Lausanne
© Simon Mastrangelo
© Simon Mastrangelo
Les soulèvements populaires – débutés en Tunisie, où ils ont abouti à la chute du régime de Ben Ali, le 14 janvier 2011 – ont concerné, à des degrés divers, plusieurs pays de la rive sud de la Méditerranée. Ces mouvements, au cœur desquels se trouvait une aspiration à plus de justice sociale et à une plus grande liberté politique, ont eu des suites très contrastées selon le pays : retour de l’ancien ordre, réformes politiques, révolution et guerre civile. L’instabilité économique, politique et sécuritaire qu’ils ont fait naître a eu un retentissement au niveau des migrations. Ce colloque s’inscrit dans le cadre des réflexions sur les continuités et les ruptures des migrations en Méditerranée depuis 2011. Alors que la notion de « crise des migrants » et son pendant critique « la crise des politiques migratoires » sont au centre des regards tant politiques, médiatiques, militants et scientifiques, ce colloque propose de poursuivre l’effort de décentrement en proposant des approches et des matériaux innovants, focalisant les représentations que les migrant.e.s ont d’une “bonne vie” et de l’Europe.
Ce colloque s’inscrit dans le cadre du projet FNS, « Undocumented mobility (Tunisia-Switzerland) and digital cultural resources after the ‘Arab Spring’ » dirigé par la professeure Monika Salzbrunn. L’ambition scientifique de ce projet est d’aller au-delà des modèles dominants pour expliquer les migrations et de proposer une réflexion ethnographique sur les migrations non documentées tunisiennes. Fondé sur des enquêtes multi situées et des sources originales, ce travail a permis de proposer des analyses stimulantes sur des thèmes variés : les imaginaires migratoires et l’idée d’une vie meilleure espérée en Europe, l’usage que les harraga[1] et les personnes qui aspirent à migrer font d’Internet ; les itinéraires et les parcours migratoires complexes des sans-papiers, la place de la religion dans les parcours migratoires, les créations artistiques et les rapports de genre en migration. Les productions culturelles et les espaces digitaux se trouvent au coeur de la réflexion proposée.
Dans le cadre de chaque panel, les chercheur.e.s du projet « Undocumented mobility (Tunisia-Switzerland) and digital cultural resources after the ‘Arab Spring’ » - Monika Salzbrunn, Farida Souiah et Simon Mastrangelo – dialogueront et échangeront avec des chercheur.e.s invité.e.s afin d’enrichir l’analyse des migrations non-documentées tunisiennes grâce à de nouveaux terrains et de nouvelles approches. Le colloque inclura également une soirée grand public durant laquelle un film consacré aux harraga tunisiens – Émirs au pays des merveilles – sera diffusé. Son réalisateur, Ahmed Jlassi, sera présent et participera au débat à l’issue de la projection.
09:15 - 09:30
Mots de bienvenue des organisateurs
Monika Salzbrunn, Farida Souiah et Simon Mastrangelo (Université de Lausanne)
09:30 - 11:00 : Session 1
Introduction générale : Saisir l’agentivité et l’imaginaire des migrant.e.s dans un contexte postrévolutionnaire
L’introduction générale du colloque sera menée par Hassan Boubakri (Université de Sousse, Tunisie) et par Monika Salzbrunn (Université de Lausanne, Suisse).
Ce premier axe thématique permettra d’introduire les réflexions générales du colloque. Hassan Boubakri proposera une réflexion sur le contexte révolutionnaire et postrévolutionnaire et son impact sur les parcours et itinéraires migrants au départ et à destination de la Tunisie. Monika Salzbrunn présentera les ambitions et questionnements du projet, notamment la manière dont un regard sur les imaginaires des migrant.e.s, leurs représentations d’une “bonne vie” en Europe et leur créativité renouvelle les sciences sociales des migrations.
Pause café
11:15 - 12:45 : Session 2
Humanités digitales, liens et imaginaire migratoires
La deuxième session de ce colloque sera consacrée aux humanités digitales et interrogera les apports de ces nouveaux terrains et objets aux sciences sociales des migrations. Les espaces digitaux, notamment les réseaux sociaux, sont à la fois des lieux d’échange d’expérience entre migrant.e.s, de maintien de lien social ainsi que des lieux de production et de diffusion de représentations symboliques liées aux expériences migratoires. Ils constituent une porte d’entrée vers les imaginaires migratoires.
Dana Diminescu (Télécom ParisTech, France) reviendra sur ses travaux sur les migrant.e.s connecté.e.s et les outils méthodologiques qu’elle a développés avec son équipe. À la rencontre des humanités digitales et des sciences sociales des migrations Monika Salzbrunn, Farida Souiah et Simon Mastrangelo (Université de Lausanne) interrogeront les modalités par lesquelles les harraga tentent de « brûler » les frontières tant physiques qu’imaginaires en faisant notamment appel aux ressources digitales. Ils étudieront l’imaginaire migratoire des harraga et leur perception des frontières grâce à des matériaux originaux. La spécificité de ces données sera interrogée, notamment à l’aune des défis méthodologiques.
Pause déjeuner
14:15 - 16:30 : Session 3
Saisir les migrations par l’art
Cette session interroge à la fois les pratiques artistiques des migrants et à la fois l’art comme source et objet d’analyse en sciences sociales des migrations. Il permettra notamment d’envisager l’art comme un révélateur des imaginaires migratoires et de dynamiques sociales profondes. Il interrogera enfin la possibilité de diffuser les résultats d’une recherche par des performances artistiques.
Cécile Navarro (Université de Lausanne) discutera des représentations de la migration dans les chansons de rappeurs sénégalais installés au Sénégal, aux Etats-Unis et en France en s’interrogeant sur la façon dont ces contenus sont liés à leurs trajectoires migratoires. Farida Souiah (Université de Lausanne) s’interrogera sur les représentations de l’Europe et de la harga dans le mezoued et le rap tunisiens. Valentina Zagaria (London School of Economics, Royaume Uni) proposera une analyse à partir de son expérience d’anthropologue et de metteure en scène au sein de la troupe de théâtre Senza à Lampedusa à Tunis et à Zarzis. Elle explorera la possibilité de faire de l’anthropologie par le théâtre et du théâtre par l’anthropologie.
Pause café
16:45
Projection du film d’Ahmed Jlassi Emirs au pays des Merveilles et débat avec son réalisateur.
09:30 - 10:45 : Session 4
Genre en migration
Cette session, consacrée aux questions de genre, permettra d’interroger ce que le genre fait aux migrations et ce que les migrations font au genre. Cette réflexion s’inscrit dans le cadre d’une approche situationnelle et performative du genre où l’acte de migrer est notamment envisagé tel une performance des idéaux et des stéréotypes de genre. Quels idéaux de la masculinité ou de la féminité sont présents dans les productions artistiques sur la migration et dans les discours des migrants? Comment la migration peut-elle modifier la performance corporelle et discursive du genre ? Quelles sont les figures de la migration et de la circulation féminine et masculine ?
Azita Bathaïe (Université d’Aix-Marseille, France) étudiera les transformations des relations de genre à partir d’une ethnographie des jeunes hommes célibataires afghans en Iran et en Europe. En explorant le mariage des fils, puis celui des filles, des sœurs et des frères, autrement dit en introduisant un point de vue genré. lle montre les changements des pratiques matrimoniales et des relations de genre induits par la migration. Monika Salzbrunn, Farida Souiah et Simon Mastrangelo (Université de Lausanne) s’interrogeront sur les raisons pour lesquelles la harga est une migration principalement masculine et analyseront les idéaux de masculinité et de féminité que les harraga performent en « brûlant » les frontières.
Pause café
11:00 - 13:15 Session 5
Religion et migration
Ce cinquième axe portera sur la question religieuse en rapport avec les aspirations migratoires et les envies de réalisation de soi. Il abordera notamment le rôle que la foi en Dieu peut jouer dans la prise de risque et dans la décision du départ des migrants. Les intervenants montreront comment certaines croyances religieuses participent à modeler aussi bien les aspirations du quotidien que les revendications du droit de migrer ou la manière dont les parcours migratoires sont explicités par les acteurs eux-mêmes.
Imed Melliti (Université de Tunis/IRMC) commencera en abordant la question du rapport des jeunes Tunisiens à l’islam. Loïs Bastide (Université de Genève) montrera ensuite comment la migration peut acquérir un caractère religieux au sein de la communauté d’origine des migrants. Simon Mastrangelo (Université de Lausanne) présentera la manière dont la foi en Dieu et la croyance au destin peuvent être des catalyseurs de prise de risque pour les migrants non-documentés tunisiens.
Direction du projet
Monika Salzbrunn, Professeure ordinaire de « Religions, migration, diasporas », Institut de sciences sociales des religions (ISSR), Université de Lausanne
Comité d'organisation
Simon Mastrangelo (doctorant FNS)
Monika Salzbrunn (directrice du projet)
Farida Souiah (chercheuse FNS senior)
Renseignements et inscriptions
farida.souiah<at>unilch
Partenaires
Département interfacultaire d’histoire et de sciences des religions (DIHSR)
Fonds National Suisse de la recherche scientifique (FNS)
Faculté de théologie et de sciences des religions (FTSR)
Institut des sciences sociales des religions (ISSR)
Laboratoire de Cultures et Humanités Digitales (LaDHUL)
La Fondation pour l’Unil
Plateforme interfacultaire en Etudes Genre (PlaGe)
Intervenants
Loïs Bastide
Azita Bathaï
Hassan Boubakri
Dana Dimanescu
Ahmed Jlassi
Simon Mastrangelo
Imed Melliti
Cécile Navarro
Monika Salzbrunn
Farida Souiah
Valentina Zagaria